Dans un document officiel publié par une agence gouvernementale chinoise, Pékin détaille comment elle envisage de prendre possession de Taïwan. Les autorités semblent opter pour une approche plus conciliante face à cet État qu’elle considère toujours comme une « île rebelle » censée revenir dans le giron chinois.
« La réunification de la Chine est une aspiration partagée par tous les fils et les filles de la nation. » Ainsi commence le « livre blanc » publié ce mercredi par le Bureau des affaires de Taïwan. Un ton qui tranche considérablement avec les discours menaçants du président Xi Jinping. Le numéro 1 chinois avait martelé à plusieurs reprises qu’il fallait reconquérir l’île rebelle par la force s’il le fallait. Aujourd’hui, après que des navires et des avions de guerre ont simulé un « blocus total » pour intimider les 23 millions de Taïwanais, et que des missiles ont survolé pour la première fois Taipei, l’armée chinoise annonce que « l’ensemble des tâches a été mené à bien ».
Le moment a donc été jugé propice pour publier ce document dont les propos sont « loin d’être une déclaration de guerre », analyse le chercheur Matthieu Duchâtel sur Twitter. Même si Pékin le conclut par cet avertissement qui ne laisse de fait aucun choix aux Taïwanais : « L’objectif de la réunification totale de notre terre natale doit être réalisée et le sera », c’est une « mission historique ».
Les auteurs précisent cependant que seules des « circonstances impérieuses » pourront justifier l’usage de la force, pour « se prémunir contre les ingérences extérieures et toutes les activités séparatistes ». Comprendre : si un jour Taipei déclarait son indépendance, Pékin pourrait lancer l’attaque et envahir l’île.
La carotte et le bâton
Le document joue d’ailleurs savamment de la carotte et du bâton. Il promet des « incitations économiques » et souhaite créer un « vaste espace de coopération afin de parvenir à une réunification pacifique ». « Épaulés par une patrie forte, les compatriotes taïwanais seront plus forts, plus confiants, plus en sécurité et davantage respectés sur la scène internationale », écrit encore Pékin en pleine opération séduction. Ces propos se heurtent toutefois à la réalité : plus de 80% des Taïwanais se disent opposée à la « réunification » que Pékin appelle de ses vœux.
Le terme de « réunification » est même proscrit par les Taïwanais. Car il est vrai que Taïwan, appelée « Formose » (« La Belle ») par les Portugais, n’a jamais appartenu à la République populaire de Chine. Déjà l’empire chinois ne s’y était pas vraiment intéressé. L’île n’est devenue une province chinoise qu’à la fin de la dernière dynastie des Qing, en 1885, avant d’être colonisée par les Japonais seulement dix ans plus tard.
Lorsque les communistes chinois ont gagné la guerre civile en 1949, c’est sur cette île que s’est replié le vaincu, le nationaliste Tchang Kai-chek, avec ses troupes et ses partisans. En sept décennies, la Chine communiste n’a donc jamais contrôlé Taïwan. De nombreux experts reprochent d’ailleurs à Pékin de réécrire l’histoire pour pouvoir s’approprier cette île très prospère qui produit plus de la moitié des besoins en semi-conducteurs dans le monde.
M. B.