Ariane Lavrilleux était convoquée ce vendredi 17 janvier devant la justice. Elle craignait une mise en examen pour avoir révélé la complicité de l’armée française dans des tueries de masse perpétrées par l’armée égyptienne. Placée finalement sous le statut de témoin assisté à l’issue de trois heures d’interrogatoire, elle a évoqué un « immense soulagement » devant le tribunal de Paris.
La journaliste d’investigation Ariane Lavrilleux devrait échapper à un procès. Après trois heures d’interrogatoire, elle a expliqué qu’elle avait été placée sous le statut de témoin assisté en raison « de l’intérêt public de l’enquête publiée par Disclose et Complément d’enquête (France 2) et de l’absence d’indices graves ou concordants contre moi ».
« La justice a montré qu’elle était indépendante, qu’elle n’était pas le bras armé du ministère de la Défense », a-t-elle ajouté. « Mais ce n’est pas la fin de la bataille », a prévenu Ariane Lavrilleux, qui estime que la législation française doit changer, car elle « permet de poursuivre les journalistes et de les perquisitionner ».
« La bataille, maintenant qu’il faut mener, c’est réformer la loi qui m’a conduit aujourd’hui à être interrogée pendant 3 h par une juge d’instruction spécialisée sur l’antiterrorisme, à être espionnée durant des mois par la DGSI. Cette situation est déjà arrivée à d’autres journalistes. Elle va se reproduire si jamais on ne modifie pas cette loi de 2010 qui a été portée par Rachida Dati qui aujourd’hui est ministre de la Culture et qui souhaite la réformer. Donc toutes les planètes sont alignées pour réformer cette loi et faire en sorte qu’elle respecte les canons de la démocratie et respecte un minimum la liberté de la presse. »
La loi en vigueur concernant la protection des sources est la loi Dati, datée du 4 janvier 2010. Adoptée pour renforcer la liberté de la presse et garantir que les journalistes puissent exercer leur mission d’information sans craindre de devoir révéler leurs sources, elle est jugée « insuffisamment » protectrice et est désormais « contournée » ont plaidé une centaine d’organisations dont l’ONG Reporters sans frontières (RSF), les syndicats SNJ et CFDT, l’association du Prix Albert Londres et plusieurs médias dont StreetPress et Médiacités dans une lettre au gouvernement français, appelant à un rassemblement vendredi 17 janvier devant le Tribunal judiciaire de Paris.
Le secret des sources contre le secret défense
Thibaut Bruttin, directeur général de RSF, a évoqué devant le tribunal les failles du système actuel, un « consensus pour une réforme ambitieuse » avec un « renforcement du rôle du juge », « la nullité des procédures » et « une sanction pour le recours abusif à la notion d’impératif prépondérant et d’atteinte au secret des sources ».
Ancienne correspondante en Égypte, Ariane Lavrilleux avait publié une enquête dans le média en ligne Disclose sur une coopération militaire secrète de la France en Égypte, baptisée « Sirli ». Cette opération visait principalement à surveiller le désert occidental égyptien pour détecter des menaces terroristes, notamment celles provenant de Libye. Cette mission de renseignements se serait rendue complice de l’exécution de centaines de civils égyptiens.
La journaliste avait été placée en garde à vue en septembre 2023 pendant 39 heures, son domicile avait été perquisitionné et les données de son ordinateur et de son téléphone récupérées.
M. B.