jeudi 21 novembre 2024
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Élections au Royaume-Uni : Sadiq Khan réélu maire de Londres, large victoire des travaillistes

Le travailliste Sadiq Khan est devenu samedi 4 mai le premier élu à remporter la mairie de Londres pour un troisième mandat. Mais au-delà de ce résultat, ces élections locales marquent une large victoire des travaillistes, à quelques mois des législatives.

Sadiq Khan, a réitéré son exploit de 2021 en dépassant massivement sa rivale conservatrice Susan Hall dans les noyaux travaillistes de l’est et du sud de Londres. Il a recueilli plus d’un million de votes avec 43,8% des suffrages exprimés, soit plus de onze points de plus que sa concurrente. Dans son discours juste après l’annonce des résultats, il s’est dit « honoré » et « fier » et a affirmé espérer que cette année soit celle d’un « grand changement » avec « un futur gouvernement travailliste ». Il a aussi salué dans sa victoire, celle d’une campagne qui a défendu « une ville qui regarde notre diversité pas comme une faiblesse mais comme une force puissante, qui rejette le populisme et va de l’avant ».

Sadiq Khan, 53 ans, fils d’un chauffeur de bus, avait pour la première fois ravi la mairie de Londres en 2016. Il était alors devenu le premier musulman à diriger une capitale occidentale. Avec ce troisième mandat, il bat en termes de longévité son prédécesseur, le conservateur Boris Johnson, élu à deux reprises.

Pour son premier mandat, Sadiq Khan avait combattu avec force le Brexit. Cette fois, il a promis une ville « plus juste, plus sûre, plus verte pour tout le monde ». Il veut étendre son programme de repas gratuits pour les enfants des écoles publiques. Celui qui a grandi dans un logement social, à Tooting dans le sud de Londres, s’est engagé à ce que 40 000 nouveaux logements sociaux soient construits. Il a promis d’agir pour qu’il n’y ait plus de sans-abri à Londres d’ici à 2030.

La bête noire des Tories

L’homme, jugé peu charismatique, est devenu la bête noire de la presse conservatrice et des Tories, au pouvoir au Royaume-Uni depuis 2010. Ils l’attaquent sans relâche sur la sécurité. Ils l’accusent d’être responsable de l’augmentation des agressions à l’arme blanche, un fléau que Sadiq Khan attribue pour sa part à la politique d’austérité des gouvernements conservateurs qui auraient conduit à la baisse des effectifs policiers.

Les opposants de Sadiq Khan lui reprochent aussi d’avoir étendu l’an dernier au grand Londres la taxe pour véhicules polluants, introduite en 2015 par Boris Johnson. Les conservateurs l’accusent d’avoir peu d’égard pour les Londoniens souffrant de la crise du coût de la vie.

Ces attaques dérapent parfois. L’ancien vice-Premier ministre des Tories, Lee Anderson, a affirmé en février 2024 que les islamistes avaient « pris le contrôle » de Sadiq Khan. « Il a donné notre capitale à ses acolytes », assurait le député qui a aujourd’hui rejoint le parti d’extrême droite Reform UK. Quelques années plus tôt, en 2019, l’ex-président américain Donald Trump avait pour sa part ciblé Sadiq Khan durant une vague d’attentats jihadistes à Londres, et l’avait traité de « honte nationale » et de « loser total ». « Un seul d’entre nous est un loser, et ce n’est pas moi », avait alors rétorqué Sadiq Khan.

Un revers électoral massif pour les conservateurs

Au-delà de ce seul cas londonien, les derniers résultats des élections locales confirment la large victoire des travaillistes dans le pays, dans un scrutin en forme d’ultime test avant les législatives dans quelques mois. Au total, le Labour a gagné plus de 180 sièges et va diriger huit conseils locaux supplémentaires. Les conservateurs ont, eux, perdu plus de 470 sièges et lâché la main sur au moins dix conseils locaux. Vendredi, les premiers résultats montraient que les Tories allaient connaître leur pire défaite en quarante ans pour un scrutin local.

Outre Londres, les travaillistes ont à ce stade remporté huit des onze scrutins municipaux qui se tenaient dans plusieurs grandes villes du pays, comme Manchester, Liverpool, Leeds ou Sheffield (South Yorkshire), mais aussi dans l’agglomération de York et North Yorkshire, là même où se trouve la circonscription du Premier ministre. Tout n’est pas pour autant rose pour le Labour, qui a notamment perdu des électeurs du fait de sa position jugée par certains de ses électeurs trop pro-israélienne dans le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza.

En tout état de cause, les gains substantiels de l’opposition travailliste renforcent ses espoirs de voir arriver son chef, Keir Starmer, à Downing Street après les élections législatives prévues plus tard cette année. « Aujourd’hui, nous célébrons le début d’une page qui se tourne, l’une des dernières étapes avant les élections législatives », s’est félicité ce dernier à Mansfield dans les East Midlands où il célébrait l’élection de la maire travailliste Clare Ward. « Tournons la page du déclin et lançons le renouveau national avec le Labour », a-t-il ajouté, promettant notamment de rebâtir le système de santé à la dérive, après avoir appelé la veille le Premier ministre, Rishi Sunak, à convoquer des élections législatives.

« Seuls les conservateurs ont un programme », selon Rishi Sunak

Rishi Sunak, qui fait face à des divisions dans ses rangs, a de nouveau défendu samedi sa politique, notamment son projet d’expulser des migrants vers le Rwanda ou encore ses baisses d’impôts. « Le Labour n’a pas gagné dans des endroits où ils ont admis devoir l’emporter » pour obtenir une majorité à l’issue des prochaines législatives. « Seuls les conservateurs ont un programme » pour le pays, a-t-il assuré dans une tribune publiée ce 3 mai dans le journal conservateur The Telegraph.

Alors que le dépouillement est toujours en cours dans le très disputé West Midlands (Birmingham), les conservateurs doivent se contenter pour l’instant d’une seule victoire, avec la réélection du maire conservateur de Tees Valley (est), Ben Houchen, annoncée vendredi. Rishi Sunak avait couru le féliciter, y voyant un signe que les conservateurs peuvent encore renverser la vapeur avant les législatives. Cette victoire est la preuve que « les conservateurs tiennent leur promesse », avait-il déclaré, vantant notamment la réussite de plusieurs projets économiques, et se disant convaincu que les électeurs « resteront fidèles aussi » aux conservateurs lors des législatives.

La montée en puissance de Reform UK, parti nationaliste et populiste, fondé par le champion du Brexit Nigel Farage, a aussi de quoi inquiéter les conservateurs, qui pourraient leur céder des voix lors des législatives.

Sadiq Khan, visage de la diversité

Sadiq Khan incarne l’une de ces « success stories » dont Londres raffole. Dans cette ville monde fière de sa diversité, 46% des résidents s’identifient comme asiatiques, noirs, mixtes ou « autres ». Sadiq Khan ne rate jamais une occasion de revenir sur ses origines modestes et parle volontiers du fait qu’il respecte le jeûne du ramadan, ne boit pas d’alcool et essaie de faire ses prières tous les jours.

Sadiq Khan est né le 8 octobre 1970 dans une famille pakistanaise, alors immigrée au Royaume-Uni depuis peu. Il grandit avec six frères et une sœur et fréquente le lycée public local ainsi que l’université de North London. Enfant, il fait de la boxe pour pouvoir plus facilement impressionner ceux qui osent le traiter de « Paki ». À 15 ans, il adhère au Parti travailliste quand Margaret Thatcher est au pouvoir.

L’un de ses professeurs repère son don pour les joutes oratoires et l’oriente vers des études de droit. En 2005, il abandonne sa carrière d’avocat spécialisé en droits humains pour se faire élire député. Trois ans plus tard, Gordon Brown lui offre le poste de ministre chargé des Communautés, puis celui des Transports l’année suivante. Il devient le premier musulman à siéger au cabinet d’un Premier ministre britannique.

Quand le palais de Buckingham lui demande sur quelle Bible il veut prêter serment, Sadiq Khan propose d’apporter son Coran. Il laisse ainsi son exemplaire au palais, espérant qu’il servira « pour le suivant ».

M. B.