Les fameux chapeaux de tweed, les lunettes rondes et la petite moustache de Marcel Zanini ont disparu ce 18 janvier, avec leur propriétaire, décédé à l’âge de 99 ans. Connu du grand public pour le fameux Tu veux ou tu veux pas, il n’en était pas moins un jazzman de renommée internationale.
Né à Istanbul en 1923, il quitte son pays à sept ans et part s’installer avec sa famille à Marseille. Depuis toujours attiré par la musique, il étudie pour la première fois la clarinette en 1942. En 1946, devenu musicien de profession, il intègre l’orchestre de Léo Missir et parcourt, avec lui, les villes de La Ciotat l’été, et celles de l’Alpe d’Huez et de Megève l’hiver.
Quatre ans plus tard, il fonde son propre orchestre, et part pour les États-Unis. Parallèlement à son activité de correspondant pour le magazine Jazz Hot, il côtoie de nombreuses pointures du jazz américain, comme John Coltrane, Charlie Parker, Art Tatum et Louis Armstrong. En 1958, il retourne à Marseille et forme une autre compagnie, qui l’accompagnera pendant plus de dix ans. Durant cette période, il rencontre Henri Salvador avec lequel il se produit régulièrement, et s’initie à la chanson. En 1969, il s’installe à Paris.
1969 et c’est le succès qui lui tombe dessus avec son tube Tu veux ou tu veux pas, chanson phare de l’album du même nom. Ce quatrième opus le consacre en tant qu’enfant terrible du jazz à la française avec des chansons empreintes de swing, Kelbokuta et Un Scotch, un bourbon, une bière.
Tu veux ou tu veux pas, adaptation d’un titre brésilien Nem Vem Que não Tem, que Léo Missir, alors directeur artistique chez Barclay, lui avait proposée au début de l’année, va tout de suite se placer à la troisième place du Hit Parade et lui apporte la gloire en moins d’une semaine. Ce succès soudain est une surprise, car la reconnaissance d’un si large public pour un musicien de jazz est particulièrement rare. Il multiplie alors les passages à la radio, mais aussi à la télévision. Dès lors, sa silhouette reconnaissable entre mille est découverte et adoptée par des milliers de personnes.
Malgré cette nouvelle renommée, Marcel Zanini continue sa carrière de jazzman fantaisiste et atypique, et sort de nombreux disques, comme Peu de choses, Rive Gauche et Saint-Germain des Prés.
Il ne cesse ensuite d’alterner les tournées sur la scène internationale et les représentations dans de petites salles et clubs de jazz parisiens, comme le Caveau de la Huchette et le Petit Journal, ainsi que dans de nombreux festivals, dans lesquels son fils, l’écrivain Marc-Édouard Nabe, l’accompagne parfois à la guitare.
La frétillante clarinette de Marcel Zanini s’est donc arrêtée de jouer, après plusieurs décennies de carrière. C’était « le bon temps », comme il le disait lui-même, mais il restera à jamais un musicien atypique du jazz français. L’originalité et la personnalité décalée de l’artiste laisseront un souvenir enchanté.
Mohammed Bessaïah