La flambée des prix du gaz et de l’électricité due aux sanctions envers la Russie depuis son offensive en Ukraine affecte les énergéticiens européens, et ce, malgré des ventes à des prix record. Certains groupes considérés « too big to fail » (« trop gros pour faire faillite ») pourraient très prochainement manquer de cash. Les gouvernements allemand, suisse, français, espagnol, suédois, entre autres, sont appelés à la rescousse pour les sauver et ne pas mettre en péril l’approvisionnement de leur pays à l’approche de l’hiver.
Les Finlandais comparent même le risque de faillite de leurs énergéticiens à la chute de la banque américaine Lehman Brothers lors de la crise financière de 2008. Pour Colette Lewiner spécialiste des problèmes énergétiques chez Capgemini, « les prix de l’électricité ont monté de manière extrêmement importante. Ils sont en gros à 500% de plus élevés que ce qu’ils étaient en 2020. »
« Il faut qu’ils aient la trésorerie »
« Donc, poursuit-elle, pour s’approvisionner sur le marché pour revendre à leurs propres clients, les sociétés d’électricité doivent déposer une garantie, et forcément la garantie qu’ils doivent déposer est beaucoup plus importante que ce qu’ils devaient déposer il y a un an pour la même quantité d’électricité ; ceci veut dire qu’il faut qu’ils aient la trésorerie, le cash suffisant pour au moins déposer ces garanties et parfois aussi ils achètent cher et ils sont limités dans leur prix de vente par les tarifs, parce que les gouvernements veulent protéger les petits consommateurs. »
« Je pense qu’ils risquent la faillite. On a vu déjà pas mal de faillites en France, au Royaume-Uni, en Belgique, de vendeurs, de purs distributeurs d’électricité parce que souvent ils n’avaient pas acheté en avance pour vendre à leurs clients et pour gagner des parts de marché ils avaient fait des discounts très importants, donc, en Angleterre il y a une trentaine de sociétés qui ont été en faillite ; en France il y en a un certain nombre aussi et d’autres sociétés beaucoup plus grandes ont dû faire appel à l’État, par exemple Uniper en Allemagne et EDF qui va être renationalisée en France. Donc, ils ont besoin d’un appui étatique pour passer cette crise considérable. Quand les prix du pétrole augmentent de deux dollars ou de 10 dollars, soit de 10%, tout le monde s’inquiète en fait. L’électricité a grimpé de 500% c’est énorme on n’a jamais vu des prix comme ça. Donc il y a une vraie crise et beaucoup de société sont en difficulté », indique encore Colette Lewiner.
Déconnecter les prix de l’électricité et du gaz
« Alors ça pourrait s’arranger si, et cela prendra un tout petit peu de temps, si on déconnectait les prix de marché de l’électricité des prix du gaz, analyse la spécialiste de Capgemini. Ce qui pousse ces prix à la hausse notamment c’est la hausse des prix du gaz liées clairement à l’invasion russe en Ukraine. C’est la réforme des marchés que l’Europe décide enfin de regarder pour éviter cette inflation des prix de l’électricité qui n’est pas intrinsèque et qui est liée aux mécanismes de marché ». C’est ce qui permettrait, conclut Colette Lewiner, de faire « baisser » les prix de l’électricité sur les marchés.
M. B.