Les quatre membres de la richissime famille Hinduja, une des plus puissantes d’Inde et du Royaume-Uni, ont été acquittés vendredi 21 juin de traite d’êtres humains par un tribunal suisse. En revanche, ils ont été condamnés à de lourdes peines de prison pour avoir exploité leurs employés de maison.
Quatre des membres de la famille indo-britannique Hinduja ont été condamnés ce vendredi par un tribunal suisse à de lourdes peines de prison pour avoir exploité leurs employés de maison indiens dans les environs de Genève.
« Je suis sous le choc (…). J’ai le sentiment que le comportement a été jugé sur le plan moral et pas juridique », a déclaré un des avocats, Me Robert Assaël. Les avocats de la famille, à la tête d’un conglomérat présent dans 38 pays et employant quelque 200 000 personnes, ont annoncé dans un communiqué qu’ils faisaient appel de la décision de justice : « La famille a pleinement confiance dans le processus judiciaire et reste persuadée que la vérité triomphera ».
Malgré un accord à l’amiable et secret passé en cours de procès avec les trois employés qui les poursuivaient, la justice genevoise avait décidé de poursuivre les quatre membres de cette famille, qui ont la nationalité suisse. Le père, Prakash Hinduja (78 ans), et son épouse Kamal (75 ans) ont été condamnés à des peines de prison de quatre ans et six mois. Leur fils Ajay (56 ans) et leur belle-fille Namrata (50 ans) sont condamnés à des peines de prison de quatre ans chacun. Les juges ont aussi condamné les Hinduja à verser 850 000 francs suisses (889 000 euros) au canton de Genève.
Mises en détention réclamées par le procureur
La présidente du tribunal n’a pas mâché ses mots à leur égard : « Les mobiles des prévenus sont égoïstes » et ils étaient motivés « par l’appât du gain ». Elle a ajouté que leur collaboration pendant le procès avait été « mauvaise ». Le père et la mère étaient absents depuis le début du procès pour raisons de santé.
Les peines sont similaires à celles requises par le premier procureur Yves Bertossa, qui a réclamé la mise en détention du fils et de la belle-fille, faisant valoir des risques de fuite. La présidente du tribunal s’y est opposée, soulignant leurs attaches en Suisse. Elle a aussi fait valoir que la défense avait expliqué qu’ils avaient rejoint Kamal Hinduja, en « soins intensifs », dans un hôpital à Monaco.
Pendant le procès, deux visions se sont opposées frontalement sur les agissements de cette famille, classée plus riche du Royaume-Uni par le quotidien britannique Sunday Times cette année, grâce à ses 37 milliards de livres (48 milliards d’euros). Le magazine Forbes estime leur fortune à 20 milliards de dollars.
Un salaire moyen de 340 euros
Dans son réquisitoire, Yves Bertossa avait accusé cette famille d’avoir dépensé « davantage pour le chien que pour les employés domestiques ». Ces derniers dormaient dans une pièce au sous-sol de la villa des Hindujas. Leurs passeports étaient confisqués et leur salaire, qui se montait en moyenne à 325 francs suisses (340 euros) par mois, était très en dessous de ce que peut espérer gagner un employé de maison en Suisse, a détaillé la présidente du tribunal. Selon le tribunal, leur salaire était de 80 % à 90 % inférieur à ce qu’il aurait dû être, ce qui explique notamment la condamnation pour « usure ».
Le tribunal a en revanche écarté la traite d’être humain, faisant valoir que certains membres du personnel étaient revenus travailler à Genève après être rentrés en Inde. Mais « l’inexpérience des employés a été exploitée, ceux-ci étaient peu scolarisés, voire par du tout, n’avaient aucune connaissance de leurs droits », a relevé la présidente du tribunal. « Les quatre prévenus Hinduja connaissaient la situation de faiblesse de leurs employés et connaissaient la législation en Suisse », a-t-elle également signalé, soulignant que cela « aggravait » leur faute.
« Nous n’avons pas affaire à des esclaves maltraités »
Pendant le procès, la défense a relevé des failles dans l’accusation, qui a notamment passé sous silence des paiements en nature en plus des salaires en espèces. Il y a eu des billets d’avion payés, de la nourriture végétarienne à disposition en suffisance, des produits sanitaires fournis ou des frais médicaux payés, selon elle. Toujours selon la défense, les trois plaignants n’étaient pas isolés et pouvaient sortir de la villa. « Aucun employé n’a été trompé sur le salaire », avait également souligné Me Assaël. « Nous n’avons pas affaire à des esclaves maltraités », avait renchéri Me Nicolas Jeandin. Le dossier, selon la défense, se résume à une affaire de rémunération.
M. B.