Pyongyang a tiré une dizaine de missiles, avant que Séoul ne réplique en dénonçant « une invasion territoriale de fait ».
La tension est brusquement montée d’un cran supplémentaire entre les deux Corées, mercredi 2 novembre : Pyongyang a tiré une dizaine de missiles, ce qui a provoqué une réaction alarmante du président sud-coréen, Yoon Seokyoul. Ce dernier est allé jusqu’à dénoncer une « invasion territoriale de fait » par son rival. L’un des missiles nord-coréens venait de s’écraser non loin des eaux territoriales sud-coréennes, un fait sans précédent. Selon l’armée sud-coréenne, c’est en effet « la première fois, depuis la division de la péninsule », à l’issue des combats de la guerre de Corée, en 1953, qu’un missile nord-coréen est tombé si proche des eaux territoriales du Sud. Séoul a aussitôt riposté en faisant tirer trois missiles air-sol par des chasseurs de son armée de l’air. Quelques heures plus tard à peine, la Corée du Nord reprenait l’initiative en tirant « quatre missiles balistiques de courte portée » supplémentaires, selon l’armée sud-coréenne. Cette brusque aggravation des relations entre les deux rivaux n’est pas réellement une surprise, dans la mesure où les tirs nord-coréens constituent, à l’évidence, une réplique aux manœuvres militaires conjointes des Etats-Unis et de la Corée du Sud, qui ont commencé lundi. Ces exercices, baptisés « Tempête vigilante », sont les plus importants jamais organisés par les deux pays, avec 240 avions de guerre et plusieurs milliers de soldats des deux armées mobilisés. Selon un communiqué de l’armée de l’air des Etats-Unis, les forces combinées américano-sud-coréennes devraient procéder à quelque 1 600 sorties aériennes d’ici à vendredi, jour prévu pour la fin des manœuvres. Pyongyang avait réagi verbalement à ces exercices, mercredi, par la voix du maréchal Pak Jong-chon, secrétaire du Parti des travailleurs de Corée du Nord, qui a qualifié « Tempête vigilante » de manœuvres « agressives et provocantes », selon des propos rapportés par la presse officielle.
Un tir « rare et intolérable »
Les échanges de tirs ont commencé, mercredi, par l’envoi d’un missile balistique nord-coréen de courte portée, qui a franchi la « ligne de limite du Nord », constituant de facto la frontière maritime entre les deux pays. Le tir a provoqué une rare alerte au raid aérien demandant aux habitants de l’île sud-coréenne d’Ulleungdo de se réfugier dans des abris souterrains. La présidence sud-coréenne a déclaré dans un communiqué que « la provocation nord-coréenne est une invasion territoriale de fait par un missile qui a franchi la ligne de limite du Nord » du pays. Le missile, tombé au plus proche de la Corée du Sud, a amerri dans des eaux situées à seulement 57 kilomètres à l’est de la Corée du Sud continentale, a expliqué l’armée de Séoul, qui a qualifié de « très rare et intolérable » le tir de Pyongyang. « Nous déclarons que notre armée répondra de manière décisive », a ajouté un communiqué militaire. Peu après, Séoul a annoncé avoir tiré trois missiles air-sol près de l’endroit où le missile nord-coréen était tombé. Le président Yoon a ensuite convoqué une réunion du Conseil national de sécurité, la Corée du Sud ordonnant des mesures « rapides et sévères afin que les provocations de la Corée du Nord soient payées au prix fort ». Les missiles tirés par l’artillerie de la Corée du Nord constitueraient, en effet, « la démonstration [de force] la plus agressive et menaçante contre le Sud depuis 2010 », selon Cheong Seong-chang, chercheur sud-coréen de l’institut Sejong, qui a repris les termes utilisés par le régime de Pyongyang. « Il s’agit d’une situation dangereuse et instable qui pourrait mener à des [affrontements] armés », a-t-il ajouté à l’Agence France-Presse (AFP).
Un septième essai différé
En mars 2010, un sous-marin nord-coréen avait torpillé une corvette sud-coréenne, le Cheonan, tuant 46 marins, dont 16 effectuaient leur service militaire obligatoire. En novembre de la même année, le Nord avait bombardé Yeonpyeong, une île frontalière sud-coréenne, causant la mort de deux jeunes soldats. Ce nouveau tir de missiles nord-coréens survient après une série de lancements qualifiés par le Nord d’exercices nucléaires tactiques. Washington et Séoul ont, par ailleurs, ces derniers temps, averti de manière répétée que Pyongyang pourrait bientôt effectuer un nouvel essai nucléaire, ce qui constituerait le septième de son histoire. Selon plusieurs analystes, la Corée du Nord aurait différé cet essai sous pression chinoise : Pékin, l’un des proches alliés de Pyongyang, ne voulait pas qu’un tel événement ne per[1]turbe le 20e congrès du Parti communiste chinois, qui s’est achevé dimanche 23 octobre. « Aussi loin que je me souvienne, la Corée du Nord ne s’était jamais livrée à une telle provocation lorsque la Corée du Sud et les Etats-Unis menaient des manœuvres conjointes, a estimé, de son côté, à l’AFP, Park Wongon, professeur à l’université Ewha de Séoul. Pyongyang semble avoir achevé sa plus puissante [mesure de] dissuasion. C’est une grave menace. Le Nord semble également confiant dans ses capacités nucléaires. »
B. P.