mercredi 30 octobre 2024
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Présidentielle américaine / Robert Jr., le Kennedy complotiste Avec plus de 10 % d’intentions de vote, le neveu de JFK, candidat indépendant, antivax, pourrait jouer les trouble-fêtes en novembre. Au détriment de Biden ou de Trump ?

Avec quatre heures de retard, Robert Kennedy Jr. monte sur la scène du Ryman Auditorium, salle de spectacle mythique de Nashville, dans le très conservateur État du Tennessee. Toute la soirée, des humoristes proches du candidat indépendant ont multiplié les sketchs sur les favoris de la course présidentielle américaine, Joe Biden et Donald Trump, sur le Covid ou la « corruption des médias de masse ». Parmi eux, le stand-uppeur complotiste Russell Brand, visé par des accusations de viol et d’agressions sexuelles, et l’acteur antivax Rob Schneider.

Contre toute attente, ce n’est pas à un discours politique que s’attelle alors le fils du défunt Bob Kennedy, assassiné en 1968, comme son frère John cinq ans plus tôt, en pleine campagne présidentielle où il concourait sous l’étiquette démocrate. La voix rauque à peine audible — il est atteint d’une maladie neurologique qui affecte ses cordes vocales —, le candidat se met à raconter une blague sur deux Irlandais ivres devant une audience hilare.

Il faut dire que « RFK Jr. », 70 ans, ne correspond pas tout à fait à l’image que l’on se fait d’un Kennedy. Enfant, il est expulsé de plusieurs établissements scolaires. À l’âge de 28 ans, il est arrêté pour possession d’héroïne et fait les gros titres. De cette époque, il garde une réputation de rebelle, cultivée avec soin.

Avocat engagé pour la préservation de l’environnement, RFK Jr. s’illustre ensuite dans des batailles judiciaires contre de grands groupes polluants comme Monsanto et Mobil. Cet antivax devient en 2020 l’un des chantres du mouvement covidosceptique aux États-Unis et va jusqu’à comparer la campagne de vaccination à l’Holocauste, avant de s’excuser. Il a aussi affirmé que le virus était « ethniquement préparé » afin d’attaquer « certaines races de manière disproportionnée ».

Difficile de dresser un portrait-robot des électeurs qu’il parvient à séduire. Mais ils ont en commun d’être sensibles aux thèses complotistes promues par Kennedy Jr. « Mon fils est devenu autiste à cause des vaccins », assène Shannon Wessels, gérante trentenaire d’un salon de coiffure à Nashville. Ses opinions politiques ont été bouleversées par la pandémie. Après avoir voté pour Hillary Clinton en 2016, puis Joe Biden en 2020, elle hésite entre Trump et Kennedy. Michael, 29 ans, est, lui, convaincu que JFK a été assassiné par la CIA. Ce diplômé en histoire de l’art, au chômage, est obsédé par les théories du complot sur la mort des célébrités. Si RFK Jr. quittait la course, il préférerait Biden à Trump, « un faux populiste, un agent de la ploutocratie corporatiste ».

Un échochez de jeunes adultes

Les thèses conspirationnistes de Kennedy Jr. atteignent une frange de la population en particulier : les jeunes adultes, venus en masse à Nashville. Selon un récent sondage du « New York Times », dans les États clés — qui feront l’élection du 5 novembre — du Nevada, de Pennsylvanie, d’Arizona, de Géorgie, du Michigan et du Wisconsin, l’avocat arrive à convaincre environ 18 % des 18-29 ans et 15% des moins de 45ans,ce qui lui permet de dépasser la barre symbolique des 10 % d’intentions de vote.

C’est grâce aux réseaux sociaux que le fils de Bob Kennedy accroche cette audience très connectée. « J’ai découvert RFK Jr. grâce à des publicités sur X, puis j’ai écouté ses podcasts », raconte Kevin Cifuentes, un ingénieur de 35 ans, autrefois fidèle électeur démocrate. « Kennedy Jr., c’est le choix du centre », assure celui qui est arrivé à Nashville à l’âge de 10 ans depuis son Équateur natal.

Bien malin celui qui saura placer RFK Jr. sur l’échiquier politique. Un temps candidat à la primaire démocrate — logique pour un Kennedy —, il s’est lancé en tant qu’indépendant, s’attirant les foudres de sa propre dynastie. Quinze membres de la famille Kennedy ont depuis préféré soutenir Joe Biden. Ce désaveu du clan ne l’empêche pas de capitaliser sur son illustre patronyme. À l’occasion du Super Bowl, en février, il avait même repris le film de campagne de JFK en 1960 à son compte, en changeant simplement les photos.

En matière de communication, RFK Jr. n’hésite pas à faire feu de tout bois. Loin d’être gêné par de récentes révélations du « New York Times » sur un ver parasite qui aurait affecté son cerveau, le candidat préfère en jouer et ironiser sur ses rivaux. « Avec cinq vers, je parviendrais tout de même à battre Biden et Trump en débat », ose ainsi ce trouble-fête. Encore faudrait- il qu’il soit invité.

M. B.