dimanche 27 avril 2025
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Sommet sur l’intelligence artificielle à Bletchley Park : où sont les champions européens ?

L’intelligence artificielle suscite autant de convoitises que d’inquiétudes. C’est pour savoir comment encadrer les risques liés à cette technologie qu’un sommet se tient ces 1er et 2 novembre à Bletchley Park, réunissant dirigeants politiques, représentants de la tech, mais aussi chercheurs. Une première.

Le lieu n’a pas été choisi par hasard. Situé dans le centre de l’Angleterre, à cinquante minutes de Londres, le manoir en brique rouge a accueilli le centre de décryptage britannique durant la Seconde Guerre mondiale. C’est là qu’a été déchiffré notamment le fameux code de la machine allemande Enigma après le décryptage partiel et l’envoi d’une réplique d’Enigma par les Polonais à leurs alliés français et britanniques en août 1939.

La réunion à Bletchley Park signifie donc que les Européens comptent faire partie de cette révolution technologique qu’est l’IA. Qui sont donc ces start-up européennes qui aspirent à rivaliser avec les groupes américains et chinois ?

MobiDev, Mistral AI ou encore Volocopter… Ces noms ne vous disent peut-être rien, et pourtant ce sont les champions européens de l’IA. Selon le rapport de Skopai, une plateforme de veille économique basée à Grenoble, en mars 2023, plus de 5 000 start-ups spécialisées en IA ont été implantées sur le continent européen. Tous les secteurs sont concernés. À commencer par le marketing, la vente et les ressources humaines, en passant par la santé qui représente un groupe à part. Viennent ensuite la finance et la cybersécurité, et enfin les solutions industrielles parmi lesquelles on retrouve le développement urbain, la mobilité ou la robotique.

Les Européens misent sur les start-up innovantes

Alors qu’ils ont pris un train de retard, les Européens misent désormais sur leurs start-up innovantes afin de profiter pleinement du potentiel économique que représente cette technologie. En 2022, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne ont investi le plus d’argent, qu’il soit public ou privé, dans l’IA. Dans le Top 50 des entreprises britanniques (source : TechEmergent) on retrouve notamment : MobiDev, créateur d’applications utilisant l’IA, Talentica Software, qui favorise l’éclosion des jeunes start-up ou encore Sigma Data Systems, spécialisée dans les Big Data.

Selon le mapping réalisé par France Digitale, près de 600 start-up de l’IA ont poussé dans l’Hexagone, dont 60% en Île-de-France. La moitié d’entre elles sont déjà rentables ou envisagent de l’être d’ici à trois ans. On y retrouve notamment Mistral AI. Fondée en juin 2023 par trois chercheurs passés par Google et Meta, la jeune pousse vient de dévoiler son premier programme d’intelligence artificielle générative, réutilisable librement. Dataiku est une autre pépite qui veut démocratiser les usages de la data science et l’accès à l’intelligence artificielle en entreprise. Dans cet écosystème, citons aussi Owkin, une start-up franco-américaine spécialisée dans les technologies d’intelligence artificielle appliquées à la recherche clinique. Sans oublier LightOn capable de défier ChatGPT grâce à sa plateforme baptisée « Paradigm » qui résume des vidéos, rédige des contenus, retranscrit des réunions… Avec ce seul objectif : doper la productivité des entreprises.

Parmi les start-up allemandes enfin qui ont réussi à lever le plus de fonds cette année, on retrouve Volocopter qui développe et produit des taxis volants, CoachHub, spécialiste du coaching professionnel et personnel en ligne, ainsi que Helsing, qui s’est imposé comme un acteur majeur dans le domaine de l’IA appliquée à la défense. En outre, Berlin envisage de créer 150 nouveaux laboratoires universitaires pour la recherche sur l’IA, tout en investissant 20 milliards d’euros dans les semi-conducteurs.

Manque cruel de financements européens

Car dans ce paysage largement dominé par les Gafam et la Chine, l’Europe dispose de chercheurs, mais manque cruellement de semi-conducteurs pour accélérer les calculs liés à l’IA et surtout, surtout elle manque d’argent. Selon les données de Bercy, en 2022 les États-Unis ont investi 50 milliards d’euros dans l’IA, la Chine 10 milliards et l’UE 5 milliards d’euros, soit dix fois moins que son rival outre-Atlantique.

Or, vu l’énorme pouvoir de transformation de l’IA, l’UE doit la placer au cœur de sa politique industrielle, estime Paris. « Il faut un réveil européen », a martelé Bruno Le Maire, ministre français de l’Économie, lors d’une récente réunion le 30 octobre à Rome où la France, l’Italie et l’Allemagne ont décidé de renforcer leur coopération dans le domaine de l’intelligence artificielle. « C’est la souveraineté européenne qui est en jeu », a dit le ministre français.

À l’initiative du sommet de Bletchley Park, le Royaume-Uni se veut le moteur d’une coopération internationale sur l’IA. À défaut de se mettre d’accord sur la règlementation du secteur, les participants au sommet voudront au moins parvenir à une compréhension commune des risques à venir.

A. K.