La romancière marseillaise Emmanuelle Bayamack-Tam, 56 ans, a remporté ce mardi 8 novembre le prix Médicis. Son roman « La Treizième heure » (POL) raconte l’histoire d’une adolescente, Farah, fille du fondateur de l’Église de la Treizième heure, une communauté aussi féministe que queer et animaliste. Le prix Médicis roman étranger a été attribué à l’écrivain ukrainien Andreï Kourkov pour « Les abeilles grises » (éditions Liana Levi), le prix Médicis de l’essai au philosophe Georges Didi-Uberman pour « Le témoin jusqu’au bout » (Minuit).
La Treizième heure est une plongée dans une communauté millénariste très particulière. Élevée seule par son père, fondateur de l’Église de la Treizième heure, Farah est entourée de femmes et d’hommes particulièrement fragiles et effrayés par un monde qui va mal. Une communauté de susceptibles et vulnérables cherchant à combattre l’apocalypse en récitant Rimbaud, en célébrant des messes poétiques et en s’infligeant des traitements de déparasitage psychique.
Née en 1966 à Marseille sous le nom d’Emmanuelle Garino, Emmanuelle Bayamack-Tam vit aujourd’hui à Villejuif, en région parisienne. La lauréate est agrégée en lettres modernes et s’est engagée, jusqu’à 2017, en tant qu’éditrice aux éditions Contre-Pieds. La Treizième heure est son douzième roman et sa deuxième grande récompense littéraire, après le prix du Livre Inter en 2018 pour son roman Arcadie. Férue de théâtre, autrice de romans noirs sous le pseudonyme de Rebecca Lighieri, elle a choisi aussi un « pseudonyme » en tant que romancière littéraire, derrière Bayamack-Tam se cache le patronyme de son premier mari et père de ses deux filles.
Les ambitions du prix Médicis
« Je suis ravie, a réagi la lauréate après l’annonce du prix. J’ai l’impression de m’inscrire dans une lignée », citant d’anciens lauréats comme Georges Perec, Mathieu Lindon ou Marie Darrieussecq. Fondé en 1958, le prix Médicis ambitionne de couronner un roman, un récit et un recueil de nouvelles d’un auteur plutôt débutant ou pas encore reconnu à son juste titre. Considéré comme le prix le plus littéraire parmi les grands prix de l’automne, le Médicis se donne ainsi un créneau très large qui permet à la fois de distinguer en 2021 une Christine Angot déjà multiprimée, sans avoir remportée le prix Goncourt ou le prix Renaudot, ou, en 2020, une Chloé Delaume, vingt ans après avoir reçu le prix Décembre.
Cette année, le choix du jury s’est visiblement concentré sur les autrices. Pour la sélection finale, il avait gardé les livres de sept femmes et d’un seul homme, L’homme qui danse, de Victor Jestin. Une méthode qui tranche avec le fait que parmi les dix membres du jury figurent seulement trois femmes, dont Marie-Darrieussecq, elle-même lauréate du prix en 2013, et sept hommes, dont Andreï Makine, prix Goncourt en 1995.
S. F.