Recep Tayyip Erdogan se rend en Grèce, ce jeudi 7 décembre. À Athènes, le président turc, réélu en mai dernier, doit notamment s’entretenir dans la matinée avec le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, lui-même réélu en juin. Cette visite très symbolique illustre le récent climat de réchauffement diplomatique entre les deux pays, dont l’histoire commune est jalonnée de dissensions.
Loin de certains discours belliqueux encore tenus en 2022, le président Erdogan affirme à présent vouloir écrire une « nouvelle page » dans les relations bilatérales entre la Turquie et la Grèce.
Malgré la proximité géographique entre les deux pays frontaliers, c’est seulement la seconde fois, depuis qu’il est passé de Premier ministre à président de son pays en 2014, que Recep Tayyip Erdogan se rend officiellement chez le voisin. La dernière fois, c’était il y a six ans.
La rareté de ses visites en Grèce traduit les difficultés de cohabitation récurrentes entre Ankara et Athènes. Des difficultés vieilles d’environ 200 ans, depuis l’indépendance de la Grèce moderne, arrachée à l’Empire ottoman dont la République de Turquie est l’héritière.
Différends frontaliers, questions migratoires, exploration gazière en Méditerranée orientale, militarisation des îles grecques… À l’heure actuelle, les sujets de discorde continuent de ne pas manquer entre les deux pays, qui semblaient presque, en 2020, au bord de l’affrontement.
L’an dernier, le chef de l’État turc menaçait encore les Grecs d’envahir une de leurs îles à l’improviste. Il avait même juré qu’il ne rencontrerait plus jamais le chef du gouvernement grec, Kyriakos Mitsotakis. Mais depuis février 2023, le ton s’est adouci, lorsque Athènes a apporté son aide à Ankara, après le séisme meurtrier.
Depuis, le dialogue a repris au sommet de l’État, ce qui se concrétise donc aujourd’hui par cette visite présidentielle et la tenue parallèle d’un « conseil de coopération » entre ministres grecs et turcs. Car Recep Tayyip Erdogan se déplace accompagné de nombreux ministres.
C’est la première fois que ce conseil de coopération se réunit depuis 2016, qui précise que du point de vue turc, l’objectif consiste à trouver un terrain d’entente avec le voisin dans un contexte géopolitique troublé.
La crise économique, et bien sûr la guerre en Ukraine, ont poussé la Turquie à calmer les tensions avec son voisinage, et notamment en Méditerranée orientale, où Ankara et Athènes se disputent depuis longtemps leurs frontières maritimes et aériennes.
La logique de cet apaisement est de restaurer la confiance en avançant pas à pas, et donc, d’abord sur les sujets les moins contentieux. Lors du sommet d’Athènes, où la Turquie espère signer une « déclaration de bon voisinage », il sera question de commerce, de tourisme, de migrations, d’énergie ou de transports.
Les deux pays ne sont pas pressés d’aborder les dossiers qui fâchent, comme celui des frontières ou du statut de Chypre. La Turquie tient beaucoup à cette approche bilatérale, elle qui accuse des pays tiers – notamment les États-Unis – d’attiser les tensions avec le voisin grec pour servir leurs propres intérêts.
Ouvrir un nouveau chapitre sur la base du « gagnant-gagnant », c’est ainsi que Recep Tayyip Erdogan décrit son nouvel état d’esprit vis-à-vis de la Grèce et de son chef de gouvernement. Notons que tous deux ayant été réélus au printemps, ils ne sont plus autant sous pression de leur électorat nationaliste respectif.
M. B.