Figure de l’extrême droite américaine, Stewart Rhodes a été condamné ce jeudi 25 mai à 18 ans de prison pour « sédition », la sentence la plus élevée à ce jour liée à l’assaut du Capitole, qui avait ébranlé les États-Unis le 6 janvier 2021.
Jusqu’au bout, Stewart Rhodes aura adopté une posture de défi. « Je suis un prisonnier politique », « mon seul crime est de m’opposer à ceux qui détruisent notre pays », a lancé le fondateur de la milice « Oath Keepers » lors de l’audience, dans un tribunal de Washington.
Le juge fédéral Amit Mehta l’a sèchement remis à sa place : « Vous n’êtes PAS un prisonnier politique », « vous êtes ici parce que douze jurés (…) vous ont jugé coupable de sédition », « l’un des crimes les plus graves qu’un Américain puisse commettre ». Le magistrat a également justifié la sévérité de la peine par le rôle de leader de Stewart Rhodes dans l’attaque contre le siège du Congrès le 6 janvier 2021, et son absence de remords. « Vous représentez une menace persistante et un danger pour le pays », a-t-il assené.
« Un général sur un champ de bataille »
Ce jour-là, des milliers de partisans de Donald Trump avaient semé le chaos et la violence dans le temple de la démocratie américaine, au moment où les élus certifiaient la victoire de son rival Joe Biden à la présidentielle. L’enquête tentaculaire ayant suivi a permis d’arrêter plus de 1 000 personnes. Près de 300 ont écopé de peines de prison, dont la plus lourde était jusqu’ici de 14 ans.
Mais seuls dix militants de groupuscules d’extrême droite – six membres des « Oath Keepers » et quatre « Proud Boys » – ont été jugés coupables de « sédition » à l’issue de trois procès distincts à Washington. Après des semaines d’audiences, les jurés ont estimé qu’ils s’étaient préparés, amassant des armes et entrant en formation militaire dans le Capitole pour bloquer l’officialisation de la victoire de Joe Biden.
Le jour J, Stewart Rhodes, connu pour son cache-œil noir et ses diatribes enflammées, était resté à l’extérieur du Capitole, mais, selon l’accusation, il avait dirigé ses troupes par radio « comme un général sur le champ de bataille ». Lors de son procès, l’ancien militaire aujourd’hui âgé de 58 ans avait nié « avoir planifié » l’attaque et soutenu que la « mission » des « Oath Keepers » était d’assurer la sécurité de la manifestation convoquée par Donald Trump pour dénoncer de prétendues « fraudes électorales ». Soutenant avoir été mis devant le fait accompli, il avait estimé « stupide » que Kelly Meggs, qui dirige la section de Floride des « Oath Keepers », soit entré dans le Capitole. « Cela a ouvert la porte à notre persécution politique », avait-il déclaré. Ce dernier, lui aussi reconnu coupable de sédition, a été condamné dans la foulée à douze ans de prison.
« Philanthropes »
Diplômé en droit de l’université Yale, Stewart Rhodes a fondé les « Oath Keepers » en 2009, en recrutant d’anciens soldats ou policiers, initialement pour lutter contre l’État fédéral jugé « oppressif ». Comme d’autres groupes radicaux, cette milice a été séduite par le discours anti-élites de Donald Trump et a totalement adhéré aux allégations de fraudes électorales brandies – contre toute évidence – par le républicain.
Dans des documents judiciaires, les avocats de Stewart Rhodes ont tenté de les dépeindre comme des « philanthropes », appelés à se déployer pour empêcher des émeutes, après des catastrophes naturelles ou lors de manifestations contre les violences policières. « Pour Rhodes, imposer les Oath Keepers dans des situations de crise ne visait pas à aider, mais à contribuer et à profiter du chaos », ont rétorqué les procureurs.
Le juge Mehta a également jugé que la présence du chef des « Oath Keepers » n’était généralement pas une bonne nouvelle en raison de son « appétence pour la violence ». « Vous êtes intelligent, charismatique et éloquent. C’est ce qui vous rend dangereux », lui a-t-il dit.
M. B.