jeudi 17 octobre 2024
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Adhésion de la Suède à l’Otan : le pays extradera-t-il Bülent Kenes vers la Turquie ?

Le nom du journaliste est le seul à avoir été explicitement mentionné par le président turc dans les négociations sur l’adhésion de la Suède à l’Otan, lors de la visite du Premier ministre suédois à Ankara il y a quelques jours. Exilé à Stockholm, Bülent Kenes se sait une monnaie d’échange dans ce processus.

Il était dans son salon, avec femme et enfants, quand il a entendu son nom, prononcé par le président turc, en pleine conférence de presse. « Je pense qu’il me déteste. Il me connaît depuis des décennies, il cherchait un nom à mentionner, et c’est le mien qui lui est venu à l’esprit », glisse-t-il.

Il a été surpris sur le coup, mais il est habitué à vivre sous la menace.  Bülent Kenes a longtemps été le rédacteur en chef du quotidien Zaman, l’un des journaux les plus influents de Turquie, avant qu’il ne soit interdit, à la suite du putsch manqué de 2016.

« Ça fait 11 ans qu’il me menace. En Turquie, déjà, il m’a attaqué en justice plusieurs fois, il m’a mis en prison, donc j’ai l’habitude d’être une cible, même depuis que je vis en exil en Suède. C’est inquiétant, mais je ne serai pas intimidé. Je refuse d’être réduit au silence par un despote tel qu’Erdogan », poursuit-il.

Justice suédoise indépendante

Les extraditions de militants kurdes ou de personnalités hostiles au régime turc réfugiées en Suède sont le point le plus délicat des exigences formulées par Ankara pour donner son feu vert aux candidatures suédoise et finlandaise pour rejoindre l’Otan. Le gouvernement suédois souligne que la justice du pays nordique est indépendante, a le dernier mot, et que les décisions déjà prises ne peuvent être remises en cause.

La Turquie a, elle, successivement évoqué les chiffres de 33, puis 45, puis 73 personnes qu’elle souhaite voir extradées, dans des listes officieuses souvent publiées par des médias proches du pouvoir.

C’est la Cour suprême suédoise qui doit évaluer si sa demande d’extradition est recevable. Bülent Kenes continue d’avoir confiance en l’indépendance de la justice de ce pays qui lui a accordé l’asile. « Si la Suède décide de faire de moi une monnaie d’échange, et me déporte, ce sera une trahison des traditions suédoises, de ses valeurs démocratiques. Ce serait la fin de la Suède telle que nous la connaissons », assure-t-il.

En Suède, il contribue au Stockholm Center for Freedom, une association fondée par d’autres opposants turcs en exil dont les noms se retrouvent sur les listes publiées par des médias turcs : Abdullah Bozkurt et Levent Kenez. Selon lui, il aurait mieux valu pour la Suède, que ce soit l’OTAN, États-Unis en tête, qui mènent les discussions.

C. M.