À Gaza, c’est enfermés au sein de leur église que les chrétiens célèbrent Noël. Ils y ont trouvé refuge au début de la guerre avec Israël. Depuis, ces Palestiniens ne peuvent en sortir. Et même dans l’enceinte de leur lieu de culte, leur sécurité n’est pas assurée. Pour les centaines de déplacés à l’intérieur, les conditions de vie sont de plus en plus difficiles. Et cela menace directement leur santé.
Dans l’église de la Sainte-Famille, une petite crèche – très sobre – a été installée au pied de l’autel. Cette nuit, une messe de minuit a été célébrée pour marquer la naissance du Messie des chrétiens, mais aussi pour prier pour la paix. Car la communauté vit dans une peur permanente. Une peur renforcée par ce que l’Église catholique a qualifié de « meurtre » de deux paroissiennes dans l’enceinte de l’église le 16 décembre par un soldat israélien.
Khalil Sayegh est un chrétien originaire de Gaza. Lui se trouve actuellement aux États-Unis, mais certains de ses proches vivent dans l’enceinte de l’église : « Ils sont évidemment terrifiés. Particulièrement quand ils ont vu les tireurs d’élite tuer les gens autour d’eux. La plus âgée des dames se rendait aux toilettes et elle a été tuée en chemin. Donc, les gens, pendant un temps, tant que les snipers étaient présents autour de l’enceinte de l’église, n’osaient même pas aller aux toilettes. »
Des personnes réfugiées qui n’ont pas d’accès aux soins
Blessé ou malade, aucun des déplacés au sein de l’église ne peut avoir de traitement médical. Et faute de soin, le père de Khalil Sayegh est décédé cette semaine. « Les médecins pensent que vers la fin, il a eu une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral, ou quelque chose comme ça, explique Khalil Saygh. Puis, il est décédé. S’il n’avait pas été négligé médicalement, sa mort aurait été totalement évitable. »
Alors pour cette communauté, la religion est le dernier refuge, juge-t-il : « Il semble que les gens se tournent vers Dieu, car ils perdent espoir en l’humanité et en la communauté internationale. Les chrétiens de Gaza ont l’impression que le monde entier les a abandonnés, les a laissés tomber. Ils se tournent donc vers Dieu pour lui adresser leurs prières et leurs pleurs. »
Noël est censé être une fête, mais cette année, Khalil Sayegh a du mal à trouver des raisons de se réjouir.
Il est vraiment difficile de réfléchir à cette question. Je me demande s’il y a des raisons de se réjouir ? Y a-t-il une raison d’espérer ? Quand on voit que le monde a toléré au 21ᵉ siècle un tel crime, un tel niveau d’atrocités, il est difficile d’avoir de l’espoir. Mais ce qui nous donne de l’espoir, c’est le sentiment que Dieu est avec nous. L’histoire de Noël, c’est Dieu incarné sous la forme d’un homme qui vient sur cette terre. Le message est que Dieu ressent la douleur des gens qui vivent sur cette Terre, qu’ils soient Palestiniens, Israéliens ou n’importe où dans le monde. Dieu ressent la douleur de l’humanité lorsqu’elle est opprimée et se tient réellement aux côtés de ceux qui souffrent.
Un accès très mince à la nourriture et à l’eau potable
L’église se trouve dans la partie nord de l’enclave palestinienne et donc là où l’aide humanitaire y est difficilement acheminée. Une aide toujours insuffisante. Malgré le vote d’une résolution des Nations unies appelant à une livraison « à grande échelle » de l’aide humanitaire, le nombre de camions entrant dans ce territoire assiégé par Israël n’a pour l’instant pas changé.
« Il y a un problème de nourriture. Il y a très peu d’eau potable. Il n’y a pas non plus d’eau pour se laver ou se doucher, ce qui est également un problème susceptible de provoquer toutes sortes de maladies. Il y a des personnes qui ont été blessées par l’armée israélienne et qui sont toujours dans l’église. L’armée encerclait l’église. Elle aurait pu fournir des soins médicaux. Elle ne l’a pas fait. Elle ne les a pas évacués. La Croix-Rouge ne les a pas évacués et ils saignent toujours dans l’église, à tel point que l’on peut dire qu’ils les tuent progressivement. »
Ce dimanche, les fidèles ont prié pour la paix, car depuis le 7 octobre, ils vivent dans la peur. Comme l’ensemble des Gazaouis, ils se sentent constamment en danger.
M. B.