La Conférence de Munich a débuté ce vendredi 17 février en Bavière. Ce rendez-vous incontournable dans le domaine de la sécurité réunit tous les ans le « gratin » des décideurs. Parmi les participants cette année : Emmanuel Macron, Olaf Scholz, mais aussi les chefs des diplomaties chinoise et américaine. Un grand absent, et c’est une première : la Russie. Le président ukrainien s’est exprimé à distance, et son homologue français, ainsi que le chancelier allemand, lui ont emboîté le pas.
La Russie ne peut, ni ne doit gagner la guerre et l’agression russe doit échouer : c’est ce qu’a dit Emmanuel Macron lors de son intervention à la Conférence sur la sécurité de Munich.
Et le chef de l’État français, qui s’exprimait après la diffusion d’un message de son homologue ukrainien, demandant une accélération de l’aide à son pays, a affirmé : « Nous devons absolument intensifier notre soutien. »
Mais il n’a pas fait de nouvelles annonces sur d’éventuels envois d’armes, comme le souhaite le président Zelensky, ou les moyens à mettre en œuvre pour permettre à Kiev de l’emporter.
Emmanuel Macron a redit qu’il fallait préparer la paix, en ayant le courage de réengager le dialogue. Mais d’ajouter aussitôt que l’heure n’est pas à ce dialogue pour le moment, « très clairement », et au contraire, même. Le chef de l’État invite d’ailleurs les Européens, compte tenu du contexte, à réinvestir massivement dans leur défense nationale.
Le président français l’assure : « Nous sommes prêts pour un conflit prolongé face à la réalité de combats toujours aussi acharnés sur le terrain. » Il fait ainsi passer un message également destiné à l’opinion française : la guerre en Ukraine va durer, avec son lot de conséquences sur leur vie quotidienne auquel il faudra faire face.
Le chef de l’État a enfin profité de la tribune de la Conférence de Munich pour inviter les pays européens à repenser leur doctrine de sécurité, en plus d’investir plus. Il a d’ailleurs annoncé l’organisation d’une conférence sur la défense aérienne de l’Europe, prochainement à Paris, réunissant notamment l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni.
Zelensky : « Pas d’alternative à la vitesse, car c’est d’elle que dépend la vie »
Pour le président français, seule l’intensification de l’aide permettra à Kiev de mener une contre-offensive pouvant déboucher sur des « négociations crédibles aux conditions choisies par l’Ukraine ». Mais pour cela, il faut des chars d’assaut, et le chancelier allemand a appelé les pays pouvant le faire à « vraiment » livrer ces chars.
Le ton d’Olaf Scholz était inhabituellement critique. Jeudi, son ministre de la Défense a indiqué que les Alliés n’avaient rassemblé jusqu’à présent qu’un demi-bataillon de Leopard 2, les plus modernes. Volodymyr Zelensky n’était pas en Allemagne, ce vendredi, mais il est apparu en vidéo, depuis Kiev.
Nous avons besoin d’aller plus vite. De conclure nos accords plus vite, d’augmenter la vitesse des livraisons pour renforcer notre combat, la vitesse des décisions pour limiter le potentiel russe. Il n’y a pas d’alternative à la vitesse, car c’est d’elle que dépend la vie. Le retard est, a toujours été, une erreur. Pendant que nous négocions pour renforcer nos défenses avec des tanks modernes, le Kremlin réfléchit. Il réfléchit à des moyens d’étrangler la Moldavie. Pendant que nous essayons de convaincre que l’Ukraine a besoin d’avions de chasse modernes, le Kremlin a déjà convaincu le régime iranien. Le résultat n’est pas seulement létal – des drones iraniens dans le ciel ukrainien –, mais il y a aussi ce avec quoi le Kremlin a payé Téhéran ; est-ce que vous êtes sûrs que ce n’est qu’avec de l’argent ?
Scholz : « Il faut être prêt pour une guerre de longue durée »
Longtemps mise sous pression par ses partenaires pour livrer des chars de combat à l’Ukraine, l’Allemagne a finalement donné son feu vert, fin janvier, et veut livrer des Leopard 2. Des pays souhaitant livrer ces équipements demandés par Kiev sont autorisés à le faire. Mais entretemps, les promesses ne se transforment donc pas assez en actes.
Olaf Scholz, interrogé à ce sujet à la Conférence sur la sécurité de Munich, a dû reconnaître que des discussions avec des partenaires étaient nécessaires.
C’est une question que je dois poser à d’autres. Spécialement à ceux qui m’ont poussé à prendre une décision. Je le répète : la seule stratégie pour être unis, c’est de ne jamais vous exprimer pour vous-même, mais de discuter avec vos partenaires. C’est ce que nous faisons. Nous travaillons à la livraison de ces chars. L’industrie est aussi très active pour que nous puissions livrer les premiers Leopard 2 très vite. Nous avons aussi commencé la formation des soldats ukrainiens pour conduire ces véhicules. Certains pays ne peuvent pas livrer les chars les plus modernes comme nous le faisons. J’espère malgré tout que d’autres le feront. Il faut être prêt pour une guerre de longue durée. Et c’est important d’envoyer à Poutine le message que nous resterons aux côtés de l’Ukraine, a déclaré le chancelier allemand.
M. Scholz a par ailleurs indiqué que Berlin aiderait la Lituanie, la Pologne et la Slovaquie dans leur effort de défense. Car dans son intervention en ouverture de la Conférence, le président ukrainien a affirmé, une nouvelle fois, qu’il était « évident» à ses yeux que Vladimir Poutine comptait envahir, après l’Ukraine, d’autres anciennes républiques soviétiques.
Pas de représentants russes à Munich, une première
Pas de représentants de Moscou à Munich, et c’est une première d’autant plus symbolique qu’en 2007, Vladimir Poutine avait prononcé dans le cadre de cette Conférence un discours resté dans les mémoires.
Le président russe avait pour la première fois revendiqué son désir de puissance, et dénoncé l’hégémonie américaine sur les relations internationales. L’année suivante, la Russie intervenait militairement en Géorgie.
Seize ans plus tard, nous voilà dans cette guerre entre la Russie et l’Ukraine, bien sûr au cœur de l’évènement, avec actuellement en toile de fond la crainte d’une nouvelle grande offensive russe dans les prochaines semaines.
Alors, certes, l’Ukraine a tenu le choc au cours de cette première année de guerre. Mais résistera-t-elle à cette nouvelle offensive, en termes d’effectifs, de matériel et de munitions ?
Il sera aussi question sans doute à Munich, entre les pays occidentaux, des nouvelles sanctions qui devraient être annoncées dans le courant de la semaine.
Pas d’annonce majeure à attendre dans le cadre de la Conférence de Munich, en sommes, mais des discussions, et des tractations, qui vont sans doute continuer d’être très importantes, pour que le soutien à Kiev se maintienne et se renforce dans les prochaines semaines.
B. M.