vendredi 22 novembre 2024
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Respiration / La BPCO, une pandémie invisible

Près de 8 % des Français sont touchés par cette grave maladie des poumons et 18 000 en meurent. De nouvelles thérapies sont à l’étude.

« Vu ce qu’il fume, c’est normal qu’il tousse autant. » « Il ne peut plus monter deux étages sans être essoufflé. Mais bon, il ne fait plus de sport… »

Ces phrases, nous les avons déjà tous entendues, voire prononcées, sans penser à mal. Pourtant, malgré leur apparent « bon sens », elles participent à rendre invisible une maladie qui affecte entre 3 et 3,5 mil- lions de Français, soit près de 8 % de la population : la bronchopneumopathie obstructive, ou BPCO.
Cette grave affection des poumons, autrefois appelée emphysème ou bronchite chronique, tue chaque année plus de 18 000 personnes et entraîne pour 700 millions d’euros d’hospitalisation. Sur la période 2005-2010, son coût global a été estimé à 3,5 milliards d’euros… Mais malgré ce lourd fardeau, la BPCO reste largement ignorée : les deux tiers des personnes qui en souffrent ne le savent pas !

« Souvent, la BPCO est diagnostiquée quand le patient arrive aux urgences, alors que cela fait probable- ment quinze ou vingt ans qu’il est malade », déplore Bruno Crestani, pneumologue à l’hôpital Bichat et président de la Fondation du souffle. Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, 85 à 90 % des malades sont des fumeurs, lesquels considèrent leurs symptômes (toux, essouffle- ment) comme « normaux ». Ensuite, elle progresse lentement et les patients s’adaptent à leur perte de capacité. Enfin, le diagnostic néces- site de mesurer le souffle, un examen qui n’est pas pratiqué en routine. La détection précoce est pourtant cruciale, car la BPCO dégrade les poumons de façon irréversible. Outre un changement de mode de vie et une réadaptation respiratoire, le traitement consiste à administrer des bronchodilatateurs afin de lutter contre l’obstruction des bronches et des bronchioles. Des corticoïdes peuvent être prescrits chez certains patients victimes de fréquentes aggravations de leurs symptômes (ou « exacerbations »).

S’il n’y a pas eu ces dernières années de révolution médicamenteuse, d’autres approches sont à l’étude. L’oxygène à haut débit semble aider les patients à mieux respirer. D’abord utilisé à l’hôpital, il pour- rait aussi être bénéfique pour un traitement quotidien à domicile. Chez des patients souffrant d’emphysème sévère, la pose de valves endobronchiques a été validée. Positionnées dans les bronches, sous endoscopie, elles laissent passer l’air en expiration, mais pas à l’inspiration. Le poumon peut ainsi se vider, ce qui permet de lutter contre l’emphysème comprimant les parties saines. Enfin, des essais sont en cours pour évaluer le bénéfice de la dénervation pulmonaire. En effet, chez les patients BPCO, les nerfs impliqués dans la contraction des bronches et la production de mucus sont trop actifs. Une destruction partielle, grâce à une sonde endoscopique émettant de la chaleur, atténue la fréquence des exacerbations sévères. Enfin, des traitements endoscopiques visant à éliminer les cellules à mucus sont aussi en cours de validation.

3 conseils pour préserver vos poumons

1. Ne pas négliger ses symptômes : ce n’est pas normal d’être essoufflé ni
 de tousser, y compris quand
 on fume ! Un essoufflement à l’effort doit faire suspecter une BPCO, tout comme une toux qui perdure. Dans ces deux cas, il est important de consulter. La BPCO se développe de manière sournoise, ce qui laisse le temps aux malades de s’y habituer. Pour éviter d’en arriver là, il faut faire mesurer son souffle,
et le demander car cet examen, recommandé par la société savante de pneumologie, n’est pas encore pratiqué en routine.

2. Arrêter le tabac : dans notre pays, la BPCO touche en très grande majorité les fumeurs (ainsi que, plus marginalement, certaines professions dans lesquelles les travailleurs respirent un air contaminé par la poussière, des solvants…).
 À mesure que l’on vieillit, nos poumons se dégradent,
 mais le fait de fumer accélère
 le processus. La pollution atmosphérique constitue un facteur aggravant de la maladie.

3. Si l’on est atteint de BPCO, il faut prendre ses bronchodilatateurs et faire de
la réadaptation respiratoire : elle permet de briser le cercle vicieux de l’essoufflement. Pratiquer trente à quarante-cinq minutes d’activité physique quotidienne, avec ou sans oxygène, sous contrôle médical. Enfin, se faire vacciner, notamment contre le virus de la grippe et le pneumocoque, pour éviter des infections à l’origine d’une exacerbation des symptômes.

M. B.