Les laboratoires Beker ont organisé, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, la 9e session du Beker Media Training le mardi 15 octobre 2024 au niveau de l’hôtel AZ, Vieux-Kouba, Alger.
Ce rendez-vous avec les médias qui avait pour thème « Santé mentale & toxicomanie » a été animé par les Professeurs Mohamed Nedjari, Chef de service Psychia-trie – EHS Drid Hocine qui a traité le sujet « La Santé mentale : Pathologies et prise en charge » et le Professeur Nadir Bourbon, Chef de service Addictologie EHS Frantz Fanon Blida avec un exposé ayant pour thème « Le lien entre la santé mentale & la toxicomanie ».
Le premier expert à faire sa présentation est le Professeur Mohamed Nedjari qui a commencé par définir ce qu’est la santé mentale. « Elle correspond à un état de bien-être mental qui nous permet d’affronter les sources de stress de la vie, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre et de bien travailler, et de contribuer à la vie de la communauté. »
Il a souligné le lien entre addiction et pathologies mentales, affirmant que contrairement aux idées reçues, la psychiatrie est accusée à tort :« 75 % des médicaments utilisés en psychiatrie ne provoquent pas l’addiction. Seuls les anxiolytiques peuvent induire une dépendance, dans le cas où ils sont prescrits pendant une longue période ou si le patient en abuse ».
La prise en charge et la prévention des maladies mentales et de l’addictologie doivent être pluridisciplinaires, face notamment au fléau d’addictologie aux drogues qui commence à prendre de l’ampleur dans la société algérienne. Un plan de sensibilisation pourrait non seulement sauver des vies humaines et réduire ce fléau, mais aussi diminuer les pertes économiques pour les pouvoirs publics. La prévention devrait commencer, selon le Pr. Nedjari, par les parents, les médecins généralistes et les psychologues scolaires, qui pourraient repérer les premiers signes.
Il a évoqué les généralités, à savoir plusieurs concepts de santé mentale : Médicale (psychiatrie, économique, sociale et environnementale. Bien entendu, il est allé dans le détail comme les pathologies qui sont la schizophrénie, les troubles bipolaires, les troubles anxieux, les TOC, les addictions, la dépression…
« Nous avons réalisé des avancées sur le plan de la formation et de la gratuité des soins, mais il reste encore beaucoup à faire », a-t-il ajouté, précisant qu’il existe des programmes de soins pour la détection précoce de ces pathologies et de leur traitement. En plus de la thérapie et des médicaments, une activité physique régulière, une bonne hygiène de vie, rester entouré et en société, sont des méthodes recommandées pour les patients, selon le Pr. Nedjari, qui précise également qu’il a été « prouvé scientifiquement que la pratique du sport agit favorablement sur le cerveau ».
Ce fut ensuite le Professeur Pr. Nadir Bourbon qui pris le relais en débutant, lui aussi, par une définition (goodman) sur « le processus dans lequel est réalisé un comportement qui peut avoir comme fonctions : procurer du plaisir, soulager un malade intérieur, gérer une situation pénible… »
« Dans la file d’attente des personnes suivies au niveau de notre centre, 30% présentent un problème d’addiction aux opiacés, 50% parmi ces dernières présentent un sérodiagnostic d’hépatite C positif », a-t-il déclaré.
Ces chiffres concernent les résultats des tests rapides sur un échantillon de 410 personnes, composé essentiellement de jeunes. « La majorité d’entre eux sont des consommateurs d’héroïne et de cocaïne par voie injectable », précise le Pr. Bourbon.
Un nouveau fléau est apparu actuellement au sein de cette population de consommateurs de drogues dures à savoir l’échanges de seringues, une méthode très dangereuse, qui consiste à s’injecter la substance par voie intraveineuse à l’aide d’une seringue, qui envoie directement le produit dans le sang puis repris par la même seringue pour être réinjecter par les autres consommateurs. Cette tendance est appelée « Flexy » chez les consommateurs, un terme qui désigne dans le langage de la téléphonie mobile l’envoie de forfait d’un numéro à un autre pour recharger la carte téléphonique.
« Actuellement, il y a un rush sur la consommation de la cocaïne par voie injectable », s’inquiète le Pr. Bourbon. « Les conditions ne sont pas respectées notamment l’utlisation de seringue, source de la contamination par l’hépatite C et autres maladies infectieuses VIH/ Sida, syphillis ainsi que d’autres germes. Il y a également une augmentation du nombre d’endocardite infectieuse, et des états de septicémie. Il serait souhaitable d’avoir une dispensation des seringues au niveau des officines », explique-t-il.
En effet, selon les résultats d’autres test qui ont été réalisés dans l’un des centres d’Addictologie, les résultats sont préoccupants : sur un échantillon de 100 cas addicts aux opiacés 54%, d’entre eux, présentent une infection par l’hépatite C, 33% par l’hépatite B, 12% par la septicémie, 5% par le VIH, et 1% par la Syphilis.
Le Pr. Bourbon s’inquiète de l’ampleur que prend le phénomène, surtout que les consommateurs tardent à consulter. « Il ne viennent qu’après que le processus d’addiction se soit cristallisé, et qu’ils ont déjà accumulé des dommages sanitaires, psychologiques, et sociaux importants », regrette-t-il.
D’autres sujets ont été traités tels que l’évolution du concept, pratiques addictives-intérêt du concept, les substances psychoactives, potentiel addictogène, le craving, modèle congnitivo-comportemental, FDR fami- liaux : psychopathologie parentale, abus-dépendance et PAS (pères), spectre anxiodépressif (mères)… avant d’arriver au sevrage. Ici, « la volonté du patient est primordial à la démarche du sevrage ». « Un sevrage forcé est incompatible, mais aussi inefficace au plan thérapeutique, voire nuisible (rechute et décès par overdose). Enfin, le sevrage peut être réalisé en ambulatoire ou dans un cadre institutionnel ». En résumé, ce sont des présentations qui nous interpellent sur le risque qui persiste sur notre santé mentale si les concernés ne se mobilisent pas. Les services concernés font ce qu’ils peuvent, mais ils ont besoin de plus de moyens, humain et matériel.
A travers les interventions des deux professeurs, durant ce média training, les laboratoires Beker, espèrent sensibiliser les personnes atteintes de ces fléaux et comptent sur les médias pour les propager. En somme bonne initiative.
Mohammed Bessaïah