dimanche 22 décembre 2024
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Mohia : l’adaptation théâtrale pour s’ouvrir sur le monde

L’adaptation théâtrale a été pour le dramaturge algérien d’expression amazighe Mohia (1950-2004) un moyen pour s’ouvrir sur le monde et sur des idées nouvelles, a indiqué mercredi, l’enseignant universitaire au département de langue et culture Amazighes de l’université de Tizi-Ouzou, Dr Saïd Chemakh.

« L’adaptation et la traduction de différents genres littéraires en Tamazight dans le variant Kabyle, était pour Abdellah Mohand-Ouyahia, connu sous le nom de Mohia, un moyen d’ouvrir la société sur l’universel », a souligné l’universitaire, à l’occasion de l’anniversaire de la disparition du dramaturge (7 décembre 2004).

Dr Chemakh a relevé que Mohia, qu’il avait personnellement connu, pensait que « tout ce qui a été écrit par les autres peut être interprété en tamazight. Il jugeait nécessaire de procéder à un renouvellement des idées au sein de la société ».

« Son plus grand souci était de traduire le maximum d’œuvres (pièces théâtrales, poèmes, essais) pour transmettre les idées et les expériences vécues par des peuples à travers le monde, à sa société », a-t-il dit.

C’est dans cette démarche que le dramaturge avait adapté, en Tamazight, des œuvres littéraires produites par des Allemands, des Français, des Russes, des Chinois et des Anglais, entre autres, a-t-il ajouté, relevant que l’une de ses premières adaptations était « Morts sans sépulture » de Jean Paul Sartre.

Des œuvres exceptionnelles avec des adaptations contextualisées

Mohia, a relevé Said Chemakh, pensait que « les expériences humaines sont les mêmes et méritent d’être partagées et connues par sa société. L’adaptation théâtrale lui a permis de le faire et avec un génie tel que l’on penserait qu’il avait fait dans la création plutôt que dans l’adaptation ».

Ce « génie » vient du fait que Mohia n’avait pas négligé un aspect important dans toute entreprise d’adaptation, et qui est la contextualisation, a-t-il observé.

« En plus de l’utilisation d’une langue très imagée, avec recours aux proverbes, dictons et autres outils esthétiques de la langue, comme celle parlée par nos grands parents, Mohia avait fait le choix d’utiliser une langue accessible à tous ou une langue du peuple », a-t-il souligné.

Il cita l’exemple de la pièce « Si Nistri », adaptée à partir de « La Farce de Maître Pathelin », d’un auteur anonyme du XVIIe siècle. Pour les besoins de l’adaptation de cette œuvre, il a dû créer un personnage, « Si Tadire », qui n’existe pas dans « la Farce de Maître Pathelin », réussissant ainsi à produire une œuvre qu’on penserait inspirée du vécu réel de la société kabyle, a-t-il observé.

Aussi, Mohia demeure non seulement un « symbole » et une « référence » du théâtre d’expression amazighe, mais « il a surtout jeté les bases de l’adaptation théâtrale en produisant pas moins de 22 œuvres exceptionnelles », estime Said Chemakh.

Outre l’adaptation, Mohia a aussi écrit ses propres pièces dont « Thattanouts n’Ganouche lakoudh wayethmas » dont il avait remis le manuscrit, en 1988, à la troupe théâtrale estudiantine de Oued Aissi, « Maghres » dont Said Chemakh faisait partie, a-t-on appris de cet universitaire. Une œuvre qui n’a jamais été montée, tout comme d’autres pièces écrites par Mohia, a indiqué l’universitaire.

De l’avis de nombreux universitaires, Abdellah Mohia a été, dans son œuvre, à la fois adaptateur, créateur et innovateur. Pour ramener vers le Kabyle les œuvres des autres cultures, il a utilisé plusieurs procédés, recourant aux locutions, proverbes, anecdotes, paraboles ou fables en kabyle, pour adapter l’idée.

Abdellah Mohand Ouyahia est né le 1er novembre 1950 à Azazga (Tizi-Ouzou). Parmi ses œuvres, « Si Pertuff », adaptation de la pièce « Tartuffe » de Molière, Muhend Ucaban, adaptation de « Le ressuscité » de Lu Sin, « Am win Yettrajun Rebbi », adaptée de la pièce de Samuel Bekett « En attendant Godot », et « la jarre » de Luigui Pirandello. Il a été, également, l’auteur de poèmes interprétés par plusieurs chanteurs.

M. B.