jeudi 21 novembre 2024
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S’opposer à la machine de guerre revient à la mode :  l’Empire devient nerveux

Le rappeur Macklemore vient de sortir une chanson pour dénoncer le génocide de Gaza, la complicité de Biden et la répression des étudiants solidaires. Comme le pointe Caitlin Johnstone, dénoncer l’impérialisme était moralement juste jusqu’à présent. Mais si ça devient maintenant quelque chose de tendance, l’Empire a du souci à se faire… (I’A)

Le rappeur US Macklemore a sorti un single intitulé « Hind’s Hall », du nom donné au Hamilton Hall de l’Université de Columbia par les manifestants anti-génocide en l’honneur de la petite Hind Rajab, âgée de six ans, assassinée à Gaza par les forces israéliennes. L’artiste précise que toutes les recettes de la chanson seront reversées à l’UNRWA.

La chanson et la vidéo qui l’accompagne constituent un réquisitoire si cinglant contre la destruction de Gaza soutenue par les États-Unis que YouTube, propriété de Google, a rapidement imposé une restriction d’âge à la chanson. Macklemore s’en prend à Biden, à la brutale répression policière des manifestants, à l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme ou encore aux hommes politiques étasuniens et au lobby israélien. Le tout avec des punchlines qui vous resteront pendant des jours, comme « La Nakba n’a jamais pris fin, le colonisateur a menti ».

C’est le premier artiste vraiment mainstream à s’attaquer au sujet dans un média de prédilection pour une large diffusion. Ce ne sera probablement pas le dernier. S’opposer au génocide de Gaza était jusqu’ici la chose juste à faire. Si ça devient maintenant la chose cool à faire, c’est un problème majeur pour l’Empire.

En effet, l’Empire peut gérer le fait d’être du mauvais côté sur un sujet ; il peut compter sur tous les médias et tous les moyens de production de la culture dominante. Ça lui permet d’encadrer la perception publique du sujet, de manière à étouffer toute dissidence. Toutefois, ce que l’Empire ne peut pas gérer, c’est une masse de jeunes décrétant que la machine à tuer impériale est puante et que s’y opposer est quelque chose de tendance qui vous rend cool.

C’est à ce moment-là que la dissidence prend son propre élan. Tant que s’opposer au militarisme et à l’impérialisme sera juste la chose moralement correcte à faire, ce sera toujours une position marginale dans un écosystème d’information contrôlé par les puissants, parce que le simple fait d’être du bon côté d’une question génère naturellement peu de magnétisme. En revanche, si une question dépasse le côté moral pour devenir un sujet tendance et cool, elle se met soudain à crépiter d’énergie et à attirer un grand nombre de personnes qui, habituellement, ne se seraient pas intéressées de leur propre chef à cette question.

L’Empire n’a pas de réponse à cela. Sérieusement, comment une bande d’ennuyeux gestionnaires de l’Empire à Washington et en Virginie peuvent-ils espérer rivaliser avec ça, une fois que c’est lancé ? Que vont-ils faire ? Reconquérir les jeunes en écrivant un édito dans le Wall Street Journal ? Demander à Netanyahou de chanter que le sionisme est trop cool, pendant que Tony Blinken joue de la guitare ? Ils n’ont rien à proposer.

L’Empire a dû se retirer du Viêt Nam la queue entre les jambes et restructurer radicalement la civilisation occidentale avant de pouvoir s’en remettre. Et tous les gestionnaires de l’Empire qui ont travaillé à la résolution de ce problème sont morts et disparus ; ceux qui y travaillent aujourd’hui n’ont jamais dû affronter quelque chose de semblable, c’est pourquoi ils ont été pris par surprise. Les gestionnaires de l’Empire d’aujourd’hui n’ont jamais été confrontés qu’à des protestations contre la machine de guerre qui étaient soit très faibles, soit de courte durée et facilement détournées ; celle-ci n’a pris de l’ampleur que sept mois plus tard.

Et l’été dans l’hémisphère nord n’a même pas encore commencé. Je vous garantis que les monstres du marais sont en train de manigancer très fort pour essayer d’arrêter tout ça avant le début de l’été, parce que les jeunes vont beaucoup s’amuser à leurs dépens s’ils n’y parviennent pas.

C. J.