dimanche 2 février 2025
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Les derniers militaires français ont quitté le Tchad

L’état-major de l’armée tchadienne a annoncé ce jeudi 30 janvier au matin la rétrocession de la base d’Adji Kosseï à Ndjamena. Les 180 derniers militaires ont quitté le sol tchadien dans la journée.

Une cérémonie en petit comité, entre militaires français et tchadiens, s’est déroulée loin des caméras ce jeudi matin au sein de la base d’Adji Kosseï de Ndjamena. Le général Daoud, chef d’état-major général des armées, et le général Pascal Ianni, à la tête du commandement pour l’Afrique de l’armée française, ont pris la parole, avant que le drapeau français ne soit baissé et la clé de la base rendue. Les procès-verbaux de transfert ont ensuite été signés par les deux généraux.

Cette rétrocession « vient boucler définitivement la présence des Forces françaises au Tchad » et cela « conformément à la volonté des hautes autorités » tchadiennes, a précisé le directeur de communication de l’armée dans ce communiqué publié ce matin. C’est la dernière – et la plus grande – des trois bases militaires françaises qui a été rendue hier aux Tchadiens. Les deux autres, celles de Faya-Largeau et d’Abéché, ont été rendues respectivement les 26 décembre et 11 janvier après un coup d’envoi donné par le départ des avions de combats Mirage 2000 début décembre. Tout avait commencé quelques jours auparavant, le 28 novembre, lorsqu’à la surprise générale, le ministre tchadien des Affaires étrangères avait publié une déclaration rompant l’accord de défense avec Paris signé en 1976.

La fin d’un modèle « ancien »

De source militaire française, les deux armées se quittent bonnes amies, après un désengagement rapide souhaité de part et d’autre et « de nombreuses années passées à combattre côte à côte ». Les Français attendent désormais de savoir ce que souhaiteront les autorités tchadiennes. D’autres formes de coopération sont possibles, précise cette même source militaire, comme de la formation, de l’entraînement, grâce à des missions ponctuelles. Ce qui n’exclut pas, en cas de demande formelle des autorités tchadiennes, un appui au combat, notamment lors d’opérations conjointes.

Toujours côté français, on affirme cependant que ce départ du Tchad marque la fin d’un modèle « ancien », celui d’une présence militaire permanente sur le continent.

« Nous sommes amis, mais le départ de l’armée française du Tchad, c’est une bonne chose : c’est l’indépendance. »

Reste à savoir la nature du nouveau partenariat que les autorités tchadiennes souhaiteront instaurer. Le président Mahamat Idris Déby avait fait savoir qu’il souhaitait réorienter la coopération avec la France vers des domaines qui correspondent aux intérêts du peuple tchadien. Le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno prendra la parole ce vendredi depuis la base d’Adji Kossei lors d’une cérémonie officielle.

La fin de 125 ans de présence militaire française au Tchad

Le départ des derniers soldats français du Tchad avec la rétrocession de la base d’Adji Kosseï marque la fin de 125 années de présence militaire tricolore dans une ville dont l’histoire est intimement liée à celle de l’armée française, de la Deuxième Guerre mondiale au soutien au régime d’idriss Déby Itno en passant par les guerres contre la Libye. Camp militaire fondé en 1900, Fort-Lamy est sous administration directe des troupes françaises jusqu’en 1938. La base aérienne y est officiellement créée l’année suivante. Le gouverneur Félix Éboué fait ensuite du Tchad le premier territoire à rallier le général De Gaulle en 1940 avant qu’en 1941, le général Leclerc et les troupes coloniales partent prendre Kouffra, en Libye, et remporter ainsi la première victoire de la France libre.

Après l’indépendance, l’armée française reste très présente sur ce site stratégique. Limousin, Bison, Tacaud, Manta, Épervier : les opérations s’y enchaînent durant un demi-siècle, d’abord en soutien au président Tombalbaye contre les rebellions nordistes. Après l’avoir renversé, Félix Malloum demande le départ des soldats français du pays en 1975 mais les rappelle dès l’année suivante pour contrer les rebelles et les revendications territoriales libyennes.

Au plus fort de la guerre contre les troupes de Mouammar Kadhafi, en 1983, Paris déploie jusqu’à 3 500 hommes aux côtés d’Hissène Habré. Puis vient Idriss Déby Itno que la France aidera plusieurs fois, notamment en 2008, lorsqu’une rébellion atteint Ndjamena. La « BA 172 » est renommée Sergent-chef Adji Kosseï. Ndjamena devient le quartier général de l’opération anti-terroriste Barkhane tandis que la France conserve deux autres aérodromes, à Faya-Largeau et Abéché.

À la fin du mois de novembre, lorsque le président Mahamat Idriss Déby annonce la fin de l’accord de défense avec Paris, il reste encore un millier de soldats français dans le pays. Au total, 158 militaires français sont morts au Tchad entre 1968 et 2011, dont 93 au combat.

M. B.