jeudi 17 octobre 2024
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Au terme de nombreuses frasques, Elon Musk se paie Twitter

44 milliards de dollars, c’est le prix à payer pour devenir le patron du réseau social le plus influent sur la planète. Après quelques hésitations, Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, s’est acheté ce vendredi 28 octobre la messagerie à l’oiseau bleu. Cette acquisition augure de profonds changements pour Twitter. Les interrogations sont nombreuses et les réponses du nouveau patron sont attendues, voire redoutées.

« L’oiseau est libéré » a tweeté Elon Musk, après avoir acheté, pour 44 milliards de dollars, le réseau social au logo a l’oiseau bleu. L’action Twitter a été suspendue ce jour et la Bourse de New York a annoncé que l’acquisition est « actée ». Cela faisait des mois que ce rachat s’était transformé en une véritable saga aux multiples rebondissements, engagements et reniements. Une conséquente page Wikipédia a même été consacrée à l’intégralité de ces péripéties économiques et humaines.

Depuis l’annonce du milliardaire fin avril d’une offre d’acquisition à 44 milliards de dollars, l’opération de rachat traînait. L’offre avait été acceptée à contrecœur par Twitter, mais Elon Musk a cherché à s’en extraire unilatéralement début juillet. Il accusait l’entreprise de lui avoir menti sur sa lutte contre les comptes automatisés et les spams.

Le conseil d’administration de la société a saisi la justice et Elon Musk avait jusqu’à vendredi pour conclure l’acquisition du réseau social, faute de quoi un procès pouvait avoir lieu en novembre. Procès que le milliardaire était juridiquement certain de perdre. Il a finalement proposé de conclure la transaction au prix initialement convenu.

Elon Musk continue son humour potache

Mercredi, l’entrepreneur est arrivé au siège du réseau social avec un évier dans les mains. « Let that sink in » est une expression qui signifie prendre le temps d’emmagasiner une information afin de mieux la comprendre. Traduite littéralement, cette phrase dit aussi « laisse cet évier entrer ». Elon Musk continuait donc, en réel, son humour potache. Il s’est même rebaptisé ce jour-là Chef Twit sur son profil Twitter ( twit signifie aussi crétin en anglais).

« Notre plateforme doit être chaleureuse et accueillante pour tous. »

Fin de la blague : le nouveau patron, à son arrivée, a licencié le PDG Parag Agrawal (un licenciement à plusieurs dizaines de millions de dollars). Tout comme deux autres dirigeants, le directeur financier Ned Segal et la responsable des affaires juridiques Vijaya Gadde. Il avait prévu de licencier 75% des 7 500 employés de Twitter, selon le Washington Post, mais à son arrivée dans les locaux, Elon Musk a nié et tenté de rassurer les salariés. Un employé, qui a parlé à l’AFP sous couvert d’anonymat, a calculé que plus de 700 salariés avaient quitté le groupe californien depuis juin.

« Essayer d’aider l’humanité »

Fervent utilisateur de Twitter, avec plus de 110 millions d’abonnés, Elon Musk poste des messages économiques, politiques et humoristiques, voire impulsifs. Il a un comportement sur le réseau qu’on peut qualifier de troll qui ravit ses fans et consterne ses détracteurs. Ce rachat présage un nouveau chapitre instable pour une plateforme qui est au cœur de la vie politique et médiatique du monde. Twitter est devenu un outil diplomatique redoutable, son influence sur la distribution de l’information, son poids sur la diffusion des idées est considérable.

Cette prise de contrôle inquiète donc une grande partie des salariés de Twitter, mais aussi de nombreux utilisateurs et des ONG qui cherchent à mieux lutter contre les abus, le harcèlement et la désinformation. De son côté, Elon Musk assure qu’il n’a pas engagé l’opération parce que c’était « facile » ou « pour se faire de l’argent » mais pour « essayer d’aider l’humanité » (…) « En plus de respecter les lois, notre plateforme doit être chaleureuse et accueillante pour tous. » Thierry Breton, commissaire européen, a répondu : « En Europe, l’oiseau volera selon nos règles européennes. »

Le début d’une nouvelle ère pour Twitter

L’homme le plus riche du monde se présente comme un ardent défenseur de la liberté d’expression et veut assouplir la modération des contenus. Il semble ouvrir la porte à un retour de Donald Trump sur le réseau depuis son éviction au moment de l’attaque du Capitole. Lors d’une session de questions et réponses avec les salariés de l’entreprise de San Francisco, l’homme d’affaires avait souligné qu’il ambitionnait d’atteindre un milliard d’utilisateurs – au lieu des 230 millions actuels – et de diversifier les sources de revenus. Il veut aussi renforcer la lutte contre les spams.

C’est donc le début d’une nouvelle ère pour Twitter, avec à sa tête un homme aux idées disruptives comme on dit dans la Silicon Valley. Il a ainsi défendu depuis plusieurs mois sa vision d’une application à tout faire comme WeChat en Chine. Cette messagerie s’appellerait X, du nom de domaine X .com provenant de la banque en ligne fondée il y a des années par le milliardaire, devenu plus tard PayPal. X proposerait des fonctionnalités aussi diverses que le partage de contenu, le gaming, les moyens de paiement, une messagerie, un réseau social…

 Elon Musk est né à Pretoria, en Afrique du Sud, le 28 juin 1971, d’un père ingénieur et d’une mère mannequin. Il a fait ses études au Canada, puis aux États-Unis. Il est devenu l’homme le plus riche du monde avec une fortune estimée à environ 221 milliards de dollars, principalement grâce à Tesla. Il s’en sert pour financer ses diverses aventures personnelles. L’entrepreneur extravagant, fan de bitcoin, cherche à sauver l’humanité avec des voitures électriques, des fusées, des tunnels et des implants cérébraux.

Tesla, longtemps déficitaire, est désormais un immense succès industriel et financier, avec un profit record de 5,5 milliards de dollars en 2021 et une valorisation boursière immense (710 milliards de dollars), qui pèse quatre fois celle de Toyota, premier constructeur mondial. De 2017 à 2019, la société était « constamment au bord de la faillite. (…) Je vivais dans l’usine de Fremont en Californie, je dormais par terre pour que l’équipe voie que je n’étais pas dans ma tour d’ivoire. »

« Style libertarien de droite radicale »

Mégalomane, bourreau de travail, Elon Musk donne, au fil de ses tweets, un aperçu de sa personnalité. Un d’homme soucieux de son image, un patron rebelle, un amateur de joutes verbales et de provocations anti-politiquement correctes. « Son style libertarien a un peu de droite radicale en lui », selon Roger Kay, de Endpoint Technologies Associates. Sur Twitter, il a récemment livré ses conseils pour mettre fin à la guerre en Ukraine – un avis pas vraiment du goût de Kiev -. Il a aussi défié Vladimir Poutine en duel. En mai 2021, il a révélé être atteint du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme. Divorcé trois fois, M. Musk est père de dix enfants. La section vie privée sur sa page Wikipédia est aussi croustillante que celle concernant son rachat de Twitter.

T. B.