Le Parlement sud-coréen a adopté samedi une motion de destitution contre le président Yoon Suk-yeol, pour sa tentative ratée d’imposer la loi martiale le 3 décembre. Le président est désormais suspendu, dans l’attente de la confirmation ou l’infirmation de sa destitution par la Cour constitutionnelle sous 6 mois. Si la destitution est validée, une élection présidentielle aura lieu sous 60 jours. Le Premier ministre Han Duck-soo assure l’intérim.
Un total de 204 députés ont voté en faveur de la motion et 85 contre. Trois élus se sont abstenus et huit bulletins ont été déclarés nuls, selon le résultat annoncé par le président de la chambre.
À l’annonce du résultat du vote samedi après-midi, les quelque 200 000 manifestants massés devant l’Assemblée nationale ont laissé éclater leur joie, dansant au son d’une K-pop assourdissante, s’embrassant parfois en larmes et agitant des bâtons lumineux. Près de 80 % des Sud-Coréens réclamaient la destitution du président Yoon après sa tentative de coup de force militaire raté le 3 décembre. La crise politique est toute fois loin d’être terminée.
« Je me sens tellement bien. C’est une sensation indescriptible. C’est vraiment la victoire du peuple coréen. Je suis vraiment heureux. J’espère que la situation va se stabiliser rapidement, et que notre pays et notre peuple pourront vivre dans un pays prospère », explique un manifestant imagine déjà le leader de l’opposition Lee Jae-myeong en tant que président. « Je pense que tant que ce n’est pas complètement réglé, il faudra tous se rassembler et manifester sur l’avenue Gwanghwamun. Je soutiens la candidature de Lee Jae-myeong pour la présidence. Parce que j’ai aussi voté pour lui lors des dernières élections présidentielles », ajoute une manifestante.
Environ 30 000 partisans de M. Yoon, selon la police, se sont pour leur part rassemblés dans le centre de Séoul, entonnant des chants patriotiques et brandissant des drapeaux sud-coréens et américains.
« Je suis profondément frustré », a déclaré le président déchu à la télévision, confirmant qu’il allait maintenant se « retirer pour un certain temps ».
La Cour constitutionnelle dispose de 180 jours pour valider ou non la destitution
Yoon Suk-yeol est désormais suspendu, en attendant que la Cour constitutionnelle valide ou non sa destitution. Elle dispose pour cela de 180 jours. Toutefois, il manque trois juges sur les neuf que compte la Cour. Il faudra donc en nommer de nouveaux avant d’obtenir un délibéré.
D’ici là, l’intérim sera assuré par le Premier ministre Han Duck-soo. « J’ai le cœur lourd. Je vais mobiliser toutes mes forces (…) pour assurer une gouvernance stable », a-t-il déclaré aux journalistes.
Si la Cour confirme la destitution, Yoon Suk-yeol deviendra le deuxième président de l’histoire de la Corée du Sud à subir ce sort, après Park Geun-hye en 2017. Mais il existe aussi un précédent de destitution votée par le Parlement puis invalidée deux mois plus tard par la Cour constitutionnelle : celle de Roh Moo-hyun en 2004.
L’impopulaire président Yoon, 63 ans, avait sidéré la Corée du Sud en imposant dans la nuit du 3 au 4 décembre la loi martiale et en envoyant l’armée au Parlement pour empêcher les députés de s’y réunir.
« La destitution d’aujourd’hui est la grande victoire du peuple et de la démocratie », s’est félicité Park Chan-dae, chef du groupe du Parti démocrate, la principale force d’opposition au Parlement. L’imposition de la loi martiale « est une violation claire de la Constitution et une grave infraction à la loi », avait déclaré Park Chan-dae à la tribune avant le scrutin. « Yoon Suk-yeol est le cerveau de cette rébellion ». « Je vous demande instamment de voter en faveur de la destitution afin de laisser une leçon historique selon laquelle ceux qui détruisent l’ordre constitutionnel devront rendre des comptes », avait-il poursuivi.
M. Yoon « est devenu un président que les citoyens ne peuvent plus accepter. Il a complètement trahi les valeurs du conservatisme, portant atteinte au fondement même de notre idéologie», a réagi un des députés du PPP ayant voté pour la destitution, Kim Sang-wook, à la chaîne de télévision JTBC.
Accusation pour « rébellion » et des arrestations
Les ennuis de M. Yoon ne sont pas terminés. Le président déchu est visé par une enquête pénale pour « rébellion », un crime théoriquement passible de la peine de mort. Il est également interdit de quitter le pays.
Vendredi 13 décembre, le parquet a annoncé l’arrestation du chef du commandement militaire de Séoul, et un tribunal a lancé des mandats d’arrêt contre les chefs de la police nationale et de la police de Séoul, citant un « risque de destruction de preuves ».
L’ancien ministre de la Défense Kim Yong-hyun, considéré comme la personne ayant poussé le président à imposer la loi martiale, avait été le premier à être arrêté le 8 décembre. Il avait tenté deux jours plus tard de se suicider en détention.
M. B.