dimanche 22 décembre 2024
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Réunion de Ramstein : pas d’avancée sur les chars demandés par Kiev

Pas d’avancée sur la question des chars lourds, réclamés par l’Ukraine, mais que les alliés de cette dernière rechignent à lui livrer. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait encouragé les pays occidentaux à renforcer leur soutien militaire, avant la réunion de Ramstein, convoquée à l’initiative des États-Unis. C’est oui pour une nouvelle livraison de missiles, de munitions, de blindés légers, mais les promesses s’arrêtent là, a-t-on appris à l’issue du rendez-vous.

Une réunion importante se déroulait vendredi sur la base américaine de Ramstein, en Allemagne, où les alliés de l’Ukraine, les pays amis de Kiev, se sont retrouvés pour parler d’armement militaire.

Plus de matériel, plus d’armement, plus de soutien face à l’armée russe ; c’est la ligne poussée par les Américains, qui recevaient pour l’occasion les représentants d’une cinquantaine de pays.

Au cœur des discussions, la livraison de chars – de chars lourds – à l’armée ukrainienne. Mais malgré les suppliques de Kiev, toujours pas de véhicules Abrams ou Leclerc venus de Washington ou Paris, et pas de mouvement non plus au sujet des Leopard 2 détenus par l’Allemagne.

En somme, beaucoup de bruit pour rien. Et c’est chacun de son côté qu’Allemands, Polonais et Américains se sont présentés à la presse après la réunion.

Washington prié de montrer la voie

Le débat n’est toujours pas tranché, à Berlin. Impossible, selon le nouveau ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, de dire quand une décision sera prise et quelle en sera la nature.

Mais ce qui ressemble à un échec diplomatique ne veut pas dire que les Ukrainiens ne recevront jamais de chars de combat Leopard 2.

L’Allemagne a par ailleurs fait un petit pas en direction des Ukrainiens à Ramstein, en annonçant vouloir se livrer rapidement à un état des lieux des stocks disponibles. Boris Pistorius : « J’ai demandé ce matin à mes équipes de dresser un inventaire des différents modèles de chars Leopard qui sont aux mains de nos forces de défense comme de l’industrie en mettant tout particulièrement l’accent sur la compatibilité de nos systèmes avec ceux que possèdent nos partenaires ainsi que leur disponibilité. Ça ne prédispose d’aucune décision. C’est une préparation en vue d’un jour qui pourrait venir. »

Berlin a aussi annoncé l’envoi d’un milliard d’euros d’aide militaire supplémentaire à l’Ukraine – soit 3,3 milliards d’euros depuis le début de la guerre. Mais, pressé par de nombreux alliés d’en faire plus pour les Ukrainiens, M. Pistorius temporise. Nous n’hésitons pas, dit-il, nous pesons « le pour et le contre ».

Quant à cette idée d’une Allemagne isolée parmi les alliés de l’Ukraine, qui serait la seule à refuser de livrer des chars lourds, elle est fausse, assène-t-il ; les avis ne sont pas aussi uniformes qu’il n’y paraît, beaucoup d’alliés partagent l’opinion de Berlin selon lui.

Le gouvernement allemand maintient donc sa ligne rouge : pas question d’y aller en solo. Berlin ne livrera ses Leopard à l’Ukraine, ou n’autorisera d’autres pays à le faire, ce qui est son droit, qu’à une condition : si les États-Unis font le premier pas en lâchant leurs chars Abrams.

C’est une question de principe et un blocage moral, aussi. La dernière fois que l’Allemagne a déployé des tanks face à la Russie, c’était au temps du régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale.

« Nous pouvons tous faire plus » pour Kiev

De toute évidence, l’Allemagne ne veut pas trop s’exposer, endosser un rôle de premier plan, de puissance militaire, auquel elle n’est pas habituée. Berlin craint de s’attirer les foudres du Kremlin et les menaces de Vladimir Poutine, qui assure que de telles livraisons entraîneront une aggravation dangereuse du conflit.

De son côté, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, s’exprime en termes diplomatiques. Interrogé sur la livraison de Leopard 2, les Allemands « sont fiables et ils l’ont été pendant très longtemps et je crois sincèrement qu’ils continueront à être un allié fiable dans le futur », a-t-il dit.

« Nous pouvons tous faire plus », a concédé M. Austin. « Nous avons ici une fenêtre d’opportunité entre maintenant et le printemps… dès qu’ils commencent leur opération, leur contre-offensive ». Et d’ajouter : « Ce n’est pas une longue période et nous devons réunir les bonnes capacités. »

D’ici là, selon le chef du Pentagone, les paquets d’aide militaire supplémentaire promis par les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suède, la Finlande ou encore le Danemark, offrent aux forces ukrainiennes « la capacité dont elles ont besoin pour remporter des succès » sur le terrain.

« D’un point de vue militaire, je maintiens encore qu’il sera très, très difficile d’expulser les forces russes de toutes les zones d’Ukraine occupées » d’ici à la fin de l’année, estime pour sa part le général Mark Milley, chef d’état-major américain, qui s’exprimait en conférence de presse également depuis Ramstein.

Dans son discours quotidien du soir, ce vendredi, Volodymyr Zelensky a de nouveau, à travers son peuple, martelé son message à l’adresse des alliés de l’Ukraine : « Oui, nous devrons encore nous battre pour la fourniture de chars modernes, mais chaque jour, nous rendons plus évident le fait qu’il n’y a pas d’autre solution que la prise d’une décision concernant les chars. »

Plusieurs armées européennes sont dotées de ces véhicules lourds de combat, les Leopard. Des États comme la Pologne et la Finlande ont d’ores et déjà annoncé être prêts à en envoyer en Ukraine.

Chars lourds : Varsovie pousse encore

Après la réunion du jour, le ministre polonais de la Défense, Mariusz Błaszczak, s’est déclaré « convaincu » que la formation d’une coalition pour des chars Leopard à l’Ukraine, « finira par être un succès ».

La Pologne se dit prête à en envoyer 14, dans le cadre d’une coalition internationale, et avec le feu vert de Berlin. Le ministre polonais de la Défense va rencontrer son homologue allemand Boris Pistorius, assure-t-il.

« Cet espoir découle du fait que les ministres de la Défense de quinze pays se sont rencontrés en marge de la conférence d’aujourd’hui et nous avons discuté » de cette question, plaide Mariusz Błaszczak.

Et d’ajouter que Varsovie, dans le cadre du nouveau paquet d’aide à Kiev, va « équiper et former des soldats ukrainiens au niveau d’une brigade », avec des « véhicules de combat d’infanterie et de chars T-72 usagés ».

L’armée polonaise est dotée de 240 Leopard, mais elle a besoin d’un accord de l’Allemagne, qui a fabriqué ces blindés. Un don d’armement est nécessairement conditionné à une approbation de Berlin, c’est la règle dans les contrats d’armement.

M. B.