Des centaines de partisans de l’ex-président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro ont envahi et saccagé ce dimanche 8 janvier le palais présidentiel, le Congrès et la Cour suprême à Brasilia.
Rassemblés pour une manifestation devant le Congrès brésilien, des centaines de partisans de l’ex-président Jair Bolsonaro ont envahi l’édifice, mais également le palais présidentiel et la Cour suprême. Les dégâts paraissent considérables, dans ces bâtiments qui sont des trésors de l’architecture moderne et regorgent d’œuvres d’art.
À la tombée de la nuit dans la capitale brésilienne, les forces de l’ordre semblaient reprendre progressivement le contrôle de la situation, des canons à eau maintenant les manifestants à distance, même si des dizaines de manifestants demeuraient sur place et que la situation restait confuse.
Des dizaines d’arrestations
Au moins 150 émeutiers ont été arrêtés. Des images de la chaîne CNN Brésil ont montré des bolsonaristes vêtus en jaune et vert descendre en file indienne, les mains derrière le dos, la rampe du palais présidentiel de Planalto, encadrés de policiers. Sur d’autres images, on peut voir un bus rempli de manifestants interpellés partir en direction d’un poste de police. La police attachée au Sénat a annoncé avoir arrêté 30 personnes dans la Chambre, un des lieux de pouvoir pris d’assaut par les bolsonaristes, au même titre que la chambre des députés voisine, le palais présidentiel et la Cour suprême.
Ces événements surviennent une semaine après l’investiture du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva. Le chef de l’État, 77 ans, était absent de Brasilia : il s’est rendu à Araraquara, ville de l’Etat de Sao Paulo (sud-est) dévastée par des inondations en fin d’année.
Des images qui rappellent l’invasion du Capitole
La zone près de la Place des trois pouvoirs, où se côtoient le Palais présidentiel de Planalto, la Cour suprême et le Congrès, avait été pourtant bouclée par les autorités, mais les bolsonaristes qui refusent d’accepter l’élection de Lula sont parvenus à rompre les cordons de sécurité. Plusieurs dizaines d’entre eux sont d’abord parvenus à monter sur la rampe de ce bâtiment à l’architecture moderne pour en occuper le toit. Les forces de l’ordre ont opposé peu de résistances et paraissaient totalement débordées face à des manifestants semblant très bien organisés.
« Cette tentative absurde d’imposer la volonté par la force ne prévaudra pas », a averti le nouveau ministre de la Justice Flavo Dino, sur Twitter. La présidente du parti des Travailleurs de Lula Gleisi Hoffman accuse de son côté le gouvernement local de Brasilia d’être responsable d’un « crime annoncé contre la démocratie ».
Lula décrète une « intervention fédérale »
Les images impressionnantes, rappelant l’invasion du Capitole aux États-Unis, montrent une véritable marée humaine affluer vers le Congrès. Celui-ci regroupe dans un même bâtiment la chambre des députés et le Sénat. Des manifestants sont apparus sur le toit, mais aussi sur toutes les pelouses attenantes, y compris celle du palais présidentiel de Planalto.
Le président Lula a quant à lui rapidement réagi en condamnant l’invasion des lieux de pouvoir à Brasilia par des « vandales fascistes » et a décrété une « intervention fédérale » sur les forces de l’ordre pour reprendre en main la sécurité de la capitale. « Nous allons tous les retrouver et ils seront tous punis », a-t-il déclaré au sujet des bolsonaristes responsables de saccages.
Le président du Sénat, Rodrigo Pacheco, a dit sur Twitter « rejeter avec véhémence cette manifestation antidémocratique, qui doit être punie par la rigueur de la loi ». Un syndicat de presse local a fait état de l’agression de cinq journalistes. Parmi eux, un photographe de l’AFP a été frappé et s’est fait voler tout son matériel.
Condamnations de la communauté internationale
Le chef de l’État français Emmanuel Macron a appelé dimanche au « respect des institutions démocratiques » au Brésil. « La volonté du peuple brésilien et les institutions démocratiques doivent être respectées ! Le président Lula peut compter sur le soutien indéfectible de la France », a-t-il tweeté.
La Maison Blanche a également réagi en condamnant « toute tentative d’ébranler la démocratie ». « Les États-Unis condamnent toute tentative d’ébranler la démocratie au Brésil. Le président Biden (depuis le sud des États-Unis où il se trouvait dimanche, avant une visite au Mexique) suit la situation de près et notre soutien aux institutions démocratiques du Brésil est inébranlable », a tweeté Jake Sullivan, conseiller de la Maison Blanche.
Le président de gauche du Chili, Gabriel Boric, a lui aussi apporté sur Twitter son soutien au gouvernement Lula « face à cette attaque lâche contre la démocratie ». Son homologue colombien, Gustavo Petro, a condamné pour sa part une « attaque fasciste ».
Le président du Conseil européen Charles Michel a exprimé « condamnation absolue » de l’invasion. « Soutien total au président Lula da Silva, démocratiquement élu par des millions de Brésiliens à l’issue d’élections équitables et libres », a tweeté le responsable européen.
Des manifestations qui durent depuis l’élection
Des bolsonaristes manifestaient déjà devant des casernes militaires depuis la défaite de peu du président sortant d’extrême droite face à Lula le 30 octobre. Ils réclamaient l’intervention de l’armée pour empêcher ce dernier de revenir au pouvoir pour un troisième mandat, après ceux de 2003 à 2010. Certains d’entre eux ont également bloqué des axes routiers pendant plus d’une semaine après l’élection.
Jair Bolsonaro, qui n’a jamais félicité Lula de son élection et a boudé son investiture, a quitté le Brésil deux jours avant la fin de son mandat et se trouve en Floride, aux États-Unis. L’investiture s’est déroulée le 1er janvier à Brasilia sans incident majeur, en présence de dizaines de milliers de partisans de Lula.
Mohammed Bessaïah