Le Journal du dimanche n’était pas en kiosque dimanche 25 juin en raison d’une grève de ses salariés pour protester contre l’arrivée à la direction de l’hebdomadaire du journaliste proche de l’extrême droite, Geoffroy Lejeune.
Le Journal du dimanche était absent des kiosques dimanche matin, car ses journalistes sont en grève. Le mouvement a été reconduit jusqu’à mercredi a annoncé la rédaction de l’hebdomadaire. En cause, l’arrivée du journaliste Geoffroy Lejeune, licencié de l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles, comme directeur de la rédaction. Pour les journalistes du JDD, il s’agit d’une « ligne rouge » et ils craignent que la ligne éditoriale ne bascule à l’extrême droite.
Journaliste trentenaire à l’ascension fulgurante, Geoffroy Lejeune se voit volontiers en mousquetaire ferraillant contre le progressisme et « pour la France ». À la tête de Valeurs actuelles depuis 2016 (il n’avait que 27 ans), Lejeune en a fait un soutien du candidat d’extrême droite Eric Zemmour à la présidentielle de 2022, sept ans après lui avoir consacré un livre dans lequel il le voyait élu. Chevelure blonde indisciplinée, petite barbiche, visage poupin et allure d’éternel étudiant, le journaliste est aussi ami avec une autre figure d’extrême droite : Marion Maréchal, petite-fille de Jean-Marie Le Pen, qu’il connaît depuis l’adolescence. La ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak a par ailleurs fait part de sa vive inquiétude pour les « valeurs républicaines » sur les réseaux sociaux, avec l’arrivée de Geoffroy Lejeune au JDD.
« Mon rituel du dimanche, c’était de me réveiller avec le JDD. Aujourd’hui il ne paraît pas. Je comprends les inquiétudes de sa rédaction. En droit, le JDD peut devenir ce qu’il veut, tant qu’il respecte la loi. Mais pour nos valeurs républicaines comment ne pas s’alarmer ? »
Une inquiétude partagée par notamment, Olivier Faure, le premier secrétaire du parti socialiste.
« Je suis très inquiet pour le pluralisme. »
Grève quasi unanime
« L’aventure n’est pas terminée, nous nous retrouverons bientôt ailleurs », écrivait-il sur Twitter lundi, après son licenciement de l’hebdo d’extrême droite Valeurs actuelles. Trois jours plus tard, la révélation par Le Monde de sa possible arrivée au Journal du dimanche (JDD) y a déclenché une grève quasi unanime, reconduite vendredi, quelques heures avant l’officialisation de sa nomination.
Dimanche, une trentaine de sociétés des journalistes de médias français, dont RFI, Radio France, France Télévisions, Le Figaro, Le Monde, Le Parisien, Libération, ou encore Paris Match, ont apporté leur soutien aux journalistes grévistes du JDD, dans une tribune publiée sur Mediapart. Ils dénoncent un « passage en force » pour imposer cette décision de nommer Geoffroy Lejeune.
La « méthode Bolloré »
Ce qui y est dénoncé, c’est la « méthode Bolloré », bien connue des médias puisque Vincent Bolloré a construit son empire médiatique au prix de nombreuses grèves et de départs en masse des journalistes de son groupe. À Paris Match par exemple, le licenciement l’an dernier du rédacteur en chef politique et économie a fait grand bruit. Ce dernier avait, selon la rédaction du magazine, « critiqué » à plusieurs reprises « l’ingérence » de la direction dans les choix éditoriaux. Une motion de censure a été votée et quelque 25 journalistes ont quitté la rédaction depuis.
Autre fait d’armes du milliardaire, le rapprochement en 2021 de la radio Europe 1 et de la chaîne CNews. Inquiets d’un changement de ligne éditoriale très axée à droite, les salariés d’Europe 1 avaient alors entamé une grève et des dizaines de journalistes ont quitté Europe 1 au fil des semaines, contraints ou de leur plein gré.
L’histoire semble se répéter au JDD, avec cette grève reconductible ; de son côté, Bolloré, dont le groupe Vivendi vient d’absorber Lagardère, propriétaire du Journal du dimanche, s’est toujours défendu d’utiliser les médias qu’il contrôle pour promouvoir ses opinions.
M. B.