Depuis seize ans, Andres Perez Zuluaga, maître de taekwondo et psychologue, aide les jeunes de Medellin à se construire grâce à la discipline et à l’exploration de leur esprit de « leader ». Sa fondation, Equilibrio, a été créée pour aider les collégiens en difficulté à travers l’enseignement des arts martiaux. L’objectif est de leur donner les outils pour devenir, demain, des exemples pour leur entourage.
Avec son sac en bandoulière en cuir à la main et ses lunettes sur nez, Andres pourrait passer inaperçu dans la rue ou dans le métro de sa ville natale, Medellin. Mais, sa stature en impose, tout comme sa posture bien droite de maître d’arts martiaux. Son maintien du dos impeccable, même assis à un bar d’un restaurant près du complexe sportif de la ville, attire l’œil. Et pour cause !
Andres Perez Zuluaga a commencé la pratique des arts martiaux à l’âge de cinq ans. Le taekwondo a été « un allié. Il m’a permis de découvrir toutes mes facettes. Avec le temps, j’ai appris à améliorer certaines et à atténuer les autres. J’ai trouvé mon équilibre. Pour moi, c’est plus qu’un sport. »
Il y a dédié et dédie toujours beaucoup de temps. Il s’entraîne sans relâche et parcourt son pays pour les compétitions nationales, régionales et même internationales. Il a atteint le niveau de ceinture noire, la plus grande distinction que l’on peut recevoir de son vivant dans cette discipline.
Un travail global incluant le mental
Cette passion et sa propre expérience avec ce sport l’ont poussé à créer la fondation Equilibrio, il y a seize ans. « Je voulais provoquer un réel changement social, non seulement grâce à la compétition, mais avant tout à travers la formation des jeunes. Les arts martiaux n’entretiennent pas que le corps. Ils exigent un processus mental, holistique, intérieur. Comprenez par là que c’est un apprentissage global. On ne fait pas que du sport. En clair, sans ce travail intérieur, on ne peut progresser. Donc, ils permettent de renforcer son mental tout en travaillant son corps. Pour les jeunes, il s’agit alors de travailler et apprendre à gérer leurs émotions. »
Former les leaders de demain
C’est sur cette base que les premiers élèves, des collégiens, ont été intégrés au programme. Tous les week-ends, des enfants sont formés aux arts martiaux, mais aussi à « devenir des leaders ». Pour cela, ils doivent se connaître et avoir confiance en eux.
« On leur enseigne la discipline, la rigueur du sport, mais on fait surtout en sorte de leur ouvrir les yeux. L’important, c’est que les enfants se sentent en sécurité au sein de notre fondation pour qu’ils se rendent compte qu’il y a d’autres alternatives que la rue, les bandes criminelles ou les réseaux de drogue. »
Ces enfants, ce sont des jeunes qui vivent en périphérie de la ville de Medellin et « dont les familles ont des difficultés financières. Il y a aussi, dans les groupes, des enfants qui vivent dans des familles instables ou absentes ». Le but est qu’à la fin de leur apprentissage, ils deviennent à leurs tours des enseignants d’arts martiaux, dès leur adolescence. À ce moment, le cycle de formation se termine.
« Nous voulons que les jeunes, qui représentent le futur de la nation, soient des acteurs du changement, non pas à travers la réflexion ou la théorie, mais plutôt à travers l’expérience : celle de diriger un groupe. »
Un groupe d’auto-défense féminin
Au total, plus de 300 enfants participent à ce programme. Une grande partie au siège de la fondation, dans une maison près du stade de Medellin, et les autres dans les quatre collèges partenaires (dans la commune 1, à Robledo et à Laureles). Tous les participants ont découvert la fondation lors des journées d’exhibition dans leur établissement. Ils ont choisi volontairement de suivre le programme.
Lorsqu’on lui demande un exemple de réussite du programme de formation, les yeux du maître d’arts martiaux se mettent à briller : « Tatiana Montoya. À son arrivée, elle était très timide, renfermée avec des tas de traumatismes. Aujourd’hui, à 22 ans, c’est devenu une des meilleures professeures que les élèves viennent voir en priorité. Même succès avec Paola Andrea Apaza qui a aujourd’hui 25 ans. »
Andres explique que « l’idée est, qu’à long terme, la fondation n’ait plus besoin de moi, que le cycle de formation des jeunes alimente sans cesse le corps enseignant et permette de faire croître le nombre d’élèves. »
Le maître de taekwondo ne compte pas s’arrêter là. Il vient de mettre en place un nouveau programme. Cette fois-ci, il est dédié aux femmes. Il s’agit d’un groupe d’auto-défense féminin. La devise de la fondation Equilibrio, « rêve, crée et lutte », s’attaque à un autre défi de taille. En Colombie, les violences contre les femmes font l’objet de nombreux programmes sociaux. Selon l’Observatoire des violences contre les femmes (OVCM) et la Fondation féminicides Colombie, cette année, en six mois, 130 femmes sont mortes, la plupart à cause de leurs partenaires ou ex-partenaires. Le nombre de disparitions a augmenté de 88%, la torture de 53% et l’incinération des corps de 29%.
N. B.