Le président Emmanuel Macron a dénoncé ce jeudi « des scènes de violences » contre « les institutions et la République » qui sont « injustifiables », après une nouvelle nuit d’embrasement des quartiers populaires qui ont donné lieu à plusieurs incendies de mairies notamment.
Emmanuel Macron a convoqué ce 29 juin une cellule de crise interministérielle au ministère de l’Intérieur, signe que le sommet de l’État prend ces évènements très au sérieux. En ouverture de cette cellule interministérielle de crise qu’il a convoqué au ministère de l’Intérieur, le chef de l’État a souhaité que « les prochaines heures » soient celles du « recueillement » et du « respect » alors qu’une marche blanche est organisée ce 29 juin pour Nahel, 17 ans, tué mardi par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre, ville du département des Hauts-de-Seine située à une quinzaine de kilomètres à l’ouest Paris.
Évoquant « vraisemblablement une tentative de récupération », le président a rappelé, en présence de la Première ministre Élisabeth Borne et des ministres notamment de l’Intérieur Gérald Darmanin et de la Justice Éric Dupont-Moretti, que « les dernières heures ont été marquées par des scènes de violence contre un commissariat mais aussi des écoles, des mairies et donc au fond contre les institutions et la République ». « Celles-ci sont injustifiables », a-t-il insisté.
Il a souhaité « remercier l’ensemble de ceux qui, durant la nuit (…), ont œuvré pour protéger ses institutions et ramener le calme ». « Pour moi, les prochaines heures doivent d’abord conduire au recueillement, au respect et la marche blanche doit se faire sous ce signe », a-t-il poursuivi. Il a demandé « la protection évidemment de tous les lieux des institutions » et « la caractérisation de ce qui s’est passé dans les dernières heures ».
Enfin, il a souhaité que la cellule interministérielle de crise aborde « la préparation de ces prochains jours pour que le calme complet puisse revenir ».
Mercredi, Emmanuel Macron avait qualifié d’ « inexplicable et inexcusable » la mort à Nanterre du jeune homme par un tir policier à bout portant. « Inexplicable, c’est à l’enquête de l’expliquer. Inexcusable, c’est à la justice de le dire », a critiqué le président du Sénat Gérard Larcher jeudi sur LCI, disant se méfier des « condamnations immédiatement données dans la rue par les politiques ». « Nous devons faire de l’État de droit un principe fondamental », a-t-il estimé.
« Les dernières heures ont été marquées par des scènes de violences contre un commissariat, mais aussi des écoles de la République et donc, au fond, contre les institutions… »
« Des mairies, écoles et commissariats » ont été « incendiés ou attaqués », a écrit de son côté le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur son compte Twitter, qualifiant d’ « insupportables » ces violences contre « des symboles de la République ». « Honte à ceux qui n’ont pas appelé au calme », a-t-il ajouté, précisant que 150 personnes avaient été interpellées pendant la nuit.
Vers un état d’urgence ?
Le président des Républicains Éric Ciotti a demandé que l’état d’urgence soit déclenché « sans délai » là où des incidents ont éclaté. « Les images d’émeutes cette nuit partout en France sont insupportables », a affirmé dans un communiqué M. Ciotti selon qui « rien ne peut justifier ce déchaînement de violence ». « En aucun cas la République ne peut se soumettre. Je demande le déclenchement sans délai de l’état d’urgence partout où des incidents ont éclaté », a-t-il ajouté. Le député des Alpes-Maritimes a vu là « le résultat des méthodes factieuses des insoumis » et estimé que « monsieur Mélenchon rêve d’une révolution mais n’offre aux Français que la peur et le danger d’une insurrection ».
De son côté, Élisabeth Borne a annulé son déplacement prévu ce jeudi matin à la Roche-sur-Yon (Vendée), en raison des « tensions de ces derniers jours en France (qui) mobilisent toute l’attention du gouvernement », a annoncé son entourage. En revanche, la réunion prévue jeudi après-midi à Matignon autour de la Première ministre avec neuf associations d’élus est maintenue, a-t-on précisé de même source. Son entourage ne savait pas encore si le Comité interministériel des villes avec Mme Borne et une dizaine de ministres prévu vendredi à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) serait maintenu.
Après le décès de deux jeunes hommes en juin, tués par des policiers, la question de l’usage de l’arme à feu par les forces de l’ordre lors d’un refus d’obtempérer est largement mise en avant, notamment par certains politiques qui incriminent notamment une loi de 2017 modifiant la légitime défense des policiers
Nahel, 17 ans, tué mardi à Nanterre par un policier alors qu’il prenait la fuite au volant de sa voiture ; Alhoussein Camara, 19 ans, blessé mortellement par un policier à Angoulême en tentant d’échapper à une interpellation lors d’un contrôle routier le 14 juin.
En dix ans, les refus d’obtempérer ont augmenté de plus de 50%, selon les chiffres officiels. Pour tenter de contrer ce phénomène, en 2017, le gouvernement de Bernard Cazeneuve -alors Premier ministre- fait passer une loi « relative à la sécurité publique ». Elle modifie les conditions d’ouverture du feu des policiers, qui étaient jusqu’alors soumis au Code pénal et au principe de la légitime défense, comme tout citoyen. Désormais, le texte permet aux forces de l’ordre d’ouvrir le feu sur un véhicule « dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à celle d’autrui ». Autrement dit, cette loi introduit une notion d’intention, plus floue à définir, dans l’usage de la légitime défense. Mais ce texte est-il à l’origine d’une augmentation des tirs des policiers ?
Selon les chiffres disponibles, en 2017, année du vote de loi, le nombre de tirs a atteint 394… soit 55 % de plus qu’en 2016. Mais, depuis quatre ans, on observe un ralentissement avec, en 2021, 290 cas d’usage d’arme à feu soit seulement 13 % de plus que l’année précédent le vote de la loi.
Néanmoins, le nombre de tirs mortels sur un véhicule en mouvement, c’est-à-dire dans les cas de refus d’obtempérer, lui a augmenté : il est passé de 2 à 2021 à 13 en 2022. Une hausse que la police des polices justifie par une intensification des violences envers les forces de l’ordre.
M. B.