L’épidémie se propage en Syrie et au Liban en raison de l’effondrement des infrastructures d’accès à l’eau potable.
Pour la première fois en près de trente ans, le choléra se propage dans un Liban en plein marasme économique. Un mois après la détection d’un premier cas dans un camp de déplacés syriens au nord e Tripoli, la deuxième plus grande ville du pays, la maladie a déjà gagné une grande partie du territoire. Quelque 4.912 cas suspects et 23 décès ont été recensés par le ministère de la Santé, d’après un dernier bilan lundi.
En Syrie voisine, qui partage une frontière poreuse avec le Liban, une souche « similaire » du virus circule depuis fin août et a depuis été observée dans tous les gouvernorats, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Ce sont 46.409 cas suspects dont 97 morts qui figurent dans le dernier bilan de l’organisa- tion du 19 novembre. « Les premiers cas ont été identifiés à Alep mais la majorité se trouvent aujourd’hui à Raqqa et Deir el Zor », explique Aula Abbara, coprésidente du Syria Public Health Network.
Eaux insalubres
Le choléra est une infection diarrhéique aiguë provoquée par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par le bacille Vibrio cholera, présent dans les selles. Sa diffusion est favorisée par « un accès inadapté à l’eau potable et à des installations d’assainissement », d’après l’OMS. Des conditions que remplis- sent les deux voisins levantins.
Des années de conflits depuis 2011 en Syrie ont endommagé près des deux tiers des stations d’épuration d’eau, la moitié des stations de pompage et un tiers des châteaux d’eau du pays, d’après la Banque mondiale. « Le recours aux eaux insalubres de l’Euphrate pour la consommation domestique et l’irrigation a facilité la propagation de la bactérie », explique Aula Abbara.
Côté libanais, le secteur de l’eau s’effondre depuis le début d’une grave crise économique et de liquidités il y a trois ans. « Le nombre d’heures d’électricité publique fournies aux stations de pompage d’eau a chuté de 75 % », déclare Suzy Hoayek, conseillère au ministère de l’Energie et de l’Eau. « Une seule de nos trente stations de traitement des eaux usées est utilisée en raison des retards de paiement de l’Etat aux opérateurs privés ».
Des financements internationaux, dont un fonds de 30 millions d’euros de l’Union européenne destiné à subventionner les quatre établissements régionaux des eaux, sous la tutelle du ministère, devraient toutefois permettre de remettre en service ces stations d’épuration début 2023.
Pénurie de vaccins
« En matière de lutte contre le choléra, il est très important de traiter les causes », insiste Hicham Fawwaz, directeur du département des hôpitaux et des dispensaires au ministère libanais de la Santé. Une première campagne de vaccination via 600.000 doses financées par l’OMS s’achève en parallèle dans le pays, dans l’attente de 900.000 doses supplémentaires. « En raison de la pénurie mondiale de vaccin, seule une des deux doses nécessaires est administrée », précise Hicham Fawwaz.
Le gouvernement syrien a pour sa part reçu fin novembre deux mil- lions de doses, financées par Gavi, l’organisation mondiale du vaccin, et vient de lancer sa campagne lundi. « Ce nombre est encore insuffisant et se pose la question des zones hors du contrôle du régime, en parti- culier le nord-ouest du pays qui n’a toujours pas sécurisé de vaccins », note Aula Abbara. ■
Justine Babin in Les Echos