Le court Philippe-Chatrier n’avait jamais vu cela : d’abord, un ring de boxe trônant à la place de l’habituel filet de tennis. Mardi 6 août, pour cette première soirée du tournoi olympique de boxe organisée à Roland-Garros – les premiers tours s’étaient déroulés à l’Arena Paris Nord de Villepinte, en Seine- Saint-Denis –, les drapeaux algériens, irlandais et mexicains dominaient dans les tribunes, des combattants de ces nationalités disputant finales ou demi-finales. La boxe et le tennis n’évoluent pas exactement sur la même planète.
Au niveau de la popularité, c’est incontestablement Imane Khelif qui l’a emporté. La boxeuse algérienne, au cœur d’une polémique sur la question des critères de féminité des athlètes, y a acquis bien involontairement une notoriété internationale.
Défendue dans son pays après les attaques dont elle a fait l’objet, elle a attiré à Roland-Garros de nombreux supporteurs, qui n’avaient probablement jamais entendu parler d’elle, une semaine auparavant, mais dont certains dansaient dans les allées de Roland-Garros, mardi soir, pour fêter son succès.
ELLE SERA, QUOI QU’IL ARRIVE, LA PREMIÈRE MÉDAILLÉE OLYMPIQUE ALGÉRIENNE EN BOXE
Imane Khelif s’est qualifiée pour la finale de la catégorie des moins de 66 kg, qui la verra affronter, vendredi, la Chinoise Liu Yang, championne du monde en 2023. En demi-finales, elle s’est imposée à l’unanimité des cinq juges face à la Thaïlandaise Janjaem Suwannapheng. Une connaissance puisque les deux jeunes femmes s’étaient rencontrées en demi-finales des championnats du monde 2023, à New Delhi. Les cinq juges avaient déjà estimé à l’époque que l’Algérienne était supérieure à son adversaire, mais c’est pourtant celle-ci qui avait disputé – et perdu – la finale contre Liu Yang. Après cette demi-finale, Imane Khelif avait appris sa disqualification, la Fédération internationale de boxe (International Boxing Association, IBA) annonçant que la boxeuse n’avait pu satisfaire à un test de féminité auquel elle avait dû se plier au début de la compétition. A Roland-Garros, la native d’Aïn Sidi Ali n’a jamais été mise en danger par son adversaire. Dans le premier des trois rounds, les deux combattantes, aussi athlétiques l’une que l’autre, semblaient retenir leurs coups. Imane Khelif, plus mobile, prenait peu à peu le dessus et se détachait au troisième round, Janjaem Suwannapheng encaissant un crochet du gauche puis étant comptée par l’arbitre à une vingtaine de secondes du gong. L’issue du combat ne faisait aucun doute et les deux boxeuses, qui ont participé ensemble à un stage final de préparation aux Jeux à Vittel (Vosges), se saluaient chaleureusement.
Force de caractère
Une trentaine de minutes plus tard, Imane Khelif se présentait dans la zone mixte, où l’attendaient plusieurs dizaines de journalistes de la presse internationale. Scène un peu surréaliste : la jeune femme s’exprimait uniquement en arabe, répondant aux questions d’une poignée de journalistes algériens qui allaient devoir traduire ses propos à destination de leurs collègues non arabophones.
A la fin de son quart de finale, la boxeuse de 25 ans, en pleurs mal- gré sa victoire, ne s’était pas arrêtée en zone mixte. Elle a semblé beaucoup plus sereine à l’issue de sa demi-finale, se contentant de déclarations convenues : « Je suis comme tous les sportifs présents aux Jeux, je suis là pour réaliser
mon rêve. Je vais donner mon maximum pour être au rendez- vous et remporter la médaille d’or. » Elle sera, quoi qu’il arrive, la première médaillée olympique algérienne en boxe féminine, de- puis l’introduction de la discipline aux Jeux de Londres, en 2012.
L’affaire au centre de laquelle elle se retrouve a éclaté, jeudi 1er août, après l’abandon au premier tour du tournoi olympique de son adversaire, l’Italienne Angela Carini, qui a, dans un premier temps, refusé de la saluer avant, quarante-huit heures plus tard, de lui apporter son soutien dans un entretien à un site italien. La polémique a enflé avec les prises de position de personnalités comme la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni, l’homme d’affaires américain Elon Musk ou J. K. Rowling, la romancière britannique affirmant dans un tweet, sans la moindre preuve, qu’Imane Khelif était un homme.
La controverse a, par ailleurs, été alimentée par l’IBA, qui est entrée en guerre contre le Comité international olympique (CIO), depuis qu’il ne la reconnaît plus et lui a retiré l’organisation des tournois de boxe des Jeux de Tokyo, en 2021, et de Paris à cause de nombreuses irrégularités et scandales d’arbitrage. L’IBA a saisi l’occasion pour organiser une conférence de presse, lundi à Paris, et s’en prendre au CIO et à son président, Thomas Bach. La Fédération internationale s’est refusée à préciser sur quels critères scientifiques était fondé le test de féminité qui avait conduit à la disqualification d’Imane Khelif, en 2023.
«On s’est souvent moqué de moi à cause de mon apparence physique, mais j’ai résisté et j’ai continué à me battre malgré tout», a déclaré, par le passé, la boxeuse à un site algérien. Si elle parvient à de- venir championne olympique dans ce contexte, elle aura dé- montré une force de caractère peu commune.
G. V. K.