Une coopération « sans précédent » annoncée sous un soleil californien radieux: le président américain Joe Biden a lancé lundi 13 mars un spectaculaire programme de sous-marins à propulsion nucléaire en partenariat avec l’Australie et le Royaume-Uni, destiné à tenir tête à la Chine dans le Pacifique.
« Nous nous mettons dans la meilleure position qui soit pour faire face ensemble aux défis d’aujourd’hui et de demain », a dit le président américain, ses lunettes de soleil favorites sur le nez, depuis une base navale de San Diego, aux côtés du Premier ministre britannique Rishi Sunak et du chef du gouvernement australien Anthony Albanese.
Joe Biden a assuré que les États-Unis ne pouvaient avoir « de meilleurs amis », en vantant cette alliance à trois baptisée Aukus, qui avait fait enrager la France lors de son annonce il y a dix-huit mois.
Le président américain avait soigné la mise en scène : derrière les trois dirigeants, un sous-marin et un navire militaire américains à quai, de grands drapeaux, et des rangées de marins en uniforme.
Le Premier ministre australien a souligné que son pays faisait « le plus grand investissement de [son] histoire » via AUKUS, qui va le voir acheter des sous-marins américains à propulsion nucléaire avant de construire lui-même une nouvelle génération d’appareils.
« L’accord de défense multilatéral le plus important depuis des générations »
Son homologue britannique a également vanté les efforts faits par le Royaume-Uni pour doper son budget de la Défense, et estimé qu’avec les États-Unis et l’Australie, son pays s’engageait dans « l’accord de défense multilatéral le plus important depuis des générations ».
Dans les 18 derniers mois, les défis auxquels nous faisons face n’ont fait que grandir : l’invasion illégale de l’Ukraine, l’assurance grandissante de la Chine, l’attitude déstabilisante de l’Iran et de la Corée du Nord. Tout le cela menace de créer un monde défini par le danger, le désordre et la division. Face à cette nouvelle réalité il est plus important que jamais que nous renforcions la résilience de nos pays. Au bout du compte, la défense de nos valeurs dépend de la qualité de nos relations avec les autres. Et ces alliances seront renforcées grâce à l’AUKUS, le partenariat de défense le plus significatif depuis des générations. AUKUS répond à notre engagement pour la liberté et la démocratie avec la technologie militaire la plus avancée.
Le programme de sous-marins d’attaque, qui a l’ambition de remodeler la présence militaire occidentale dans le Pacifique, se déclinera en trois phases, a détaillé la Maison Blanche.
Et selon un principe « crucial », martelé par Joe Biden : « ces sous-marins seront à propulsion nucléaire, mais ne porteront pas d’armes nucléaires », pour respecter le principe de non-prolifération.
Il y aura d’abord une phase de familiarisation de l’Australie – qui n’a pas de sous-marins à propulsion nucléaire, ni de technologie nucléaire, qu’elle soit militaire ou civile.
Ses marins, ingénieurs, techniciens seront formés au sein d’équipages américains et britanniques, ainsi que dans les chantiers navals et les écoles spécialisées des États-Unis et du Royaume-Uni.
L’objectif est de déployer, à partir de 2027 et sur un principe de rotation, quatre sous-marins américains et un sous-marin britannique sur la base australienne de Perth (ouest).
Dans un deuxième temps, et sous réserve du feu vert du Congrès américain, l’Australie va acheter trois sous-marins américains à propulsion nucléaire de la classe Virginia, avec une option sur deux navires submersibles supplémentaires.
Les sous-marins doivent être livrés à partir de 2030.
Vers une nouvelle génération de sous-marins d’attaque, les SSN AUKUS
Enfin – c’est la troisième, et la plus ambitieuse étape du programme – les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni vont s’associer pour une nouvelle génération de sous-marins d’attaque, baptisée SSN AUKUS.
Ces sous-marins vont impliquer un gigantesque effort industriel, en particulier de la part de l’Australie, qui doit se doter d’un nouveau chantier naval à Adelaïde, dans le sud.
Les nouveaux navires, de conception britannique et incorporant des technologies américaines avancées, seront construits et déployés par le Royaume-Uni et l’Australie.
Ils doivent être livrés à partir de la fin des années 2030 et du début des années 2040.
Les sous-marins à propulsion nucléaire sont difficiles à détecter, peuvent parcourir de grandes distances pendant de longues périodes et peuvent embarquer des missiles de croisière sophistiqués.
La conclusion de l’alliance AUKUS, avec pour corollaire l’annulation par Canberra du contrat d’acquisition de 12 sous-marins français, avait donné lieu en 2021 à une crise diplomatique avec la France, qui avait crié à la « trahison ».
Un projet qui indispose la Chine
Désormais, le projet indispose surtout la Chine : « Nous appelons les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie à abandonner la mentalité digne de la Guerre froide et les jeux à somme nulle », avait déclaré Mao Ning, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, avant les annonces de lundi.
Aucun des trois dirigeants rassemblés à San Diego lundi n’a fait mention de manière explicite de la Chine, mais Joe Biden y a fait une référence implicite.
Il a en effet affirmé que l’alliance AUKUS devait assurer que « la zone indo-pacifique reste libre et ouverte ». Cette formule, dans le jargon diplomatique américain, désigne la volonté de contrer l’influence chinoise dans la région.
M. B.