L’hebdomadaire satirique est accusé par un de ses journalistes d’avoir rémunéré pendant une vingtaine d’années la femme d’un dessinateur
Le préjudice supposé pourrait atteindre les 3 millions d’euros, répartis sur une vingtaine d’années. Une enquête a été ouverte en raison d’un soupçon d’emploi fictif au « Canard enchaîné », hebdomadaire satirique et d’investigation, rapportent France Inter et « le Monde ». L’information a été confirmée au « Parisien ». Christophe Nobili, journaliste du « Canard », a mis au jour la potentielle affaire. Alors que les effectifs du journal sont assez modestes, environ vingt salariés, il a constaté qu’une personne qui lui est inconnue en faisait également partie depuis une vingtaine d’années. Il s’agit de la compagne d’un dessinateur historique de l’hebdomadaire, André Escaro, employé depuis 1959 et aujourd’hui âgé de 94 ans. Ce dernier était encore présent dans les pages du palmipède au printemps et a quitté le conseil d’administration au début de l’été. Début mai, Christophe Nobili a déposé plainte avec le statut de lanceur d’alerte. Une enquête a été ouverte pour « abus de biens sociaux » et « recel d’abus de biens sociaux ». Elle est confiée à la brigade financière du parquet de Paris.
Un « dilemme terrible »
Christophe Nobili a notamment travaillé sur l’affaire François Fillon, candidat les Républicains à la présidentielle de 2017, rattrapé par un dossier d’emplois fictifs dans lequel il a été condamné depuis. Le journaliste a également enquêté sur les intérêts du groupe Bolloré en Afrique ou ceux de Bouygues. Son avocat explique auprès du « Monde » que risquer de porter atteinte à son entreprise en révélant les faits a constitué un « dilemme terrible ». Mais il assure avoir estimé que se taire aurait été plus difficile. « La plainte ne vise pas le journal mais un système qui a été mis en place par deux ou trois personnes et sur lequel d’autres ont peut-être fermé les yeux. » Nicolas Brimo, directeur de la publication du « Canard enchaîné », a indiqué à l’AFP ne pas avoir été « entendu ou convoqué. On n’est pas au courant de ce qu’il y a exactement dans la plainte ; on ne connaît même pas [sa] date exacte ». « Il y a eu un rendez-vous entre avocats il y a quatre mois et, depuis, on n’en a jamais entendu parler. On a donné des explications. J’ai cru comprendre que ces explications n’ont pas satisfait, c’est pour ça qu’il a porté plainte », a-t-il encore dit. « S’il y a des explications à donner, on les donnera bien évidemment aux policiers et à nos lecteurs. »
L. P.