L’avocate Fatma Zohra Benbraham a révélé, jeudi à Alger, qu’une action en justice a été intentée devant le Tribunal d’Oran contre l’écrivain Kamel Daoud pour avoir exploité dans son dernier ouvrage intitulé « Houris », l’histoire de la vie personnelle d’une victime du terrorisme, Sâada Arbane, et violé les valeurs et la mémoire du peuple algérien.
Lors d’une conférence de presse, Me Benbraham a affirmé que l’écrivain Kamel Daoud « a volé la personnalité, l’histoire et les propos de ma cliente et publié le roman +Houris+ sans aucune considération pour ses souffrances et les tourments endurés ».
Elle a déclaré avoir « déposé une plainte auprès du même tribunal au nom des disparus du terrorisme et de l’Organisation nationale des victimes du terrorisme (ONVT) représentée par Mme Zahra Flici », soulignant que le succès littéraire du concerné et le prix Goncourt qu’il a remporté récemment « se sont faits au détriment des souffrances de nombreuses victimes ».
Mme Benbraham a affirmé que l’écrivain a tenté « par des méthodes infâmes d’altérer l’image de l’Algérie, ses valeurs nobles et de porter atteinte à l’histoire et à la mémoire d’un peuple tout entier », ajoutant que « l’exploitation de l’histoire personnelle de la victime Sâada Arbane, sans son autorisation, se veut la preuve concrète de cette tentative désespérée ».
Revenant sur les détails de la plainte, l’avocate Benbraham a précisé que l’affaire est actuellement en cours d’examen par le juge d’instruction près le tribunal d’Oran, où, a-t-elle expliqué, deux plaintes ont été déposées à propos du même livre portant sur plusieurs chefs d’accusation, dont « atteinte à la vie privée » et « publication sans autorisation de l’intéressée ».
Elle a indiqué, en outre, que la plainte déposée au cours de cette semaine près ladite juridiction concernait l’épouse de l’écrivain, qui était la médecin en charge de l’état psychologique de la victime, soulignant que la prévenue « a fourni à son époux des détails confidentiels obtenus auprès de la victime, et qui ont été exploités dans l’écriture du roman ».
« La divulgation d’informations liées à l’état de santé d’une victime constitue une violation du secret professionnel, punie par la loi, et porte atteinte à la déontologie professionnelle », a-t-elle souligné, précisant que la victime « avait refusé catégoriquement, par le passé, la demande des concernés de publier son histoire sous une forme littéraire ou autre ».
En ce qui concerne le dépôt de plainte en Algérie et non en France, l’avocate a affirmé que « les faits se sont produits en Algérie », et que l’écrivain, « bien que récemment naturalisé français, conserve toujours la nationalité algérienne ».
Elle a déclaré qu’elle prendra « toutes les mesures nécessaires pour répondre aux mensonges et à la falsification contenus dans le livre, qu’elle accuse de porter atteinte à l’image de la femme algérienne et de causer préjudice à la victime, à sa famille et aux proches, ainsi qu’aux victimes de la tragédie du terrorisme ». Et d’ajouter que « de nombreuses associations de la société civile l’avaient contactée pour déposer des plaintes similaires contre l’écrivain pour diffamation et falsification des faits ».
Par ailleurs, Me Benbraham a laissé entendre que la maison d’édition ayant publié le livre pourrait ne pas avoir connaissance que le récit n’était pas une fiction, comme l’exige le principe d’attribution du prix Goncourt, mais était tirée d’une « histoire réelle ».
Elle a étayé ses propos par plusieurs éléments qu’elle considère comme des « preuves à inclure dans le dossier, notamment les blessures visibles de la victime Arbane, qui correspondent à celles décrites dans le livre, ainsi qu’une dédicace manuscrite de l’écrivain dans un exemplaire offert à la victime ».
Selon l’avocate, le retrait du Prix Goncourt, « obtenu par Kamel Daoud de manière imméritée, serait une restitution du droit spolié de la victime ».
Elle a également interpellé directement l’écrivain en lui demandant de répondre aux faits qui lui sont reprochés : « Vous pouvez venir et confronter Mme Saada Arbane en face et affirmer que vous n’avez pas exploité son histoire », a-t-elle dit.
M. B.