dimanche 22 décembre 2024
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El Hadj Mohamed Taher Fergani : lutte implacable contre l’oppression identitaire

Au-delà du succès artistique du maître du malouf Mohamed Taher Fergani, l’exploit réalisé par ce grand artiste algérien pour préserver l’identité nationale à travers l’interprétation de chansons arabo-andalouses durant la période coloniale, constitue l’autre face du prodigieux parcours d’un homme d’exception.

Né en 1928, Mohamed-Tahar Fergani qui avait d’abord interprété la chanson orientale, avant de prendre le « virage » du malouf, la chanson classique algérienne à partir de 1951, a considérablement contribué à la préservation de l’identité nationale au moment où le colonisateur français s’acharnait à extraire les Algériens de leurs valeurs arabo-musulmanes en tentant de bannir son identité nationale.

Le virtuose du violon, alors très jeune dans les années 1940, animait des fêtes de mariage et tentait de faire perpétuer la résonance de la langue arabe parmi la population à travers les chansons orientales, haouzi et andalouses qu’il tenait à interpréter en public, confie son fils Salim qui a indiqué que son père avait adhéré à l’association Mohamed Derdour « Toulouâ El Fadjr » ce qui lui a permis de maîtriser la langue arabe.

Le rossignol de Constantine avait également contribué à cultiver l’amour de la patrie à travers des chants patriotiques qu’il interprétait en public, en pleine période coloniale, à l’instar de « Ana Laârbi Wèld El Arbiya » et n’avait pas manqué de participer également aux efforts de défense de la religion en interprétant durant la période coloniale des extraits dans le madih du prophète (QSSSL) comme « Madh Khatim El Anbiaâ » et  « Salatou Nabi El Habib ».

Cheikh Mohamed Taher Fergani se produisait à l’époque « sous la pression et la menace du colonisateur français », a encore confié son fils Salim, estimant qu’il s’agissait là d’une forme de lutte et de résistance pour recouvrer la souveraineté nationale.

La plus grande voix de la chanson classique algérienne dite arabo-andalouse, El Hadj Mohamed Taher Fergani, a aussi œuvré, avec art et à sa manière, à préserver l’identité nationale et à défendre le patrimoine national depuis son jeune âge puis il s’est consacré à faire perpétuer et répandre cet art et patrimoine à l’international, a ajouté Salim Fergani.

Doté d’une voix singulière, forte et chaude, et d’une aura exceptionnelle, le rossignol de Constantine continuera à marquer des générations entières par son répertoire musical riche et authentique, mais aussi par un parcours hors normes durant lequel il a pu joindre la merveille de l’art à l’amour de la patrie.

Fergani formé durant la guerre, s’affirme à l’indépendance

L’artiste inégalable, au destin indissociable de la ville de Constantine, a parcouru un long chemin, semé d’embuches surtout durant l’ère coloniale, alors que son talent était soumis à rude épreuve, estime son fils Salim qui a indiqué qu’au lendemain de l’indépendance, son père avait comme mission de perpétuer cet art.

Le virtuose du violon qui, sous l’influence de ses Cheikh Hassouna Ali Khodja et Baba Abid, avait appris les bases et principes de la chanson Malouf dans tous ses genres: Mahdjouz, Zoujoul et nouba entre autres, s’est consacré après l’indépendance à révolutionner cet art à travers l’apport des musiques orientale, flamenco et occidentale qu’il a intégrées à la mélodie malouf, donnant à ce genre musical un autre souffle plus attractif et entrainant.

Les légendaires « Ya dalma », « Galou Laârab Galou » et « Nedjma », entre autres, figurent parmi les moments forts du parcours de Cheikh Mohamed Taher Fergani dont la voix, le souffle et le refrain faisaient l’unanimité auprès des mélomanes.

Le maître du Malouf dont le parcours a accompagné la joie de l’indépendance, n’a pas négligé l’importance d’enregistrer le patrimoine de la musique citadine constantinoise dans sa maison d’édition. C’était un artiste « génie » qui s’occupait de son art dans le moindre détail, n’aimait pas laisser les choses au hasard et était un véritable entrepreneur, selon les témoignages de son proche entourage.

Six ans après sa mort (décédé le 7 décembre 2016), Cheikh Mohamed Taher Fergani est toujours présent à Constantine : Son premier titre sorti en 1951 « Habibak la tanseh », traduit parfaitement le sentiment tisser entre l’inoubliable Cheikh et son environnement.

M. B.