L’accord sur le tracé de la frontière maritime conclu mardi 11 octobre entre le Liban et Israël pourrait assurer une stabilité en Méditerranée orientale et offrir des perspectives encourageantes pour le pays du cèdre. Le président Joe Biden est entré en contact téléphonique avec les dirigeants des deux pays pour les féliciter.
Après douze ans de négociations ardues marquées ces trois derniers mois par des menaces de guerre lancées de part et d’autre, le Liban et Israël sont parvenus, mardi 11 octobre, à un accord qualifié d’« historique » par les dirigeants des deux pays. Il ne s’agit pas d’un accord de paix ou d’une normalisation des relations, ni dans la forme ni dans le fond.
Sur le plan de la forme, les représentants des deux pays signeront, à la demande de Beyrouth, deux copies de l’accord dans deux salles séparées dans la localité de Naqoura, à l’extrême sud du Liban, en présence d’un envoyé des États-Unis, qui ont mené la médiation, et d’un responsable onusien. La date de la signature n’a pas encore été fixée, mais celle-ci doit impérativement se tenir avant le 31 octobre, dernier jour du mandat de Michel Aoun, car la Constitution libanaise stipule que le président de la République (ou son représentant) est le seul habilité à signer des accords internationaux. Or, il est probable qu’au-delà de cette date, le Liban se retrouve sans président en raison de l’impossibilité d’élire un successeur faute d’accord sur un candidat de consensus entre les différents blocs parlementaires. Les documents signés seront ensuite envoyés aux Nations unies.
Hassan Nasrallah soutient l’accord
Concernant le fond, le document n’est pas un traité de paix, mais un accord sur la délimitation du tracé de la frontière maritime qui règle les litiges autour des zones disputées et permet aux deux pays de procéder au forage d’exploration des ressources gazières pour le Liban, et à l’extraction du gaz du champ de Karish pour Israël.
Le secrétaire général du Hezbollah avait menacé en juin dernier d’empêcher Israël de commencer l’extraction, prévue à l’origine en septembre, tant que le Liban ne sera pas autorisé à exploiter ses ressources offshores en hydrocarbures. Il avait mis en garde que son parti prendrait pour cible les infrastructures gazières israéliennes. Et pour montrer son sérieux, il avait ordonné le lancement de trois drones de reconnaissance vers la plateforme flottante Karish. Les appareils ont été abattus par la DCA israélienne.
Tout en appelant à la « prudence » en attendant la signature, Hassan Nasrallah a donné, mardi soir, sa bénédiction à l’accord. « Nous nous tenons derrière l’État, a-t-il dit dans un discours télévisé. Si les dirigeants estiment que l’accord donne au Liban ses droits et préserve ses richesses, alors nous les soutiendrons ».
L’accord négocié par l’entremise de l’envoyé spécial et coordinateur des affaires énergétiques internationales au département d’État américain, Amos Hochstein, donne au Liban bien plus que ce qui lui était proposé ces douze dernières années.
Le tracé frontalier convenu mardi entre les deux pays suit la ligne 23, située au sud de la ligne Hoff, du nom du diplomate américain Frederick Hoff chargé du dossier des négociations indirectes, il y a quelques années. Ce dernier avait proposé en 2012 un tracé qui accordait à Israël 45% d’une zone de 860 kilomètres carrés, revendiquée par le Liban, comprenant le bloc 10, dont les réserves gazières seraient prometteuses.
Le Liban obtient la totalité du champ de Qana
Le Liban obtient donc la totalité de la zone disputée et plus encore. Il exerce sa souveraineté sur l’ensemble du champ de Qana (bloc 10) dont une partie se situe au sud de la ligne 23, c’est-à-dire à l’intérieur de la zone d’exclusivité économique d’Israël.
En contrepartie de cette concession, l’État hébreu recevra une compensation financière. Mais comme les deux pays n’entretiennent pas de relations diplomatiques et vu que le Liban refuse toute normalisation avec Israël, cette indemnisation sera prélevée sur les profits réalisés par la compagnie chargée de l’exploitation du champ de Qana, en l’occurrence TotalEnergies.
Dans ce contexte, le Liban avait exigé des modifications à la mouture de l’accord présentée la semaine dernière par Amos Hochstein, pour préciser que l’exploration et le forage doivent commencer immédiatement après la signature du document et non pas attendre l’accord entre Israël et TotalEnergies sur le montant et les modalités de paiement des compensations financières par le groupe français.
Le gaz, une extraction dans trois ans
Le Liban a également réussi à remplacer dans le texte une phrase qui indiquait que les compagnies qui procéderaient au forage ne doivent pas être soumises à des sanctions américaines par « ne doivent pas être frappées par des sanctions internationales ».
Beyrouth n’a cependant pas obtenu satisfaction à toutes ses demandes. Il reste un point ambigu autour d’une zone de 5 kilomètres de longueur (6 km2) réclamé par Israël, qui commence de la côte depuis un point situé sur le territoire libanais et converge vers la ligne 23. Ce tracé, appelé la « ligne des bouées », installé unilatéralement par les Israéliens, répond à des impératifs sécuritaires pour protéger les agglomérations touristiques de Rosh Hanikra.
Toutefois, ce litige ne compromet pas la délimitation des zones maritimes entre les deux pays ni le début des travaux d’exploration. Dans le meilleur des scénarios, le Liban ne commencera l’extraction du gaz, s’il est trouvé en quantité commercialement rentable, que dans trois ans.
Malgré ce délai, l’accord conclu offre des perspectives prometteuses pour le pays, frappé depuis quatre ans par unecrise qui a mis son économie à genou et plongé dans la pauvreté 80% de la population. Désormais, les Libanais auront une raison d’espérer que l’avenir pourrait être meilleur.
M. B.