jeudi 17 octobre 2024
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Darmanin enjoint aux préfets de délivrer plus d’obligations de quitter le territoire

Le ministre de l’Intérieur durcit les efforts pour éloigner les étrangers sans papiers

L’instruction est annotée à la main. « Très signalé », est­il écrit dans la marge du courrier de sept pages adressé, jeudi 17 novembre, par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à l’ensemble des préfets. Il y liste un ensemble de directives afin d’améliorer la délivrance et l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF).

Ce document est diffusé en amont du futur projet de loi immigration dont l’un des principaux objectifs est de renforcer les expulsions d’étrangers en situation irrégulière. Il intervient, en outre, un mois après le meurtre d’une jeune fille, Lola, dont la suspecte est une ressortissante algérienne visée par une OQTF. Un drame qui a nourri à droite les accusations de laxisme et d’impuissance à l’en­ contre du gouvernement alors que le taux d’exécution des OQTF est structurellement faible. Il était de 8,25 % en 2021.

« Je vous demande d’appliquer à l’ensemble des étrangers sous OQTF la méthode employée pour le suivi des étrangers délinquants », écrit le ministre, qui opte pour une approche dure alors que, jusque­là, les efforts qu’il exigeait de ses services se concentraient sur les étrangers présentant une menace de trouble à l’ordre public.

Les préfets sont invités à délivrer des OQTF de façon « systématique » à « tout étranger en situation irrégulière, soit à l’issue d’une interpellation ou d’un refus de titre de séjour ». Le locataire de la place Beauvau annonce d’imminentes réformes « organisationnelles et techniques » pour que les préfets puissent prendre des OQTF dès l’expiration d’un titre de séjour. De quoi alimenter la machine à édicter des mesures d’éloignement, alors même que la France est l’un des pays européens le plus actifs en la matière. En 2021, près de 122 000 OQTF ont été prononcées par les préfectures.

Le ministre de l’intérieur fait quelques rappels de consignes aux préfets en les encourageant à prendre le plus souvent possible des OQTF sans délai de départ volontaire (celui­ci est en général de trente jours) ou d’assortir « aussi souvent que possible » l’OQTF d’une interdiction de retour sur le territoire. Cette mesure dure deux ans au maximum à partir de l’exécution d’une OQTF et interdit à la personne de revenir dans tout l’es­ pace Schengen. En 2021, regrette le ministre, « seules 54 % des OQTF sans délai de retour étaient assorties d’une interdiction de retour ». M. Darmanin demande aussi une inscription « systématique » des personnes sous OQTF au fichier des personnes recherchées.

« Signaler » aux bailleurs sociaux

Il rappelle que les OQTF doivent être assorties soit d’un placement en rétention soit d’une assignation à résidence. A cet égard, il s’en­ gage à augmenter dans les années à venir le nombre de places en centre de rétention administrative (CRA) et demande aux préfets « d’identifier avec les élus les sites qui pourront accueillir de nou­ veaux CRA » ainsi que des locaux de rétention administrative.

Dans les cas où le placement en rétention n’est pas possible, M. Darmanin demande d’assigner à résidence « systématiquement » des étrangers sous OQTF, notamment ceux qui ne présentent pas de garanties de représentation suffisantes. « Seulement 13 % des OQTF font l’objet d’une telle mesure et ce taux ne progresse pas depuis plusieurs années », souligne­-t­-il. « Il est nécessaire de développer l’assignation à résidence de manière beaucoup plus significative pour les profils ne présentant pas de ris­ que de trouble à l’ordre public. »

L’instruction exige aussi des pré­ fets de « signaler » aux bailleurs sociaux les personnes sous OQTF afin de s’assurer qu’elles ne bénéficient pas d’un logement social. Le ministre assure au passage qu’« à la demande du président de la Ré­ publique», il travaille à la mise en place d’outils pour vérifier les « situations administratives des étrangers pris en charge indûment par l’ hébergement d’urgence ». Une ambition qui semble faire peu de cas de la jurisprudence qui consacre le principe d’un accueil inconditionnel dans l’hébergement d’urgence. Enfin, le ministre en­ courage les préfets à signaler à la justice tout ce qui s’apparente notamment au « délit de soustraction à une mesure d’éloignement ».

Julia Pascual in Le Monde