Après le succès de la Kings League, Gerard Piqué lance ce dimanche au Mexique la Kings World Cup qui rassemble 32 équipes venues du monde entier. À mi-chemin entre le sport, le e-sport et le contenu de divertissement à destination des réseaux sociaux, cette compétition de football à sept espère révolutionner le monde du ballon rond, et tant pis si cela doit faire passer le divertissement avant la performance.
Gerard Piqué avait déjà tenté de révolutionner le tennis. L’histoire a vite tourné court. Moins de cinq ans après le partenariat avec son entreprise Kosmos avec la Fédération internationale de tennis (l’ITF), la Coupe Davis formule Piqué a été remisée au placard en janvier 2023 par l’ITF, la nouvelle version de la compétition proposée n’ayant pas rencontré son public et encore moins l’enthousiasme des joueurs.
Cet échec n’a pourtant pas entamé la détermination de l’ancien footballeur du FC Barcelone à s’attaquer à son sport de prédilection, avec – il faut bien l’admettre – beaucoup plus de succès. En 2023, il lance la Kings League, une compétition à la frontière entre le sport, l’e-sport et du contenu de divertissement à destination des réseaux sociaux.
Règles fantaisistes et records d’audience sur Twitch
Lancée tout d’abord en Espagne, le principe est le suivant : douze équipes de sept joueurs de foot mélangeant amateurs et anciens professionnels s’affrontent sur un terrain au format réduit, le tout saupoudré de règles baroques comme la possibilité d’avoir recours durant le match à des « cartes spéciales » que les capitaines de chaque équipe peuvent abattre durant les rencontres de deux fois 20 minutes : exclure un joueur adverse pour deux minutes, obtenir un penalty d’office ou faire en sorte que les buts comptent double pendant deux ou cinq minutes…
Pas grand-chose à voir avec le sport le plus populaire au monde et pourtant, c’est peu dire que le format a rencontré un certain succès. La première journée de la Kings League en janvier 2023 a rassemblé 15 millions de spectateurs sur Twitch. Car c’est là toute la particularité de la compétition : elle s’appuie sur la puissance communautaire de plateformes comme Twitch, Youtube ou TikTok en s’associant avec les plus gros streamers du web qui participent à la compétition où ils tiennent pour certains le rôle de capitaine d’équipe. Le succès est tel que la finale de la Kings League espagnole s’est tenue à guichets fermés au Camp Nou de Barcelone, soit 90 000 spectateurs, tout en enregistrant un pic d’audience de 2,16 millions de personnes sur Twitch.
Le succès de la Kings League espagnole a donc donné des idées à Gerard Piqué qui lance ce dimanche 26 mai la Kings World Cup, sa déclinaison de la Coupe du monde, en réunissant à Monterrey au Mexique 32 équipes qui vont s’affronter pour tenter d’aller décrocher le titre mondial. Une fois de plus, la compétition compte bien s’appuyer sur la caisse de résonance que lui offrent les réseaux sociaux, mais aussi sur de grands noms du football mondial qui ont accepté de prendre part de près où de loin à la compétition.
Le divertissement avant la performance
L’équipe française « Foot2rue » emmenée par le streameur français AmineMaTue comptera par exemple dans ses rangs les anciens joueurs Samir Nasri, Jérémy Ménez et Adil Rami. Neymar sera quant à lui le sélectionneur de l’équipe brésilienne « Furia FC », alors qu’Eden Hazard et son frère Thorgan seront présents pour l’équipe belge. Francesco Totti sera aussi de la partie pour l’Italie. Cerise sur le gâteau, la compétition se paie le luxe de la participation de Zlatan Ibrahimovic, qui, s’il ne jouera pas, s’est vu attribuer le titre honorifique de président de cette Kings World Cup.
On l’aura compris, même si l’équipe qui remportera la Kings World Cup se verra remettre un joli chèque d’un million de dollars, l’intérêt sportif de l’événement est relégué loin derrière de nombreuses autres priorités, la première d’entre elles étant de divertir le public. « L’une des raisons pour lesquelles nous avons créé la Kings League est que j’ai vu mes enfants regarder un match de football, et après dix minutes, ils étaient sur leurs téléphones, leurs tablettes, en train de regarder autre chose. Le football est en compétition avec Netflix, Amazon, YouTube, TikTok. Chacun a sa limite de temps. Le foot durant 90 minutes n’est plus aussi excitant », a déclaré l’ancien joueur en mars dernier au Sunday Times.
Un format qui trouve son public
De là à révolutionner le sport le plus suivi de la planète ? Gerard Piqué en semble convaincu, lui qui estime qu’il « faut trouver des moyens de marquer plus de buts, ou bien faire en sorte qu’une rencontre ne puisse pas se finir en match nul. […] Un match de 90 minutes qui peut finir sur un 0-0 est très difficile à comprendre pour la nouvelle génération », assure-t-il. On a peine à croire que la Kings League puisse prendre le pas sur un sport professionnel dont la préoccupation numéro un reste la performance, mais force est de constater que ces nouveaux formats de divertissement, que l’on a pu voir apparaître en France dernièrement avec les deux éditions du GP Explorer organisé par le Youtubeur Squeezie et qui reprennent les mécanismes du sport et de l’e-sport, ont trouvé leur public.
Avant même son coup d’envoi, la Kings World Cup s’annonce déjà comme un succès. Selon Gerard Piqué, la quasi-totalité des billets du Final Four de la compétition qui se déroulera dans le stade BBVA de Monterrey et ses 53 000 places a déjà été vendue. Signe également que le phénomène dépasse le simple cadre des réseaux sociaux, le groupe M6 a acheté l’exclusivité des droits français de la Kings World Cup pour diffuser la compétition sur sa plateforme de streaming gratuit M6+. Le groupe aurait par ailleurs négocié les droits de la version française de la Kings League qui pourrait débarquer dans l’Hexagone dès février 2025. Le développement du projet n’en est qu’à ses débuts, la Kings League a annoncé le 14 mai dernier qu’elle venait de lever près de 60 millions d’euros dans le but de lancer des ligues nationales en Europe, en Amérique du Nord et au Brésil d’ici 2025, et d’atteindre le continent asiatique d’ici 2026.
P. F.