À la peine sur le marché français, l’allemand mise sur la nouvelle version de la Corsa, son modèle iconique, pour redorer son blason. Entretien avec son PDG, Florian Huettl.
RINGARDES, les voitures Opel ? Florian Huettl, son PDG, s’emploie à battre en brèche cette idée. Depuis la toute nouvelle concession de la marque, dans le XVIe arrondissement de Paris, il dévoile les ambitions en France du constructeur allemand — qui fait partie du groupe Stellantis —, notamment sur l’électrique.
Certains diront qu’Opel a une image « poussiéreuse », partagez-vous ce constat ?
FLORIAN HUETTL. Je vous accueille ici dans une concession flambant neuve. Derrière moi, vous apercevez la nouvelle Corsa, qui affiche notre dernière version du logo, le Blitz d’Opel, l’éclair, que nous avons rendu plus visible, pour mieux symboliser l’électricité, au cœur de notre travail. De quoi convaincre vos lecteurs qu’Opel n’est pas une marque poussiéreuse mais ambitieuse, tournée vers l’avenir.
Lorsque le grand public pense voitures allemandes, il songe à Audi, BMW, Mercedes, ensuite Volkswagen, mais pas forcément Opel. La marque souffre-t-elle, en France, d’un déficit de notoriété ? Vous avez raison. Opel n’a pas, en France, une position équivalente à celle dont la marque dispose en Allemagne ou au Royaume-Uni, et dans une moindre mesure en Espagne. Dans l’Hexagone, notre part de marché est de 2,5 %. Mais nous y reconstruisons peu à peu notre notoriété, et notre présence, via notre réseau commercial.
Quels sont vos objectifs ? Clairement, nous ne sommes pas satisfaits d’une part de marché à 2,5 % (soit environ 45 000 voitures par an). L’ambition se situe bien au- dessus de cette barre, mais je ne donne pas de chiffre. Opel
est une marque qui investit fortement dans l’électrique, l’une des rares qui arrive à avoir une part de marché supérieure à la part de marché globale de l’électrique aujourd’hui. Nous voulons être sur- performants sur ce sujet.
Quel pourcentage de la gamme est électrique ? En 2024, 100 % de la gamme Opel sera disponible en version full électrique. La Corsa, la Mokka, l’Astra, et tous les autres modèles.
Comment rééditer, en France, le succès de la Corsa ? La nouvelle version, commercialisée il y a un mois, connaît un énorme succès partout en Europe. C’est aujourd’hui la première citadine en Allemagne et au Royaume-Uni. En France, en version 100 % électrique, elle est proposée à par- tir de 36 050 €. La Corsa, qui existe depuis plus de quarante ans, a rendu la mobilité individuelle accessible à plus de 14 millions de clients et dispose d’une cote d’amour exceptionnelle. Nous allons nous servir de cette Corsa 100 % électrique pour reconstruire notre notoriété en France.
Son prix semble élevé, à l’heure où la concurrence, l’ë-C3 de Citroën en tête, positionne ses futurs modèles autour de25000€… Vous avez raison, notre stratégie de plate-forme multi- énergie actuelle, qui nous permet de proposer tous les modèles en version thermique ou électrique, a certaines limites en termes de prix. Mais une prochaine génération de voitures 100 % électrique arrive, appuyée sur une nouvelle chimie de batterie qui permet- tra de faire baisser les tarifs. Nous tendrons vers l’objectif des 25 000 €.
Prenons un client qui hésiterait entre une Peugeot e-208, la future Renault 5 électrique et la Corsa. Pourquoi choisir Opel ? Notre siège est à Rüsselsheim, en Allemagne, depuis bientôt cent vingt-cinq ans. Une Opel a tout l’ADN d’une voiture allemande : un design aux lignes précises, une qualité d’exécution en usine puis en chaîne de montage, des sièges confortables, une tenue de route ferme, même à vitesse élevée. Bref, une voiture unique.
Sortir des années difficiles
Opel a eu son heure de gloire sur les routes hexagonales dans les années 90 et séduit de nombreux automobilistes français. Mais sur le créneau des familiales, la marque souffre de la comparaison avec ses grandes sœurs, Audi, BMW et Mercedes. L’arrivée des constructeurs asiatiques en Europe, Toyota, puis Hyundai-Kia, ont fait fondre les parts de marché acquises par la Corsa. La marque a peu à peu disparu des radars des Français. Pire, elle s’est retrouvée en difficulté pendant de nombreuses années. Opel, propriété de l’américain General Motors, est racheté par PSA en 2017. Le plan de redressement, sanglant, n’épargne pas les effectifs des usines. Mais la marque parvient à stabiliser l’hémorragie de ses ventes. « Aujourd’hui, les immatriculations mondiales d’Opel sont en hausse de 15 %, explique un de ses représentants. Nous sommes en bien meilleure position qu’il y a quelques années. » Après cinq générations de Corsa sur plate-forme General Motors, la sixième génération de la voiture, lancée en 2019, est la première Opel construite sur une base Peugeot. Elle séduit, mais les grandes heures du modèle iconique en France semblent dans le rétro… Au sein de la galaxie Stellantis dorénavant, la cohabitation avec Peugeot fait des étincelles. « La priorité a été donnée à Peugeot en matière d’allocation des composants durant la crise des semi-conducteurs, soutient un salarié de la maison allemande. Opel est passé derrière, car les marges y étaient moins fortes… » Démenti du PDG, Florian Huettl : « Opel est l’une des 14 marques de Stellantis, toutes égales en matière d’attribution des ressources. » L’articulation avec Peugeot est pourtant stratégique, car Opel fait des parts de marché là où Peugeot en manque, en Allemagne et au Royaume-Uni.
M. P. in Aujour’hui en France