vendredi 22 novembre 2024
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Inflation : la Banque d’Angleterre relève son taux directeur à un niveau inédit depuis 1989

La Banque d’Angleterre emboîte le pas à la Réserve fédérale et à la Banque centrale européenne, et relève son principal taux directeur de 0,75 point, à 3%. Une mesure censée juguler l’inflation qui pourrait atteindre en octobre 10,9%. 

Le taux directeur est désormais porté à 3%. Il devrait ensuite continuer de monter, mais moins que ce à quoi s’attendent les marchés, prévient la Banque d’Angleterre, car cela pèse déjà sur l’économie. L’Institution navigue à vue, estiment en effet de nombreux spécialistes. Selon eux, les changements de cap du gouvernement britannique alimentent l’incertitude qui plane sur l’économie du pays.

« Toutes les banques centrales sont dans le brouillard en quelque sorte et agissent au jour le jour. »

 Dès fin septembre, la Banque d’Angleterre avait prévu l’effet désastreux des annonces budgétaires de l’ancienne Première ministre Liz Truss. Coûteuses et mal chiffrées, ces annonces ont fait s’envoler le taux de la dette britannique. La banque a alors procédé à un rachat des obligations à long terme, calmant partiellement les marchés.

Le gouvernement de Rishi Sunak cherche à mettre en place une rigueur budgétaire pour faire baisser l’inflation. Il est encore trop tôt pour savoir si cette stratégie marchera. Ce qui est sûr en revanche, c’est que l’économie britannique est entrée en récession. Et celle-ci, estime la Banque d’Angleterre, pourrait durer jusqu’à mi-2024.

« Si le coût du crédit augmente, il est clair que les marges des entreprises vont baisser et que certaines petites entreprises pourraient devoir s’arrêter pendant un certain temps et ne plus pouvoir fonctionner et donc vous avez à ce moment-là un processus récessif qui se débloque », détaille Michel Aglietta, professeur émérite des sciences économiques, spécialiste de la politique monétaire au sein du Centre d’études prospectives et d’informations internationales.

Le marché de l’immobilier durement touché

Cette nouvelle hausse est en tout cas très inquiétante pour toutes les personnes sur le marché de l’immobilier, rapporte notre correspondante à Londres. Propriétaire d’un appartement depuis 2018, Sabrina a choisi un crédit à taux fixe pendant cinq ans. Celui-ci expire l’année prochaine et la Londonienne craint une explosion des remboursements. « On s’attend à passer de 1800 euros par mois à 3 000. Avec la hausse des prix de tout, nourriture, énergie… Cela va vraiment être difficile et c’est inquiétant », explique-t-elle.

Dans l’immobilier depuis 20 ans, Matt Turner recherche et négocie des propriétés pour des clients. Il remarque un marché tendu depuis plusieurs mois déjà. Les premiers concernés par la hausse des taux sont les primo-accédants et les locataires. « Ça va rendre l’achat beaucoup plus compliqué, en particulier pour les primo-accédants qui dépendent beaucoup plus des crédits. Or, quand les marchés sont moins stables, plus de gens se tournent vers la location, et il y a peu de biens disponibles. On voit déjà des locataires se battre aux enchères, cela ne va faire qu’empirer », analyse-t-il.

Le courtier s’attend à voir de plus en plus de personnes forcées de revendre leur maison. « Si vous avez acheté un bien il y a deux ans, quand les taux étaient très bas, et que votre crédit arrive à expiration, vos échéances vont tripler. Beaucoup de gens ne vont pas pouvoir se le permettre, et devront remettre leur propriété sur le marché », affirme Matt Turner. Le prix des propriétés devrait commencer à chuter en 2023, jusqu’à 10%.

M. B.