dimanche 22 décembre 2024
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ONU : l’Assemblée générale s’ouvre dans un contexte de graves crises multiples

La séance plénière de l’Assemblée générale de l’ONU s’est ouverte mardi 19 septembre, avec des discours forts d’États-membres, dans un contexte de multiples crises mondiales. En pleine invasion de l’Ukraine par la Russie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a fait sa première apparition en personne à la tribune, peu après le discours de son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva. Mais l’attention est également tournée vers le Haut-Karabakh, sur lequel l’Azerbaïdjan a lancé une nouvelle offensive.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est monté ce mardi à la tribune de l’ONU pour la première fois depuis l’invasion russe, face à une communauté internationale fragmentée et ébranlée par des crises en série, en particulier la guerre en Ukraine. Il y a un an, il avait exceptionnellement été autorisé à intervenir via un message vidéo.

Cette fois, il était là en personne, pour la session de haut niveau de l’Assemblée générale annuelle des Nations unies mardi et une réunion spéciale du Conseil de sécurité mercredi, avant de partir pour Washington où il sera reçu à la Maison blanche jeudi.

Zelensky accuse la Russie de « génocide » en déportant des enfants ukrainiens

Dans son discours, Volodymyr Zelensky a accusé la Russie de « se servir du prix des aliments (…) et de l’énergie nucléaire comme d’une arme », estimant que Moscou n’avait « aucun droit de détenir des armes nucléaires », a-t-il lancé à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, où il a été longuement applaudi.

Le transfert par la Russie de « dizaines de milliers » d’enfants ukrainiens dans les territoires qu’elle occupe en Ukraine est « clairement un génocide », a dénoncé le président, sous les yeux de l’ambassadeur russe adjoint à l’ONU Dmitry Polyanskiy, présent à la table russe. « Nous essayons de faire rentrer ces enfants à la maison, mais le temps passe. Qu’est-ce qui va leur arriver ? En Russie, on leur apprend la haine de l’Ukraine, et tous les liens avec leurs familles sont coupés. C’est clairement un génocide ».

Le président ukrainien, dans son premier discours en personne à l’Assemblée de l’ONU, a déclaré que son pays préparait un « sommet mondial de la paix » auquel il veut inviter tous les dirigeants de la planète opposés à « l’agression » de l’Ukraine par la Russie. « Des discussions et des échanges importants ont eu lieu à Hiroshima, Copenhague et Jeddah sur la mise en œuvre d’un plan de paix. Et nous préparons un sommet mondial de la paix. Je vous invite tous – tous ceux qui ne tolèrent aucune agression – à préparer conjointement ce sommet », a-t-il martelé.

L’Ukrainien doit notamment rencontrer son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva mercredi, après un rendez-vous manqué en mai lors du sommet du G7, selon la présidence brésilienne. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le Brésil, qui a créé notamment avec la Russie le groupe des Brics, s’est refusé à fournir des armes à Kiev ou à imposer des sanctions contre la Russie de Vladimir Poutine. Le président brésilien a suscité la polémique en affirmant à plusieurs reprises que les responsabilités du conflit étaient partagées, même s’il a condamné l’invasion russe.

Lula appelle une nouvelle fois au « dialogue » entre Kiev et Moscou

De la tribune de l’Assemblée générale, Lula l’a affirmé aux dirigeants du monde entier – et plus particulièrement à ses homologues des pays émergents: le Brésil est de retour ! Le président brésilien entend faire de son pays un poids lourd sur la scène internationale. Celui qui est resté neutre dans le conflit en Ukraine sait que son influence grandit. Et encore hier, il n’a pas pris position dans son discours inaugural à l’ONU, tout en taclant les grands pays, sans nommer ni la Russie, ni les Etats-Unis.

Le Conseil de sécurité de l’ONU perd progressivement sa crédibilité. Cette fragilité est le résultat spécifique des actions de ses membres permanents qui mènent des guerres non autorisées visant à l’expansion territoriale ou au changement de régime. Sa paralysie est la preuve la plus éloquente de la nécessité urgente de le réformer, ce qui lui apportera plus de représentativité et d’efficacité.

Lula, qui se targue d’avoir une relation forte avec Vladimir Poutine, a appelé au « dialogue » dans le cadre du conflit, affirmant que « du travail doit être réalisé pour créer un espace de négociations » entre les parties. Comme de nombreux dirigeants, Lula a déploré que « beaucoup a été investi dans des armes et très peu dans le développement ».

« La guerre en Ukraine révèle notre incapacité collective à faire respecter les buts et principes de la Charte des Nations unies. Nous ne sous-estimons pas les difficultés rencontrées pour parvenir à la paix, mais aucune solution ne sera durable si ce n’est pas basé sur le dialogue. J’ai réitéré qu’il fallait travailler pour créer un espace de négociation. (…) La stabilité et la sécurité ne seront pas assurées là où règnent l’exclusion sociale et les inégalités. L’ONU est née pour être le lieu d’un dialogue compréhensif. La communauté internationale doit choisir entre l’expansion des conflits, l’aggravation des inégalités et l’érosion de l’État de droit. De l’autre, le renouvellement des institutions multilatérales dédiées à la promotion de la paix. »

À son tour, le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est engagé « intensifier » ses « efforts » diplomatiques pour « mettre fin à la guerre » en Ukraine envahie par la Russie. « Depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, nous nous sommes efforcés de garder nos amis russes et ukrainiens autour de la table, avec l’idée que la guerre n’aura aucun vainqueur et la paix aucun perdant », a-t-il affirmé à la tribune.

L’Afrique était aussi présente à la tribune

Plusieurs présidents du continent africains sont montés à la tribune. Le Sud-Africain Cyril Ramaphosa a été le premier d’entre eux. Il a regretté les sommes dépensées pour financer la guerre, plutôt que pour soutenir « les besoins de base de milliards de personnes ». Il s’est donc prononcé pour une hausse massive de financements à long terme pour les pays en développement, alourdis par le poids de leur dette.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a, quant à lui, dénoncé les sommes dépensées pour la guerre plutôt qu’au financement du développement des plus vulnérables. « C’est un acte d’accusation contre la communauté internationale que nous puissions dépenser tellement pour la guerre, mais que nous ne puissions pas soutenir l’action nécessaire pour répondre aux besoins de base de milliards de personnes ».

Le président sud-africain a déploré l’aggravation de « l’inégalité, la pauvreté et le chômage ». Il a donc appelé à une augmentation « massive » de financements meilleur marché et à long terme pour les pays en développement, dont beaucoup sont paralysés par le poids de leur dette.

Parmi les séquences les plus attendues pour ce premier jour, il y avait surtout le discours de Bola Tinubu. L’attitude du président nigérian, chef en exercice de la Cédéao, est suivie de près depuis le coup d’Etat au Niger. Un sujet sur lequel il a maintenu sa position.

« Cette vague de coups d’Etat qui traverse cette partie de l’Afrique… (est) une demande de solution à des problèmes… Pour ce qui est du Niger, nous sommes en train de négocier avec les dirigeants militaires. »

Biden appelle à une mission en Haïti et à plus d’efforts contre le changement climatique

S’exprimant peu après son homologue brésilien, le président américain Joe Biden a également prononcé un discours chargé, parlant de plusieurs crises. Il a appelé mardi le Conseil de sécurité des Nations unies à « autoriser maintenant » l’envoi en Haïti d’une force internationale pour aider la police à lutter contre les gangs, car « le peuple d’Haïti ne peut pas attendre plus longtemps ».

La violence des gangs qui contrôlent la majeure partie de la capitale de ce pays pauvre des Caraïbes et font régner la terreur a fait plus de 2 400 morts depuis le début de l’année, selon l’ONU. Depuis près d’un an, le Premier ministre haïtien Ariel Henry et le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres réclament l’envoi d’une force internationale pour aider la police dépassée par cette violence.

On a besoin de plus de voix, plus de perspectives à la table. Les Nations unies doivent continuer de préserver la paix, de prévenir les conflits et d’atténuer les souffrances humaines. Et nous sommes pour que des nations se mobilisent pour explorer de nouvelles méthodes, et rechercher de nouvelles approches pour les questions difficiles. Par exemple, sur Haïti, les communautés caribéennes facilitent un dialogue au sein de la société haïtienne. Je remercie le président Ruto du Kenya d’avoir bien voulu de servir de pays chef de file d’une mission de soutien à la sécurité soutenue par l’ONU. J’appelle le Conseil de sécurité à autoriser cette mission maintenant. Les gens de Haïti ne peuvent pas attendre beaucoup plus longtemps

Le président du pays en tête des émissions de CO2 a averti que la crise climatique est « une menace existentielle (…) pour toute l’humanité ». Citant les vagues de chaleur, les incendies, les inondations et la sécheresse qui ont frappé ces derniers mois en divers endroits du globe, « pris tous ensemble, ces événements racontent ce qui nous attend si nous échouons à réduire notre dépendance aux énergies fossiles et à adapter notre monde au changement climatique ».

« Chercher à gérer la rivalité » entre Washington et Pékin

À ce sujet, notamment, Joe Biden a également assuré qu’il était « prêt à travailler avec la Chine ». Il a également martelé qu’il « cherchait à gérer la rivalité » avec la Chine « de manière responsable afin qu’elle ne dégénère pas en conflit ».

Les contacts à haut niveau entre les deux grandes puissances se sont multipliés ces derniers temps. La veille de l’ouverture de l’Assemblée, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a rencontré à New York le vice-président chinois Han Zheng, arguant de la nécessité d’une gestion « responsable » de la relation tendue avec Pékin. « Je pense qu’il s’agit d’une bonne chose que de multiplier les rencontres à haut niveau » entre les États-Unis et la Chine, a-t-il déclaré au début de sa rencontre avec le responsable chinois, cela pour « s’assurer que nous gardons les lignes de communication ouvertes », a-t-il dit.

Pour sa part, le vice-président chinois a relevé que les deux premières puissances économiques mondiales faisaient face « à de nombreuses difficultés et défis ».

Les conflits autour du Haut-Karabakh éclatent le jour de l’ouverture de l’Assemblée

Ironie du calendrier ou non, l’ouverture de l’Assemblée générale de l’ONU a également été marquée par la reprise des combats le mardi matin entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie au sujet de la région du Haut-Karabakh, qui a déjà été au cœur de plusieurs conflits ouverts entre les deux pays.

À ce sujet, la France a condamné mardi « avec la plus grande fermeté » le lancement par l’Azerbaïdjan de l’opération militaire et demandé « la convocation d’urgence d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies ». Cette opération est « illégale, injustifiable, inacceptable », a réagi mardi la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, auprès de quelques journalistes en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.

« Je voudrais souligner que nous tenons l’Azerbaïdjan responsable du sort des Arméniens du Haut-Karabakh », a-t-elle dit, ajoutant que la France était en contact avec ses partenaires européens et américain ainsi qu’avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Plus tôt, elle avait demandé « la convocation d’urgence d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies », « compte tenu de la gravité de la responsabilité que vient de prendre l’Azerbaïdjan ».

Cuba se veut « la voix du Sud » et appelle à un « nouveau contrat mondial, plus juste »

Le président cubain Miguel Diaz-Canel, qui se veut être « la voix du Sud », a plaidé mardi à l’ONU pour un « nouveau contrat mondial », dénonçant l’écart croissant entre les pays riches et les pays en développement. « Un nouveau contrat mondial, plus juste, est impératif », a-t-il lancé, appelant à une meilleure répartition des richesses, à la restructuration de la dette des pays en développement et à faire face au changement climatique.

M. B.