C’était un vote symbolique mais attendu : une majorité écrasante de l’Assemblée générale des Nations unies a jugé, ce vendredi à New York, que les Palestiniens mériteraient d’être membres à part entière de l’organisation, leur octroyant quelques droits supplémentaires à défaut d’une véritable adhésion bloquée par les États-Unis.
« Je me suis tenu des centaines de fois à cette tribune, souvent dans des circonstances tragiques, mais aucune comparable à ce que mon peuple vit aujourd’hui, a lancé l’ambassadeur palestinien à l’ONU Riyad Mansour. Je me suis tenu des centaines de fois à cette tribune, mais jamais pour un vote plus important qu’aujourd’hui, historique », a-t-il insisté, la voix serrée par l’émotion.
À New York, l’Assemblée générale de l’ONU pousse pour demander l’adhésion, commente notre correspondante aux Nations unies, un pas symbolique de plus, ajoute-t-elle.
Pour l’Autorité palestinienne, dont le ministère des Affaires étrangères à Ramallah a réagi en soirée, ce vote est la preuve que la Palestine « mérite » devenir, et qu’elle est « apte » à le faire, « membre à part entière ». Il « proclame » qu’elle remplit « toutes les exigences prévues par la Charte des Nations unies ».
Dans son communiqué, le ministère se félicite de « l’écrasante majorité » observée, concluant à un « consensus international au sein de la plus importante organisation internationale ».
Cette résolution « aura un impact important sur l’avenir du peuple palestinien », même si en elle-même, elle « ne rend pas justice à l’État de Palestine » qui reste observateur, a déclaré l’ambassadeur des Émirats arabes unis Mohamed Issa Abushahab. Il s’est exprimé au nom des pays arabes.
Un texte adopté à l’Assemblée générale des Nations unies par 143 voix pour, 9 contre et 25 abstentions
Face à la guerre à Gaza, les Palestiniens avaient relancé début avril leur requête de 2011 réclamant de devenir un État membre à part entière des Nations unies. Ils ont depuis 2012 un statut d’État « non membre observateur ».
Avant un vote de l’Assemblée générale à la majorité des deux tiers, une telle initiative nécessite une recommandation positive du Conseil de sécurité pour aboutir. Mais les États-Unis ont mis leur veto à cette dernière le 18 avril.
Même si l’Assemblée générale ne peut court-circuiter ce veto, les Palestiniens ont décidé de se tourner vers ses 193 États membres. Ils ont ainsi réussi à prouver que sans le veto américain, ils auraient la majorité des deux tiers nécessaire pour valider une adhésion.
La résolution présentée par les Émirats arabes unis a été adoptée par 143 voix pour, 9 contre et 25 abstentions. Parmi les neuf pays ayant voté contre : les États-Unis, Israël, l’Argentine, la République tchèque et la Hongrie.
Le texte « constate que l’État de Palestine remplit les conditions requises pour devenir membre », et « devrait donc être admis à l’Organisation ». Elle demande ainsi que le Conseil de sécurité « réexamine favorablement la question », en somme qu’il revoit sa copie. Un message politique, à l’adresse du Conseil de sécurité et des États-Unis.
Mais Washington, qui s’oppose à toute reconnaissance en dehors d’un accord bilatéral entre son allié israélien et les Palestiniens, a prévenu ce vendredi 10 mai que si la question retournait au Conseil, les Américains s’attendaient à « un résultat similaire à avril ».
Pas le droit au vote, mais le droit de soumettre des propositions et des amendements directement
« On pourrait se retrouver dans une sorte de boucle diplomatique funeste avec l’Assemblée qui appelle de façon répétée le Conseil à accepter l’adhésion palestinienne, et les États-Unis qui mettent leur veto », a commenté Richard Gowan, analyste à l’International Crisis Group.
Dans cette perspective, le texte octroie sans attendre « à titre exceptionnel et sans que cela constitue un précédent », une série de « droits et privilèges supplémentaires » aux Palestiniens à partir de la 79e session de l’Assemblée générale, en septembre 2024.
Excluant sans ambiguïté le droit de voter et d’être membre du Conseil de sécurité, cette résolution leur permettra par exemple de soumettre directement des propositions et des amendements – cela sans passer par un pays tiers – ou encore de siéger parmi les États membres par ordre alphabétique.
Ce texte fait en quelque sorte passer les Palestiniens de membre observateur à super membre observateur, avec onze nouveaux droits au total, mais essentiellement protocolaires, observe notre correspondante à New York.
L’Autorité palestinienne compte néanmoins sur cette mobilisation à l’ONU pour qu’elle se répercute sur les reconnaissances de son État de manière bilatérale, que cela crée un momentum au sein du bloc occidental et chez ses alliés. Quatre pays européens sont sur la voie de la reconnaissance avant l’été : la Slovénie, Malte, l’Irlande et l’Espagne.
« Avec ce nouveau précédent, nous pourrions voir ici des représentants de Daech ou Boko Haram siéger parmi nous », a fustigé Israël
Le ministre israélien des Affaires étrangères a estimé que le vote du jour montrait que « la violence paie », et qu’il récompensait ainsi le Hamas palestinien pour son attaque sanglante du 7 octobre. Pour Israël Katz, la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU « récompense les meurtriers et violeurs du Hamas et sape les efforts pour libérer les otages » enlevés le 7 octobre, a-t-il écrit sur X. « Le message que l’ONU envoie à une région emplie de douleur est : la violence paie. »
Même si ces mesures sont largement symboliques, Israël, dont le gouvernement rejette la solution à deux États, a fustigé la résolution. « Cela me rend malade », a déclaré l’ambassadeur israélien Gilad Erdan à la tribune, accusant l’Assemblée de « donner les droits d’un État à une entité déjà partiellement contrôlée par des terroristes ».
« Avec ce nouveau précédent, a-t-il dit, nous pourrions voir ici des représentants de Daech [l’acronyme en arabe du groupe État islamique, NDLR] ou Boko Haram siéger parmi nous. » « Vous réduisez la Charte en lambeaux, honte à vous ! », a-t-il encore lancé, joignant le geste à la parole en passant le texte de la Charte de l’ONU dans une déchiqueteuse.
Les États-Unis, qui ont voté contre, avaient également largement exprimé leurs réserves sur l’initiative. Les Américains estiment toujours que « des mesures unilatérales à l’ONU et sur le terrain » ne permettront pas d’avancer vers une paix durable et une solution à deux États, a insisté le porte-parole de leur mission auprès de l’ONU Nate Evans.
M. B.