vendredi 22 novembre 2024
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Pétrole : la flambée des prix fait s’envoler les bénéfices des géants Aramco et BP

Le britannique BP a vu son bénéfice hors éléments exceptionnels plus que doubler, mais le groupe essuie une perte nette. Le saoudien Aramco a enregistré une hausse de 39% de son bénéfice net au troisième trimestre 2022.

L’augmentation du bénéfice net d’Aramco, passé à 42,43 milliards de dollars par rapport aux 30,43 milliards du troisième trimestre de 2021, est « principalement due à la hausse des prix du pétrole brut et des volumes vendus », a précisé la firme sur le site de la Bourse de Riyad. Fleuron de l’économie saoudienne, qui repose essentiellement sur l’exportation de pétrole, Aramco est détenu en très grande majorité par l’État. L’entreprise profite particulièrement de la flambée des prix, puisqu’elle a un des coûts de production les plus bas.

Cette tendance devrait se poursuivre pour les prochaines années. Selon Amin Nasser, le PDG d’Aramco, la demande de pétrole va continuer d’augmenter, car l’économie mondiale aura « besoin d’une énergie plus abordable et plus fiable ».

Et l’économie de l’Arabie saoudite en profite. Le pays affiche une croissance de 8,6% au troisième trimestre sur un an. Mais on peut noter que les activités non pétrolières du royaume ont elles aussi progressé de 5,6% portées par l’industrie chimique et plastique, reflet des réformes menées ces dernières années pour diversifier l’économie du pays et le rendre moins dépendant des hydrocarbures.

Des pertes malgré des rentrées d’argent importantes pour BP

Du côté de BP, le résultat, hors éléments exceptionnels, l’indicateur le plus suivi par les marchés, atteint les 8,2 milliards de dollars, contre 3,3 milliards un an plus tôt. La perte nette est quant à elle de 2,2 milliards de dollars sur la période et elle est due à un « effet comptable défavorable » de 10,1 milliards. L’entreprise britannique a notamment annoncé mardi un programme de rachat d’actions de 2,5 milliards de dollars, portant le total des rachats annoncés cette année à 8,5 milliards. « Les résultats de ce trimestre montrent que nous continuons à afficher une bonne performance tout en nous transformant », a fait valoir le directeur général de BP Bernard Looney, cité dans le communiqué.

Sur ces bénéfices, la société britannique, présente en mer du Nord, doit payer un peu plus de deux milliards d’euros d’impôts sur l’année, dont 800 millions d’euros pour la taxe exceptionnelle mise en place par l’ancien chancelier Rishi Sunak au printemps, rapporte notre correspondante à Londres. La « windfall tax », sur les profits réalisés au Royaume-Uni, doit financer en partie les mesures d’aides aux Britanniques pour faire face à la hausse des prix de l’énergie.

La semaine passée, un autre géant du secteur, Shell, avait annoncé ne pas avoir payé de taxe exceptionnelle, malgré ses près de 10 milliards de profits mondiaux au troisième trimestre, en raison de ses investissements dans le renouvelable au Royaume-Uni. La taxe doit permettre de recueillir près de 20 milliards d’euros. Ce qui est trop peu pour l’opposition et les groupes de défense de l’environnement qui estiment qu’en raison de leurs profits record, les géants gaziers et pétroliers doivent davantage contribuer au soutien des ménages.

L’Opep+ veut soutenir les prix

Les résultats d’Aramco et de BP sont par ailleurs rendus public alors que les pays exportateurs de pétrole de l’Opep+, Arabie saoudite et Russie en tête, s’apprêtent à réduire leur production pour soutenir les prix de l’or noir. Depuis plusieurs jours, les compagnies pétrolières installées aux États-Unis ou ailleurs – Shell, TotalEnergies, ExxonMobil et Chevron – annoncent des profits record au dernier trimestre.

Lundi, le président américain Joe Biden a d’ailleurs menacé de taxer ces profits exceptionnels liés au conflit en Ukraine. « Il est temps que ces entreprises cessent de profiter de la guerre, assument leurs responsabilités envers ce pays, laissent leurs clients tranquilles tout en continuant à bien réussir, a déclaré le président américain. Les Américains vont pouvoir juger qui est à leurs côtés et qui s’intéresse seulement à ses résultats financiers. »

La publication de ces résultats intervient quelques jours avant le sommet de l’ONU sur le climat, COP27, visant à freiner le réchauffement climatique, auquel l’industrie pétrolière contribue largement selon les experts. En 2021, avant le sommet sur le changement climatique COP26, l’Arabie saoudite avait promis d’atteindre la neutralité carbone avant 2060, suscitant le scepticisme des défenseurs de l’environnement.

Au Salon international du pétrole, Abou Dhabi et Riyad plaident pour plus d’investissements dans les hydrocarbures

Alors que la COP27 commence le 6 novembre, le Salon international du pétrole se tient à Abou Dhabi. Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite plaident pour plus d’investissements dans les hydrocarbures. « Le monde a besoin de toutes les solutions possibles », y compris donc du gaz et du pétrole. C’est le credo du ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis qui accueilleront en 2023 la COP28. « Si nous annulons tous les investissements en hydrocarbure, nous allons perdre cinq millions de barils de pétrole par jour chaque année des réserves actuelles ». Il joue sur une corde sensible : « la sécurité énergétique est la base de tout progrès économique et social » et même selon lui de « progrès climatique ».

Tout aussi contradictoires, les promesses des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite. Les deux voisins, qui comptent parmi les plus grands exportateurs de pétrole brut au monde, s’engagent à atteindre leur objectif de zéro émission nette de CO2 d’ici à 2050 tout en « augmentant leur capacité de production » de brut.

Un discours dissonant par rapport aux déclarations, la semaine dernière du secrétaire général de l’ONU. Il serait « stupide », selon Antonio Guterres, de continuer à parier sur les énergies fossiles qui ont « conduit au désastre » de la crise énergétique. Dans le guide de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) vers la neutralité en 2050, figure l’arrêt sans délai des investissements dans de nouveaux projets d’énergie fossiles.

M. B.