vendredi 22 novembre 2024
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« Notre cœur est brisé » : la rue arabe laisse à nouveau éclater sa colère après la frappe sur un hôpital à Gaza

Du Maroc à Bahreïn, des milliers d’Arabes ont manifesté mercredi pour exprimer leur indignation après la frappe meurtrière contre un hôpital de Gaza qu’ils imputent à Israël, malgré son démenti et celui de Joe Biden.

Mercredi, devant l’ambassade d’Israël à Amman, environ 10 000 manifestants, selon une source sécuritaire jordanienne, se sont rassemblés pour exiger l’expulsion de la mission diplomatique israélienne à la suite de l’attaque. « Pas d’ambassade sioniste sur le territoire jordanien », ont scandé les manifestants, brandissant des drapeaux palestiniens.

Au Liban, plusieurs manifestations ont eu lieu devant des représentations diplomatiques, dont celle des États-Unis et de l’ONU. La route vers l’immense ambassade des États-Unis, située au nord de Beyrouth, était bloquée par l’armée libanaise, qui a actionné une barrière métallique. Des jeunes l’ont escaladé, jeté des pierres. La police a répondu avec des tirs de gaz lacrymogène. Dans la foule, les slogans en soutien aux Palestiniens ont fusé. « Je suis venue manifester ma solidarité avec le peuple palestinien. L’origine de tous nos problèmes, de tout ce qui nous arrive au Proche-Orient, et même dans le monde, est ici – les Américains. C’est Biden qui concocte les massacres en Palestine », a raconté Sana, venue du sud du Liban.

Plus tôt, un rassemblement a eu lieu devant la représentation de l’ONU située dans le centre de Beyrouth. Beaucoup de manifestants étaient habillés en noir en signe de deuil. Hwaida, foulard palestinien autour du cou, émet des doutes sur la volonté de l’organisation onusienne : « Nous pensons que les Nations unies ont la capacité, si elles ont la volonté, de faire la différence : permettre l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza, pousser l’armée israélienne à stopper les bombardements, aider les civils palestiniens… Même si je ne crois pas que l’ONU va faire quelque chose ». Pendant ce temps, de nouveau échanges de tirs ont eu lieu à la frontière libano-israélienne.

« Frères » palestiniens

Les populations des pays voisins de la bande de Gaza ont réaffirmé ce mercredi leur solidarité aux « frères » palestiniens. Devant l’université du Caire, en Égypte, des manifestants se sont rassemblés. Scène improbable dans ce pays où les manifestations sont depuis longtemps interdites.

Mais cette fois-ci, le rassemblement était toléré même si très encadré par les forces de sécurité. Ayman, jeune étudiant de 24 ans, n’a pas supporté les images du bombardement de l’hôpital à Gaza. C’est ce qui l’a poussé à venir manifester. « Ce genre de situation, on n’avait jamais vu ça. Cibler des gens qui sont en train de se faire soigner dans un hôpital, ou qui y ont trouvé refuge. Où vont-ils aller, maintenant ? », interroge le manifestant qui tient les Israéliens pour responsable de cette frappe qui a fait des centaines de victimes.

« L’occupant a visé des civils, pas des soldats. Israël et l’Amérique ont imposé l’idée qu’ils voulaient prendre la Palestine », ajoute-t-il, décidé à défendre le combat politique palestinien.

Son camarade, Youssef, l’accompagne pour interpeller la communauté internationale : « Ici, tout le monde veut savoir pourquoi les Arabes sont solidaires et pourquoi l’Occident de son côté reste silencieux face au massacre en Palestine ». Les Égyptiens descendront sans aucun doute à nouveau dans la rue. Les autorités elles-mêmes appellent à un grand rassemblement populaire en soutien à la Palestine vendredi prochain.

Dans les Territoires palestiniens, ce mercredi était une journée de grève. Et le mot d’ordre a été très suivi. Dans le camp de réfugiés de Daysheh, les rideaux de fer des magasins sont restés baissés. Les écoles fermées. Les rues étroites de ce quartier densément peuplé sont anormalement vides : juste des enfants en train de jouer.

« Après le massacre qui a eu lieu mardi à Gaza, vous ne pouvez pas simplement vous lever et aller au travail ou ouvrir votre commerce et vous concentrer uniquement sur votre vie quotidienne. Cela ne semble pas correct. Et la moindre des choses que nous pouvons faire est d’exprimer notre tristesse, note chagrin, notre colère. La vie ne peut pas être normale si c’est totalement anormal », témoigne Muhannad Qaisy,un habitant du camp.

« Je n’ai pas de mot assez fort »

En Mauritanie également, le peuple est descendu dans la rue pour afficher son soutien depuis le premier jour à la cause palestinienne et exprimer leur colère. Ici, pour les Mauritaniens interrogés, il n’y a pas de doute, la frappe contre l’hôpital est bien l’œuvre de l’armée israélienne.

« Notre cœur est brisé, la mort de beaucoup d’enfants, plus de 300. Nous prions pour tous les Palestiniens », raconte une femme. « Ce sont des musulmans, des Arabes, et moi je suis mauritanien, nous sommes des frères », ajoute un manifestant. « Je n’ai pas de mot assez fort pour exprimer la douleur et la tristesse que je ressens face à cette situation tragique. Je pense qu’on doit rester mobilisés et continuer à dénoncer l’atrocité et la barbarie de l’occupation », conclut un autre.

Ils appellent la communauté internationale à agir : « On leur arrache leurs biens, on tue leurs enfants, on les tue eux-mêmes. Ce n’est pas sérieux de la part de la communauté internationale de cacher ce qu’il se passe, ce que fait Israël ». « Je crois que l’inaction de la communauté internationale face aux massacres et crimes de guerre que l’occupation est en train de perpétrer à Gaza auront des conséquences graves et des répercussions partout dans le monde ». Dès mardi soir, dans un communiqué, le gouvernement mauritanien a parlé de génocide et a condamné la frappe contre l’hôpital commise « par la machine de guerre israélienne ». Il a aussi appelé « la communauté internationale à assumer ses responsabilités juridiques et humanitaires pour fournir au peuple palestinien une protection urgente ».

« Fermez ce consulat sioniste ! »

La Tunisie a également, pour le second soir consécutif, vu des milliers de personnes manifester. Beaucoup de jeunes, lycéens et étudiants étaient présents dans les rues de Tunis. Mardi soir, les manifestants ont protesté devant l’ambassade de France, dénonçant le soutien à Israël. Mercredi, face aux barricades, les manifestants ont défilé sur l’avenue Bourguiba, scandant des slogans anti-France et anti-américain et de soutien aux Palestiniens. C’est l’une des plus grosses manifestations dans le pays depuis plusieurs années.

À Istanbul, une foule a également manifesté mercredi soir devant le consulat des États-Unis.   De nombreux manifestants ont brandi des drapeaux palestiniens ou des pancartes accusant Israël d’être responsable de la mort d’enfants à Gaza. « Fermez ce consulat sioniste ! », ont clamé les manifestants devant les deux représentations diplomatiques.

Même situation au Maroc où des centaines de manifestants se sont rassemblés près du consulat américain à Casablanca pour dénoncer le soutien de Washington à Israël dans son offensive contre Gaza. Les manifestants ont brandi des banderoles condamnant le « génocide », « l’apartheid » et « l’occupation ».

M. B.