Le Chili va de nouveau tenter d’élucider le mystère de la mort, en 1973, du poète et prix Nobel de littérature Pablo Neruda, après un arrêt de la Cour d’appel de Santiago ordonnant de rouvrir l’enquête, ce mardi 20 février.
La justice chilienne a exigé ce mardi 20 février de rouvrir l’enquête sur la mort du poète chilien Pablo Neruda, qui aurait pu être empoisonné sous la dictature du général Augusto Pinochet en 1973. « La réouverture de l’enquête est ordonnée afin de mener à bien les procédures » demandées par les plaignants, qui « pourraient contribuer à l’éclaircissement des faits », précise dans son arrêt la Cour d’appel de Santiago.
La réouverture de l’enquête a été demandée par des proches du poète, ainsi que par le Parti communiste, dont le prix Nobel de littérature 1971 était membre. Elle annule également l’ordonnance de clôture de l’enquête qui avait été prise en décembre par la juge chargée de l’affaire, Paola Plaza.
Parmi les nouvelles mesures ordonnées ce mardi par la justice figure une « méta-expertise pour revoir et interpréter les résultats des experts » qui ont analysé les restes prélevés sur le corps exhumé du diplomate chilien en 2023. La Cour d’appel de Santiago demande aussi « une nouvelle analyse de l’écriture du certificat de décès qui aurait été délivré par le docteur Vargas Salazar ». Ce certificat affirme que Neruda est mort du cancer de la prostate dont il souffrait.
Hypothèse de l’empoisonnement
Pablo Neruda est mort le 23 septembre 1973, douze jours après le putsch du général Pinochet contre le président socialiste Salvador Allende, qui était un grand ami de l’artiste chilien. L’hypothèse d’un assassinat a vu le jour en 2011, lorsque Manuel Araya – décédé en juin 2023 et à l’époque jeune militant qui avait été désigné par le Parti communiste chilien comme assistant et chauffeur de l’écrivain – avait révélé que le poète aurait en réalité été empoisonné.
Selon cette théorie, Pablo Neruda aurait péri après une injection faite la veille de son départ pour le Mexique, où il envisageait de s’exiler pour y diriger l’opposition au régime Pinochet. Jusque-là, la version officielle assurait que le poète était mort d’un cancer de la prostate.
Multiples analyses par des experts
En 2017, des experts internationaux ont pourtant rejeté à l’unanimité cette version du régime militaire, et ont confirmé que Neruda n’était pas mort d’une aggravation subite de son cancer. Néanmoins, à l’époque, ils n’avaient pas été en mesure de confirmer ni d’exclure la possibilité d’une contamination par l’injection de germes ou de toxines bactériennes.
De la même façon, un panel de scientifiques avait été appelé à conclure définitivement en 2023 l’enquête. Ils avaient analysé les résultats de toute une série de prélèvements sur les restes du poète, dont le corps avait été exhumé de la crypte où il reposait depuis 1992, à Isla Negra, au Chili. Leurs conclusions avaient été remises en février 2023 à la juge Paola Plaza, en indiquant, encore une fois, ne pas avoir pu déterminer si le décès était dû ou non à un empoisonnement.
Selon des chiffres officiels, la dictature d’Augusto Pinochet, longue de plus de 15 ans, a fait quelque 3 200 morts et plus de 38 000 personnes ont été torturées.
M. B.