Les Palestiniens commémorent ce mercredi 15 mai le 76e anniversaire de la Nakba, littéralement « la catastrophe » en arabe. Au lendemain de la création de l’État d’Israël en 1948, quelque 750 000 Palestiniens ont perdu leurs maisons, désormais en territoire israélien. Près de 80% des Gazaouis aujourd’hui sont les descendants de ces déplacés. La guerre actuelle fait craindre aux Palestiniens une nouvelle humiliation et la perte de ce qui leur reste comme territoire.
Lors de la Nakba en 1948, certains Palestiniens sont partis d’eux-mêmes à cause de la guerre, d’autres ont été chassés de leurs terres par le tout jeune État hébreu. À l’époque, ces derniers ont trouvé refuge dans les pays voisins comme le Liban, la Syrie, la Jordanie, mais aussi dans l’actuelle Cisjordanie et à Gaza.
Dans son livre Nettoyage ethnique et vol des biens palestiniens à Jérusalem, Ibrahim Matar a répertorié l’ensemble des familles palestiniennes qui ont perdu leurs maisons lors de la création de l’État hébreu. En 1948, Jérusalem est coupée en deux. L’ouest est juif et les Palestiniens sont à l’est, sous administration jordanienne.
« Ici, c’est la maison du grand-père de ma femme. Il était chrétien orthodoxe palestinien. Il a construit cette maison en 1902 », déclare-t-il.
Et pourtant ce lieu est à Jérusalem-Ouest, qui est considérée aujourd’hui comme la partie juive de la ville. « Mais la plupart des propriétés de Jérusalem-Ouest, appartenaient à des Palestiniens », ajoute-t-il.
« Ce qu’ils ont fait en 1948, se répète à Gaza »
Dans son libre, Ibrahim Matar répertorie photos et documents de propriété à l’appui, la propriété palestinienne de ces maisons. En 1948, certains Palestiniens ont pu rester sur leurs terres devenues israéliennes. Quelques années plus tard, ils seront naturalisés : on les appelle arabes israéliens. Mais eux, préfèrent Palestiniens citoyens d’Israël.
L’État hébreu a également adopté en 1950 la loi des « absents ». Grâce à ce texte, les propriétés des Palestiniens déplacés, ont été saisies. Israël a également rasé à l’époque plus de 400 villages palestiniens. « Ce qu’ils ont fait en 1948, se répète à Gaza. Ils détruisent des maisons. C’est un grand crime », témoigne l’historien palestinien.
Depuis le début de la guerre, des ministres israéliens prônent l’exil des Gazaouis. Et les Palestiniens dans toute la région réclament un droit au retour sur leurs terres. Soixante-seize ans après leur départ, certaines familles gardent toujours les clés de leurs maisons perdues.
Au Liban, où vivent encore aujourd’hui plus de 250 000 réfugiés palestiniens, les témoins de la Nakba sont devenus rares avec le temps
Silhouette menue, Jihad a passé l’essentiel de sa vie dans un minuscule logement, dans le camp de Bourj el-Barajneh, un lacis de ruelles pauvres en lisière de Beyrouth. Mais ses souvenirs d’enfance, en terre palestinienne, ne l’ont pas quittée. Elle les évoque spontanément. « Je suis originaire des environs de Saint-Jean-d’Acre, une belle région, près du Liban. Les gens ont eu peur à cause du massacre de Palestiniens à Deir Yassine. J’avais neuf ans quand nous sommes arrivés au Liban. C’était en 1948. Nous avons d’abord loué dans le sud, près de la frontière, car nous pensions que nous reviendrions peut-être chez nous. Puis, le Liban a fait des camps. Et nous sommes venus dans ce camp », raconte-t-elle.
Le retour espéré sur la terre de sa famille n’a jamais eu lieu. Au Liban, Jihad a connu plusieurs guerres et un quotidien difficile. Comme tant de Palestiniens, cette veuve a vu sa famille dispersée par de nouveaux exils. « Une de mes filles était fiancée et devait partir en Allemagne, il y a longtemps. Mais mon mari est mort et elle est restée avec moi. Deux de mes fils et une autre fille vivent en Allemagne. Ils y sont heureux, et se sont mariés », dit-elle.
À Bourj el-Barajneh, le souvenir de la Nakba commémoré aujourd’hui est particulièrement lourd cette année : Gaza est en ruines.
S. B.