vendredi 14 mars 2025
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Mort de l’écrivain français Jean Teulé, grand ennemi de l’ennui

Jean Teulé, écrivain autodidacte devenu très populaire en tant que chroniqueur télé dans les années 1990, est décédé mardi 18 octobre à l’âge de 69 ans. Selon un communiqué des éditions Mialet-Barrault, le romancier aurait succombé à un arrêt cardiaque à son domicile à Paris. Il y vivait depuis 1998 avec sa compagne, l’actrice Miou-Miou.

En mars 2022, il racontait encore, avec sa verve mordante, son ironie moqueuse et son humour décapant, aux auditeurs de RFI, l’histoire et la genèse de son dernier livre. Azincourt par temps de pluie, tiré à 300 000 exemplaires, restitue l’une des pires de l’Histoire de France. En 1415, face à face, une armée anglaise famélique, affaiblie par la dysenterie, et une armée française en surnombre, bouffie de suffisance et alourdie par la bêtise. Contre toute attente, la première va dominer la seconde, à la faveur d’une série de bévues et d’un terrain boueux.

« Qu’on ne s’ennuie pas »

L’année dernière, à l’occasion du bicentenaire du poète, il avait publié Crénom, Baudelaire !, un portrait extraordinairement vivant de Baudelaire : « C’est le poète absolu », avait-il confié à RFI, avant d’avouer avoir longtemps pensé ne jamais consacrer un livre à Baudelaire : « Il était pour moi trop désagréable, trop misogyne, trop méchant avec tout le monde. » Mais finalement, il s’est incliné devant le génie : « Si l’on doit lire un recueil de poésie française, c’est Les Fleurs du mal. C’est le sommet. »

« Un peu de terreur, un peu de poésie, et de la rigolade, qu’on soit toujours pris en porte-à-faux et surtout qu’on ne s’ennuie pas », décrivait-il au micro de RFI, au moment d’évoquer les ingrédients de son roman Charly 9un portrait très original de « Charly », surnom donné à Charles IX, roi de France de 1560 à 1574.

Dès son premier roman en 1991, ce féru d’histoire a cultivé un ton décalé. Rainbow pour Rimbaud raconte l’aventure d’un habitant ordinaire de Charleville-Mézières, sur les traces du célèbre poète.

« Je ne lis pas de romans »

Adulé par ses lecteurs et lectrices qui transformaient ses livres comme Ô Verlaine (2005) ou Je, François Villon (2006) en succès populaires, la soi-disant intelligentsia parisienne goûtait ses livres de façon très modérée.

« Je ne lis pas de romans. Je n’en lisais pas avant d’écrire, et je n’en lis toujours pas (…) Je n’ai pas envie que ça me coupe les pattes, et de me dire : s’il y a des mecs qui écrivent comme ça, c’est pas la peine que je prenne un crayon », expliquait-il sur France Inter en 2019.

La télévision lui a assuré une certaine renommée auprès du grand public, d’abord au côté de Bernard Rapp dans l’émission L’Assiette anglaise, puis sur Canal+ qu’il rejoint en 1994. Il a fait partie de l’aventure de Nulle part ailleurs en tant que chroniqueur. Il était aussi le compagnon de l’actrice Miou-Miou, depuis 1998.

Jean Teulé a remporté des récompenses originales comme le prix Trop Virilo 2015 avec Héloïse, ouille !, sur l’histoire d’amour avec Abélard, ou le prix Maison de la presse 2008 avec Le Montespan, sur le mari de Madame de Montespan, la maîtresse de Louis XIV.

Une enfance normande

Né le 26 février 1953 à Saint-Lô, ville normande sortie en ruines de la Seconde Guerre mondiale, Jean Teulé a d’abord été un élève médiocre en banlieue parisienne. Il était arrivé aux grands poètes non grâce à un professeur de lettres, mais par un disque. « C’est comme ça que j’ai découvert Rimbaud et Verlaine, et je suis tombé dedans grâce à [Léo] Ferré qui a chanté ça extraordinairement bien », racontait-il. « Moi aussi, j’avais envie de faire mon boulot de passeur, et c’est ce qui s’est passé. Plein d’adolescents m’ont dit que sans moi, ils n’auraient pas connu ces trois types-là. »

Il est ensuite entré dans le monde de la culture via la bande dessinée alternative. Il est l’un des dessinateurs du magazine L’Écho des savanes, de 1978 à 1983, puis il publie ses propres albums, à commencer par Bloody Mary en 1983. En 1989, il reçoit un prix spécial au festival d’Angoulême pour un recueil de reportages, Gens de France, qui sera suivi en 1990 de Gens d’ailleurs, sur l’Afrique et La Réunion. « Il faut peu de lignes à Jean Teulé pour dresser un portrait ou restituer un drame », écrivait Le Monde en 2001. Le Figaro, à l’occasion d’une fiction en 2007, Le Magasin des suicides, saluait un auteur « ni trop léger dans le propos ni trop lourd dans la drôlerie ».

M. B.