samedi 15 mars 2025
Accueil > A la UNE > En Suède, les inégalités entre pauvres et riches explosent

En Suède, les inégalités entre pauvres et riches explosent

Pays vanté pour son État providence censé redistribuer les richesses, la Suède est pourtant, depuis cinq ans, le pays de l’OCDE où les inégalités se creusent le plus rapidement. Au niveau mondial, il est le quinzième plus inégalitaire au monde (avec des écarts de richesses), derrière les États-Unis, les Philippines ou le Nigeria.

Le dernier rapport de l’Agence de statistiques suédoise confirme le décrochage, toujours plus grand, entre les revenus des plus riches et des plus pauvres. Vingt-huit personnes possédaient plus de 100 millions d’euros en l’an 2000 ; aujourd’hui, ils sont 542. C’est une multiplication par 20 de ce qui est appelé dans le pays les « milliardaires », puisque 100 millions d’euros représentent environ un milliard de couronnes suédoises. On estime même que quatorze nouveaux milliardaires rejoignent le club tous les mois.

Et selon l’Agence de statistiques, en 2021, les 10% les plus riches ont augmenté leurs revenus de 16%, contre moins de 4% pour le reste de la population. Un record.

Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène d’accélération et d’accumulation des richesses en Suède. D’abord, les gouvernements successifs, qu’ils soient sociaux-démocrates ou conservateurs, ont favorisé la propriété, puisqu’ils ont aboli dans les années 1990 l’impôt sur la fortune, sur les héritages et sur les dons. Puis, dans les années 2000, ils ont fortement baissé les impôts sur le foncier, mais aussi sur les plus-values faites en Bourse.

En même temps, une bulle immobilière fait que depuis vingt ans, le prix du logement au mètre carré est en croissance continue, et à Stockholm, c’est particulièrement fou. Ce phénomène a donné lieu à de véritables « carrières dans l’immobilier », comme on dit en Suède. Ici, des gens qui possédaient un bien et qui l’ont vendu pour en racheter d’autres afin de revendre à nouveau font des plus-values qui ont frisé les 50% de la valeur initiale par endroit, et ce, en seulement trois ans. Résultat, le capital a rapporté beaucoup plus que le travail.

Les plus endettés d’Europe

Ajoutons à cela des taux d’intérêts nuls, voire négatifs, c’était une politique de la Banque centrale suédoise même quand l’économie était en croissance, ce qui est particulier. Et forcément, cela a poussé les gens à s’endetter pour profiter de cet emballement, puisque c’était le moyen le plus rapide de s’enrichir.

Tant et si bien qu’aujourd’hui, les Suédois sont parmi les peuples les plus endettés d’Europe et ils ont pour la majorité d’entre eux contracté des prêts à taux variable. Alors aujourd’hui, beaucoup s’inquiètent parce que non seulement le marché de l’immobilier est en forte baisse (-10% en un an), mais les taux sont remontés et certains se retrouvent à payer des mensualités de remboursement trois fois plus importantes qu’il y a quelques mois. C’est donc la fin d’une ère et c’est le sujet de conversation du moment. Mais quoi qu’il arrive, ceux qui ont surfé sur la vague se sont énormément enrichis et les super riches le resteront.

Doublement du taux de pauvreté

Et pendant que d’autres s’enrichissent, sur les 20 dernières années, le taux de pauvreté a doublé. Il est passé de 7% à 14%, parce que ceux qui n’avaient pas de capital pour lancer ce genre d’affaires ou un assez bon travail permettant de demander un prêt, non seulement n’ont pas gagné d’argent, mais en ont perdu puisque le prix des loyers a explosé et que les augmentations de salaires n’ont pas suivi au même rythme.

Selon l’Agence de statistiques, la pauvreté en Suède est ainsi sept fois plus courante chez les personnes nées à l’étranger que chez les gens nés en Suède, cette différence entre les locaux et les immigrés est la pire d’Europe.

Et on voit bien comment elle est liée à l’accès au logement, puisque sans patrimoine initial, avec très peu d’économies, juste des petits boulots, c’est impossible pour un immigré d’acheter un bien, d’obtenir un prêt ou même de vivre ailleurs que dans un logement social, très loin du centre-ville.

C. M.