Le chef économiste de la BCE conseille aux Etats de taxer « les hauts revenus ou les industries et les entreprises qui sont très rentables malgré le choc énergétique ».
C’est le moment de taxer les ménages les plus aisés et les superprofits des entreprises. Il ne s’agit pas du slogan d’un groupuscule d’extrême gauche mais c’est, en substance, le message de Philip Lane, le chef économiste de la BCE qui s’exprime ce mardi dans le journal autrichien « Der Standard ». Pour cet économiste irlandais, face à une inflation qui dépasse 9 % sur un an dans la zone euro, « les gouvernements devraient soutenir les revenus et la consommation des ménages et des entreprises qui souffrent le plus ». Mais il faut financer ces dépenses. La solution ? « Une hausse des impôts sur les hauts revenus ou sur les industries et les entreprises qui sont très rentables malgré le choc énergétique », estime l’ancien gouverneur de la Banque centrale d’Irlande. « Si vous soutenez ceux qui sont dans le besoin en augmentant les impôts, cela a moins d’effet sur l’inflation que si vous augmentez les déficits », justifie Philip Lane.
Protéger « les ménages les plus vulnérables »
Le conseil amical de politique économique que Philip Lane prodigue aux Etats membres qui soutiennent le pouvoir d’achat de leurs citoyens pour éviter une crise sociale s’applique parfaitement à la France. D’abord, le gouvernement d’Elisabeth Borne a jusqu’ici refusé de taxer les profits des entreprises qui profitent de la hausse des prix de l’énergie et les revenus des ménages les plus aisés. Ensuite, le pouvoir d’achat de chaque famille du pays, quel que soit son revenu, est soutenu par le bouclier tarifaire. Cela permet de réduire l’inflation au début mais l’alimente à terme en raffermissant la demande. Enfin, Bercy a prévu un déficit public représentant 5 % du PIB l’an prochain, soit autant qu’en 2022. Mais au-delà de cette critique à peine voilée, la BCE craint deux choses, expliquées la veille par Christine Lagarde, la présidente de la BCE. Au cours d’un discours au Parlement européen, la Française avait jugé qu’il était « essentiel » que le soutien budgétaire pour protéger « les ménages les plus vulnérables » de l’impact de l’inflation soit « temporaire et ciblé ». « Cela limite le risque d’alimenter les pressions inflationnistes, ce qui facilite la tâche de la politique monétaire » et « contribue à préserver la soutenabilité de la dette », avait-elle ajouté.
Eviter de nourrir l’inflation
Alors qu’elle s’apprête à relever les taux d’intérêt fortement au cours des prochains mois malgré la possible entrée en récession de la zone euro cet hiver, la BCE ne veut pas que la politique budgétaire aille à contre-sens de sa politique monétaire. Pour elle, il faut éviter que les déficits budgétaires, grossis par le Covid, soutiennent trop la demande, ce qui nourrirait l’inflation. François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, n’a pas dit autre chose mardi à la commission des finances de l’Assemblée. « Les politiques de soutien à la demande » sont « moins adaptées à la crise actuelle », a-t-il insisté. L’autre peur, c’est que les déficits publics s’accumulent et deviennent difficilement gérables. C’est ce que le Royaume-Uni est en train de vivre avec la présentation de la politique économique du gouvernement de Liz Truss en fin de semaine dernière. Le déficit public britannique devrait approcher 8 % du PIB cette année et 7 % l’an prochain en raison du méga plan de soutien face à l’inflation et de baisses d’impôts non financées. La livre a dérapé et les taux sur les emprunts d’Etat ont bondi. C’est un peu un test en grandeur nature de ce que peut faire un Etat ou pas, selon les marchés.
Guillaume de Calignon in Les Echos