. Le patron de Kuiper, la constellation de satellites en orbite basse que compte déployer Amazon à partir de 2024, est venu en France visiter l’usine des Mureaux où se fabriquent les lanceurs Ariane 6.
. Pour Kuiper, le compte à rebours est lancé : il lui faut mettre en orbite plus de 1.600 satellites en trois ans.
Petite contrariété pour Elon Musk : le milliardaire n’a pas tout à fait obtenu les autorisations qu’il souhaitait pour renforcer sa constellation de satellites Starlink, avec laquelle il souhaite distribuer Internet dans le monde entier.
Alors que SpaceX a déjà mis en orbite quelque 3.000 satellites en orbite basse, l’autorité fédérale de télécommunications des Etats- Unis, la toute-puissante Federal Communications Commission (FCC), a semble-t-il entendu les avertissements des concurrents du milliardaire. Elle a autorisé Starlink à déployer sa nouvelle génération de satellites, mais à l’intérieur d’un plafond fixé à 7.500 unités, quand SpaceX demandait des autorisations pour 30.000 satellites.
Laisser la place à la concurrence
Cette autorisation limitée « doit aider les autres opérateurs de satellites à se protéger des phénomènes d’interférence et doit maintenir un environnement spatial sûr et ouvert à la compétition, tout en protégeant l’utilisation future des ressources orbitales », explique la FCC. Et elle impose à SpaceX de rester sur une orbite comprise entre 525 et 535 kilomètres de la Terre, lui interdisant ainsi d’empiéter sur l’orbite réservée par Amazon pour sa constellation Kuiper.
En outre, la FCC impose à Starlink de désorbiter ses vieux satellites cinq ans maximum après leur fin de vie, afin de ne pas encombrer l’espace de satellites devenus des débris spatiaux. Pis, elle menace de retirer ses autorisations si la constellation compte plus de 100 satellites inutilisables en l’air.
La FCC semble ainsi avoir enfin pris en considération les plaintes des nombreux opérateurs de satellites, qui critiquaient l’hégémonie de Starlink. A commencer par Amazon, qui veut déployer la constellation Kuiper d’ici à 2026. Mais aussi d’opérateurs traditionnels du satellite comme ViaSat ou de télécommunications.
De passage à Paris la semaine dernière, le vice-président de la division appareils et services d’Amazon, Dave Limp, a confirmé aux « Echos » que le géant de l’e-commerce était prêt à lancer sa propre constellation Kuiper. Les deux premiers prototypes de satellites seront lancés en orbite au premier trimestre 2023 et, si tout se déroule bien, le reste sera déployé à partir de 2024. « Nous prévoyons d’envoyer 3.236 satellites en orbite basse, qui offriront un débit de plus de 100 mégabits par seconde par client, avec une latence très faible », explique-t-il.
Pour Amazon, le compteur tourne : les autorisations obtenues de la FCC lui imposent de déployer au moins la moitié de sa constellation d’ici à la mi-2026. En avril der- nier, Amazon a créé la surprise en annonçant un contrat de lancements hors norme, avec la réservation de 83 tirs sur cinq ans, dont 18 auprès de la fusée Ariane 6 ; 38 sur le futur lanceur Vulcan d’ULA et 27 pour la fusée New Glenn de Blue Origin, la société spatiale détenue personnellement par Jeff Bezos.
Si ces lanceurs, qui promettent tous leurs premiers vols en 2023, venaient à accuser de nouveaux retards, Amazon serait dans une phase délicate. Le groupe a juste assuré 9 vols sur le vieux lanceur américain Atlas V, qui a fait ses preuves, de quoi mettre en orbite quelque 270 satellites.
C’est pourquoi, cherchant à être rassuré sur les retards à l’allumage du lanceur Ariane 6, Dave Limp est venu la semaine dernière en France visiter l’usine des Mureaux et faire le point avec les patrons d’Arianespace et d’ArianeGroup, Stéphane Israël et André-Hubert Roussel. « Je suis confiant dans ArianeGroup et je suis satisfait de ce que j’ai vu », dit-il aux « Echos ». La moitié de la capacité de la future Ariane 6 est réservée par Kuiper.
Au-delà des contraintes de lancement, Dave Limp explique qu’Amazon ne veut pas lier sa constellation à une seule fusée. « Nous voulons que le marché des lancements soit concurrentiel et l’Europe a sa partition à jouer », déclare-t-il. Il précise ne pas avoir sélectionné la fusée Falcon 9 de SpaceX car sa puissance est « insuffisante » et souligne que si Elon Musk parvenait à faire décoller son lanceur géant Starship, Kuiper pourrait en revanche monter à bord.
Pour l’heure, plus de 1.000 salariés travaillent dans son usine de fabrication de satellites et d’antennes à Redmond, près de Seattle, et le groupe embauche encore et investit lourdement. « Le spatial coûte cher, il faut compter au moins 10 milliards pour atteindre le premier client, lancements compris », confirme Dave Limp, sans ciller.
Anne Bauer in Les Echos