dimanche 27 avril 2025
Accueil > A la UNE > Etats-Unis : lutte fratricide en vue chez les républicains après l’accord sur le « shutdown »

Etats-Unis : lutte fratricide en vue chez les républicains après l’accord sur le « shutdown »

Le « shutdown » a finalement été évité aux Etats-Unis. Trois heures seulement avant l’heure butoir, le Congrès a adopté une mesure d’urgence pour continuer à financer temporairement – pendant 45 jours – l’administration fédérale et ainsi éviter le chômage technique pour des fonctionnaires et la suspension de l’aide alimentaire pour certains bénéficiaires. Le président de la Chambre des représentants, le républicain Kevin McCarthy a donc dû trouver un accord avec les démocrates, ce qui lui a valu les foudres de la branche dure de son parti.

Le shutdown finalement évité aux Etats-Unis. Pour y parvenir, le président de la Chambre des représentants, le républicain Kevin McCarthy, a donc dû s’entendre avec les démocrates, de quoi attiser la colère de certains membres de son parti. Car l’accord trouvé par 335 voix contre 91 a été voté par une majorité des élus républicains… mais rejeté par quelques trumpistes. Une manœuvre qui risque bien de coûter son poste de leader à Kevin McCarthy.

L’un des meneurs de la droite dure américaine a affirmé ce dimanche vouloir destituer McCarthy « J’ai bien l’intention de déposer une motion pour destituer le président (Kevin) McCarthy cette semaine », a dit sur CNN l’élu de Floride Matt Gaetz. « Je pense qu’il est temps d’en finir et de passer à autre chose. Il est temps pour nous d’avoir des leaders en qui on a confiance. Vous savez, la seule chose sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est que McCarthy n’est pas digne de confiance. Si à la fin de cette semaine, Kevin McCarthy est encore chef de la majorité, ce sera parce que les démocrates l’auront sauvé ».

« Allez-y », a aussitôt répliqué Kevin McCarthy sur CBS. « Je survivrai » à cette initiative fratricide, a-t-il assuré. Pourtant, la veille du vote, McCarthy avait dit être conscient qu’il risquait son siège. En effet, Kevin McCarthy avait été élu à la tête de la Chambre des représentants au prix de nombreuses tractations avec le « Freedom Caucus » (groupe parlementaire « de la liberté »).

Si cette motion est mise au vote, le sort de Kevin McCarthy reste incertain, car il n’est pas sûr de pouvoir justement compter sur l’aide des démocrates. Lundi, Alexandra Ocasio-Cortez a expliqué que ce n’était pas aux démocrates de « sauver les républicains de leurs problèmes ».

Pour Julien Tourreille, chercheur en résidence à l’Observatoire sur les Etats-Unis de la chaire Raoul Dandurand à l’Université du Québec à Montréal, l’éviction de McCarthy de la présidence de la Chambre des représentants n’est pas encore une évidence : « Encore faudra-t-il que la majorité du Caucus républicain décide de le mettre dehors. Et ce n’est évidemment pas acquis. »

Reste que, quand bien même McCarthy ne perdrait pas son poste, les républicains sont divisés sur cette question du budget en plus de la potentielle motion. Alors même qu’ils sont déjà fragilisés par une faible majorité à la Chambre. « Peut-être que Kevin McCarthy pourrait conserver son rôle de leader de la Chambre, mais ça laisse entrevoir, au sein de ce Parti républicain, un conflit encore plus fort que ce qu’on observe maintenant de depuis que Trump en est la figure tutélaire », prévient Julien Toureille.

Les prochains jours promettent donc de nouveaux épisodes dans la lutte interne qui déchire le parti républicain. Ce qui va probablement ralentir les négociations autour des questions de budget alors que le risque d’un shutdown se posera à nouveau dans 44 jours.

Washington « n’abandonnera pas » l’Ukraine

L’accord trouvé pour éviter in extremis le « shutdown » ne prévoit pas d’aide à l’Ukraine, mais ce texte est seulement provisoire, le temps que les élus trouvent une solution pérenne. Il faudra à nouveau voter dans 45 jours pour éviter le « shutdown ». Les trumpistes réclamaient la fin de l’aide à l’Ukraine, ils l’ont obtenue. L’accord validé par le Sénat hier exclut en effet les 24 milliards promis par Joe Biden au pays en guerre.

Le président américain Joe Biden a promis ce dimanche que Washington n’abandonnerait pas l’Ukraine et exhorté les républicains à cesser « de jouer » avec la menace d’un « shutdown ».

« Je veux le dire à nos alliés, au peuple américain et au peuple d’Ukraine, vous pouvez compter sur notre soutien. Nous n’abandonnerons pas », a déclaré Joe Biden dans une allocution télévisée depuis la Maison Blanche.

Joe Biden assure que les Etats-Unis ne laisseront pas tomber l’Ukraine

 « Nous ne pouvons en aucun cas permettre que l’aide américaine en faveur de l’Ukraine soit interrompue ! Je compte sur le chef de la majorité républicaine pour tenir ses engagements en faveur d’une aide qui permette à l’Ukraine de se défendre contre l’agression russe. Je veux dire à nos alliés, au peuple américain et au peuple ukrainien, vous pouvez compter sur notre soutien, nous n’abandonnerons pas. La grande majorité des deux partis, démocrates et républicains, Sénat et Chambre des représentants, soutiennent l’aide à l’Ukraine contre l’agression brutale que lui inflige la Russie. »

« Il y a un sentiment d’urgence » à approuver une nouvelle mesure de financement pour l’Ukraine dans les jours et semaines qui viennent, a déclaré Joe Biden, fustigeant les républicains qui exigent de fortes réductions dans les dépenses du gouvernement. « Trop, c’est trop. (…) J’en ai assez de la politique de la corde raide », a-t-il fustigé.  « Cette politique (…) doit cesser. Il ne doit pas y avoir d’autre crise », a-t-il ajouté.

Le «Freedom Caucus», le groupe de parlementaires qui sème le chaos chez les républicains

La liste des membres du « Freedom Caucus » (groupe parlementaire « de la liberté ») n’est pas publique, mais il est communément admis qu’il est composé d’une quarantaine d’élus, intégrés sur invitation. Le bloc, composé de lieutenants de Donald Trump, dispose d’un pouvoir disproportionné en raison de la très fine majorité républicaine à la Chambre des représentants. Il suffit donc de quelques élus pour que le programme de la direction des républicains à la Chambre soit contesté. Le groupe avait reçu l’ordre de la part de Trump de pousser au « shutdown » à moins d’obtenir gain de cause sur « tous » les dossiers budgétaires en débat.

Le « Freedom Caucus » trouve ses origines dans le mouvement ultra-conservateur Tea Party, qui avait émergé après l’élection de Barack Obama. Rien que cette année, 19 membres ont manqué de faire échouer l’élection du président de la Chambre, Kevin McCarthy, et une poignée d’entre eux a provoqué une crise de la dette qui a failli mener à un défaut de paiement des États-Unis, première économie mondiale. Kevin McCarthy a été élu au 15ᵉ tour en janvier, lorsque ses ennemis du « Freedom Caucus » ont enfin accepté de le soutenir en échange d’énormes concessions, dont un retour à la possibilité pour les législateurs individuels de convoquer un vote pour destituer le président de la Chambre. Si ses pratiques peuvent parfois paraître déconcertantes, son but est clair : des réductions drastiques dans les dépenses et un État moins interventionniste.

Dernièrement, le groupe est parvenu à investir les plus hauts échelons du parti : l’un de ses membres fondateurs, Jim Jordan, est devenu le chef de la puissante commission des Affaires judiciaires. Jim Jordan a été l’un des instigateurs de l’enquête en destitution lancée contre le président démocrate Joe Biden.

Mais le Freedom Caucus n’est lui-même pas à l’abri des divisions. Ses membres ont ainsi voté pour exclure en juillet une fervente défenseure de Donald Trump, Marjorie Taylor Greene, pour avoir qualifié sa collègue Lauren Boebert de « petite salope ». Malgré tout, Mick Mulvaney estime que la réputation de fauteur de troubles du groupe n’est pas totalement méritée. « Le Freedom Caucus a des règles. Certaines sont tacites, mais la plupart sont écrites », a-t-il récemment écrit dans une tribune.

M. B.