. Pour la deuxième fois en deux mois, l’euro a baissé sous la parité et il poursuivait sa baisse mardi à 0,99 dollar.
. Il est pénalisé par l’envolée du gaz qui nourrit l’inflation et accroît les risques de récession en Europe.
. La stagflation fait chuter la devise européenne, au plus bas depuis juillet 2002.
La menace de stagflation (stagnation de l’économie et inflation) étend son emprise sur l’euro. Pour la deuxième fois cet été, la devise européenne est retournée sous la parité avec le dollar. Elle poursuivait sa baisse mardi et s’établissait à 0,99 dollar. L’euro est revenu vingt ans en arrière, en 2002, l’année du lancement de la monnaie unique sous forme de pièces et billets. Le 1er janvier de cette année-là, il valait 0,8895 dollar et 0,99 dollar le 12 juillet 2002 mais son plus bas historique remonte au 25 octobre 2000 (0,8272 dollar). La nouvelle baisse sous la parité semble plus sérieuse que le mois dernier. A tel point que la parité avec le dollar, considérée comme un plancher y compris au plus fort de la crise de la zone euro, pourrait devenir un nouveau plafond pour la devise européenne. C’est déjà le cas face au franc suisse, avec un euro sous la parité depuis près deux mois sans interruption.
Consommation léthargique
Les marchés semblent croire à des annonces favorables au dollar, à l’occasion de la réunion annuelle des banquiers centraux cette semaine à Jackson Hole. La devise américaine a regagné près de 2,4 % en cinq séances et l’euro fait les frais du regain de vigueur de la première monnaie mondiale. D’autant que, dans le même temps, les perspectives économiques se sont dégradées sur le Vieux Continent. « C’est en Europe plus qu’aux Etats-Unis que les risques sur la croissance sont les plus forts. Outre-Atlantique, la consommation a remonté rapidement à son niveau d’avant la pandémie alors qu’elle reste léthargique en Europe », constate Dominic Bunning responsable de la recherche européenne sur les changes à la banque HSBC. Il prévoit une chute de l’euro vers 0,96 dollar en fin d’année et 0,95 en 2023. Depuis la guerre en Ukraine, l’euro souffre bien plus que le dollar, l’Europe étant en première ligne du conflit. La Bundesbank estime que la probabilité d’une récession en Allemagne a augmenté. L’inflation dans le principal moteur économique de l’Europe pourrait dépasser 10 % dans les mois à venir. La nouvelle envolée des cours du gaz en Europe (20 % lundi et encore 5 % mardi en début de journée) est un signe inquiétant pour l’activité et la hausse des prix dans les pays européens. « L’inflation élevée est un signe de la récession à venir en Europe et les hausses des taux ne feront qu’aggraver la situation. En mobilisant son bilan, la Banque centrale européenne devrait se focaliser sur la mutualisation des dettes », estime sur Twitter Robin Brooks, chef économiste de l’Institut de la finance internationale. Cet été, les hedge funds n’ont accru que modérément leurs paris spéculatifs à la baisse sur la monnaie européenne. Ce n’est que depuis le 11 août qu’ils ont nettement repris leurs ventes d’euros, selon les indices de flux établis par la banque Citi. Ils sont aujourd’hui plus négatifs sur la monnaie européenne que sur le yen. Certains hedge funds se distinguent par un pessimisme sur l’euro inédit depuis la crise de la zone euro de 2011-2012. Il pourrait plonger à 0,80 dollar, selon le hedge fund EDL capital. « L’Europe est au bord de la catastrophe, ce qui pourrait conduire à son démantèlement. Elle n’a pas de “trésorerie commune” et le coût de la cohésion de l’Europe est élevé », selon la lettre à ses investisseurs révélée par l’agence Bloomberg. Le fonds spécialisé sur les marchés internationaux (style « global macro ») redoute que les graves difficultés de l’Allemagne la rendent moins coopérative avec les autres pays européens. Cette année, l’euro plonge de 30 % face au rouble, malgré les sanctions économiques, et de 6 % contre le renminbi chinois. Il est stable face à une devise en aussi grande difficulté que lui : la livre sterling. Depuis le 4 juillet, l’euro s’est installé sous la parité avec le franc suisse. Il a chuté à un nouveau plus bas depuis janvier 2015 face à la devise helvète, à 0,9586 franc contre 0,85 sa plus faible valeur historique. Il l’avait atteinte quand la Banque nationale suisse (BNS) avait retiré son cours plancher de 1,20 franc suisse par euro qu’elle défendait pour lutter contre la hausse de sa monnaie. Quand elle l’avait retiré, sa devise avait bondi jusqu’à 29 %. Les analystes les plus pessimistes sur l’euro le voient chuter à 0,94 franc en 2022 et 0,90 l’année prochaine. Sans les interventions de la BNS, il aurait chuté encore davantage. Elle est intervenue en août en vendant près de 5,5 milliards de francs suisses contre des euros afin de freiner la hausse de sa monnaie. Cette hausse a toutefois une vertu, celle de limiter les pressions inflationnistes qui n’épargnent pas la Suisse.
Nessim Aït-Kacimi in Les Echos